Appel au peuple algérien
Texte intégral du premier appel adressé par
le Secrétariat général du Front de libération nationale
au peuple algérien
le 1er Novembre 1954
PEUPLE ALGÉRIEN,
MILITANTS DE LA CAUSE NATIONALE,
A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d’une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale dans le cadre nord-africain. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux.
Nous considérons avant tout qu’après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. Les événements du Maroc et de Tunisie sont à ce sujet significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l’Afrique du Nord. A noter dans ce domaine que nous avons depuis fort longtemps été les précurseurs de l’unité dans l’action, malheureusement jamais réalisée entre les trois pays.
Aujourd’hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie, et nous, relégués à l’arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. C’est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d’immobilisme et de routine, mal orienté, privé du soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les événements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algérienne.
L’HEURE EST GRAVE !
Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes responsables et militants conscients, ralliant autour d’elle la majorités des éléments encore sains et décidés, a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de l’impasse où l’ont acculé les luttes de personnes et d’influence, pour le lancer aux côtés des frères marocains et tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire.
Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et prestige, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique.
Ce sont là, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l’étiquette de FRONT DE LIBÉRATION NATIONALE, se dégageant ainsi de toutes les compromissions possibles et offrant la possibilité à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens, de s’intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération.
Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique :
BUT : L’Indépendance nationale par :
1) La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.
2) Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.
OBJECTIFS INTÉRIEURS:
1) Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.
2) Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.
OBJECTIFS EXTÉRIEURS:
- Internationalisation du problème algérien.
- Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman.
- Dans le cadre de la charte des Nations Unies, affirmation de notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice.
MOYENS DE LUTTE :
Conformément aux principes révolutionnaires et compte tenu des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but.
Pour parvenir à ces fins, le Front de libération nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément : une action intérieure tant sur le plan politique que sur le plan de l’action propre, et une action extérieure en vue de faire du problème algérien une réalité pour le monde entier avec l’appui de tous nos alliés naturels.
C’est là une tâche écrasante qui nécessite la mobilisation de toutes les énergies et toutes les ressources nationales. Il est vrai, la lutte sera longue mais l’issue est certaine.
En dernier lieu, afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir de paix, limiter les pertes en vies humains et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent une fois pour toutes aux peuples qu’elles subjuguent le droit de disposer d’eux-mêmes.
1) La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l’Algérie une terre française en déni de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien.
2) l’ouverture des négociations avec les porte-parole autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible.
3) La création d’un climat de confiance par la libération de tous les détenus politiques, la levée de toutes les mesures d’exception et l’arrêt de toute poursuite contre les forces combattantes.
EN CONTREPARTIE :
1) Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles.
2) Tous les français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs.
3) Les liens entre la France et l’Algérie seront définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puissances sur la base de l’égalité et du respect de chacun.
Algérien ! nous t’invitons à méditer notre charte ci-dessus. Ton devoir est de t’y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne.
Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie.
1er Novembre 1954
Le Secrétariat national
PLATE FORME DE LA SOUMMAM
POUR ASSURER LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION ALGERIENNE, DANS LA LUTTE
POUR L’INDEPENDANCE NATIONALE
INTRODUCTION
Les extraits de la présente plate-forme d’action du FRONT DE LIBERATION NATIONALE ont pour objet de définir, d’une façon générale, la position du FLN, à une étape déterminante de la Révolution Algérienne. Elle est divisée en trois parties :
I) La situation politique actuelle.
II) Les perspectives générales.
III) Les moyens d’actions et de propagande.
I) LA SITUATION POLITIQUE ACTUELLE
A) L’ESSOR IMPETUEUX DE LA REVOLUTION ALGERIENNE
L’Algérie, depuis deux ans, combat avec héroïsme pour l’indépendance nationale.
La révolution patriotique et anticolonialiste est en marche.
Elle force l’admiration de l’opinion mondiale.
a. La Résistance armée.
En une période relativement courte, l’Armée de Libération Nationale, localisée dans l’Aurès et la Kabylie, a subi avec succès l’épreuve du feu.
Elle a triomphé de la compagne d’encerclement et d’anéantissement menée par une armée puissante, moderne, au service du régime colonialiste d’un des plus grands Etats du monde.
Malgré la pénurie provisoire d’armement, elle a développé les opérations de guérillas, de harcèlement, de sabotage, s’étendant aujourd’hui à l’ensemble du territoire national.
Elle a consolidé sans cesse ses positions en améliorant sa tactique, sa technique, son efficacité.
Elle a su passer rapidement de la guérilla au niveau de la guerre partielle.
Elle a su combiner harmonieusement les méthodes éprouvées des guerres anti-colonialistes avec les formes les plus classiques en les adoptant intelligemment aux particularités du pays.
Elle a déjà fourni la preuve suffisante, maintenant que son organisation militaire est unifiée, qu’elle possède la science de la stratégie d’une guerre englobant l’ensemble de l’Algérie.
L’Armée de Libération Nationale se bat pour une cause juste.
Elle groupe des patriotes, des volontaires, des combattants décidés à lutter avec abnégation jusqu’à la délivrance de la patrie martyre.
Elle s’est renforcée par le sursaut patriotique d’officiers, de sous-officiers et de soldats de carrière ou du contingent, désertant en masse avec armes et bagages les rangs de l’armée française.
Pour la première fois dans les annales militaires, la France ne peut plus compter sur le « loyalisme » des troupes algériennes. Elle est obligée de les transférer en France et en Allemagne.
Les Harkas de goumiers, recrutés parmi les chômeurs souvent trompés sur la nature du « travail » pour lequel ils étaient appelés, disparaissent dans le maquis. Certaines sont désarmées et dissoutes par les autorités mécontentes.
Les réserves humaines de l’ALN sont inépuisables. Elle est souvent obligée de refuser l’enrôlement des Algériens jeunes et vieux, des villes et campagnes, impatients de mériter l’honneur d’être soldats de leur « Armée ».
Elle bénéficie pleinement de l’amour du peuple algérien, de son soutien enthousiaste, de sa solidarité agissante, morale et matérielle, totale et indéfectible.
Les officiers supérieurs, les commandants de zones, les commissaires politiques, les cadres et soldats de l’Armée de Libération Nationale sont honorés comme des héros nationaux, glorifiés dans des chants populaires qui ont déjà pénétré aussi bien dans l’humble gourbi que la misérable Khaïma, la ghorfa des casbahs comme le salon des villas.
Telles sont les raisons essentielles du « miracle algérien » : l’ALN tenant en échec la force colossale de l’armée colonialiste française, renforcée par les divisions « atomiques » prélevées sur les forces de l’OTAN.
Voilà pourquoi en dépit des incessants renforts, jugés aussitôt insuffisants, malgré le quadrillage ou autre technique aussi inopérante que les déluges de feu, les généraux français sont obligés de reconnaître que la solution militaire est impossible pour résoudre le problème algérien.
Nous devons signaler particulièrement la formation de nombreux maquis urbains qui, d’ores et déjà, constituent une seconde armée sans uniforme.
Les groupes armés dans les villes et villages se sont notamment signalés par des attentats contre les commissariats de police, les postes de gendarmerie, les sabotages de bâtiments publics, les incendies, la suppression de gradés de la police, de mouchards, de traîtres.
Ce qui affaiblit d’une façon considérable l’armature militaire et policière de l’ennemi colonialiste, augmente la dispersion de ses forces sur l’ensemble du sol national, mais aussi accentue la détérioration du moral des troupes, maintenus dans un état d’énervement et de fatigue par la nécessité de rester sur un qui-vive angoissant.
C’est un fait indéniable que l’action de l’ALN a bouleversé le climat politique en Algérie.
Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme.
Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale.
Elle a également déterminé une union psycho-politique de tous les Algériens, cette unanimité nationale qui féconde la lutte armée et rend inéluctable la victoire de la liberté.
b. Une organisation politique efficace.
Le FRONT DE LIBERATION NATIONALE, malgré son activité clandestine, est devenu aujourd’hui l’unique organisation véritablement nationale. Son influence est incontestable et incontestée sur tout le territoire algérien.
En effet, dans un délai extrêmement court, le FLN a réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existants depuis des dizaines d’années.
Cela n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat de la réunion des conditions indispensables suivantes :
1°) Le bannissement du pouvoir personnel et l’instauration du principe de la direction collective composée d’hommes propres, honnêtes, imperméables à la corruption, courageux, insensibles au danger, à la prison ou à la peur de la mort.
2°) La doctrine est claire. Le but à atteindre, c’est l’indépendance nationale. Le moyen, c’est la révolution par la destruction du régime colonialiste.
3°) L’union du peuple est réalisée dans la lutte contre l’ennemi commun, sans sectarisme :
Le FLN affirmait au début de la Révolution que « la libération de l’Algérie sera l’œuvre de TOUS les Algériens et non pas celle d’une fraction du peuple algérien, quelque soit son importance ». C’est pourquoi le FLN tiendra compte dans sa lutte de toutes les forces anti-colonialistes, même si elles échappent à son contrôle.
4°) La condamnation définitive du culte de la personnalité, la lutte ouverte contre les aventuriers, les mouchards, les valets de l’administration, indicateurs ou policiers. D’où la capacité du FLN à déjouer les manœuvres politiques et les traquenards de l’appareil policier français.
Cela ne saurait signifier que toutes les difficultés seraient complètement effacées.
Notre action politique a été handicapée au départ pour les raisons ci-après :
1°) L’insuffisance numérique des cadres et des moyens matériels et financiers.
2°) La nécessité d’un long et dur travail de clarification politique, d’explication patiente et persévérante pour surmonter une grave crise de croissance.
3°) L’impératif stratégique de SUBORDONNER TOUT AU FRONT DE LA LUTTE ARMEE.
Cette faiblesse, normale et inévitable au début, est déjà corrigée, après la période où il se contentait de lancer uniquement des mots d’ordre de résistance à l’impérialisme, on a assisté à une réelle apparition du FLN sur le plan de la lutte politique.
Ce redressement fut marqué par la grève d’anniversaire du 1er novembre 1955, considérée comme l’événement décisif, tant par son aspect spectaculaire et positif que par son caractère profond, preuve de la « prise en main » de toutes les couches de la population.
Jamais, de mémoire d’Algérie, aucune organisation politique n’avait obtenu une grève aussi grandiose dans les villes et villages du pays.
D’autre part, le succès de la non-coopération politique lancée par le FLN est non moins probant. La cascade de démissions des élus patriotes suivie de celles des élus administratifs ont imposé au gouvernement français la non-prorogation du mandat des députés du Palais Bourbon, la dissolution de l’Assemblée Algérienne. Les conseils généraux et municipaux et les djemaa ont disparu, vide accentué et amplifié par la démission de nombreux fonctionnaires et auxiliaires de l’autorité coloniale, caïds, chefs de fraction, gardes champêtres. Faute de candidatures ou de remplaçants, l’administration française est disloquée; son armature considérée comme insuffisante ne trouve aucun appui parmi le peuple; dans presque toutes les régions elle coexiste avec l’autorité du FLN.
Cette lente mais profonde désagrégation de l’administration française a permis la naissance puis le développement d’une dualité de pouvoir. Déjà fonctionne une administration révolutionnaire avec des djemaa clandestines et des organismes s’occupant du ravitaillement, de perception d’impôts, de la justice, du recrutement de moudjahidine, des services de sécurité et de renseignements. L’administration du FLN prendra un nouveau virage avec l’institution des assemblées du peuple qui seront élues par les populations rurales avant le deuxième anniversaire de notre révolution.
Le sens politique du FLN s’est vérifié d’une façon éclatante par l’adhésion massive des paysages pour lesquels la conquête de l’indépendance nationale signifie en même temps la réforme agraire qui leur assurera la possession des terres qu’ils fécondent de leur labeur.
Cela se traduit par l’éclosion d’un climat insurrectionnel qui s’est étendu avec rapidité et une forme variée à tout le pays.
La présence d’éléments citadins, politiquement mûrs et expérimentés, sous la direction lucide du FLN, a permis la politisation des régions retardataires. L’apport des étudiants a été d’une grande utilité, notamment dans les domaines politiques, administratif et sanitaire.
Ce qui est certain, c’est que la Révolution Algérienne vient de dépasser avec honneur une première étape historique.
C’est une réalité vivante ayant triomphé du pari stupide du colonialisme français prétendant la détruite en quelques mois.
C’est une révolution organisée et non une révolte anarchique.
C’est une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité et non un retour vers le féodalisme.
C’est en fin la lutte pour la renaissance d’un Etat Algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues.
c. La faillite des anciennes formations politiques.
La Révolution Algérienne a accéléré la maturité politique du peuple algérien. Elle lui a montré, à la lumière de l’expérience décisive du combat libérateur, l’impuissance du réformisme et la stérilité du charlatanisme contre-révolutionnaire.
La faillite des vieux partis a éclaté au grand jour.
Les groupements divers ont été disloqués. Les militants de base ont rejoint le FLN. L’UDMA dissoute et les Oulama se sont alignés courageusement sur les positions du FLN ; l’UGEMA groupant tous les universitaires et lycéens, a proclamé par la voix de son congrès unanime le même sentiment.
Le Comité central du M.T.L.D. a complètement disparu en tant que regroupement ex-dirigeants et en tant que tendance politique.
Le Messalisme en déroute
L e M.N.A., en dépit de la démagogie et de la surenchère, n’a pas réussi à surmonter la crise mortelle du M.T.L.D. Il conservait une assise organique seulement en France du fait de la présence de Messali en exil, de l’ignorance totale des émigrés de la réalité algérienne.
C’est de là que partaient les mots d’ordre, les fonds et les hommes en vue de la création en Algérie de groupes armés ou de maquis dissidents, destinés non à la participation à la lutte contre l’ennemi exécré des opérations de provocation et à saboter par le défaitisme, le désordre et l’assassinat, la Révolution Algérienne et ses dirigeants militaires et politiques.
L’activité sporadique et brève du M.N.A. s’était manifestée publiquement, dans les rares villes telles Alger, comme une secte contre-révolutionnaire dans des opérations de division (campagne antimozabite), de gangstérisme(racket de commerçants), de confusion et de mensonges (Messali, soi-disant créateur et chef de l’Armée de Libération Nationale).
Le messalisme a perdu sa valeur de courant politique. Il est devenu de plus en plus un état d’âme qui s’étiole chaque jour.
Il est particulièrement significatif que les derniers admirateurs et défenseurs de Messali soient précisément les journalistes et intellectuels proches de la présidence du gouvernement français. Ils prétendent dénoncer l’ingratitude du peuple algérien qui ne reconnaîtrait plus «les mérites exceptionnels de Messali, le créateur, il y a trente ans, du nationalisme algérien ».
La psychologie de Messali s’apparente à la conviction insensée du coq de la fable qui ne se contente pas de constater l’aurore, mais proclame « qu’il fait lever le soleil ».
Le nationalisme Algérien dont Messali revendique effrontément l’initiative est un phénomène de caractère universel, résultat d’une évolution naturelle suivie par tous les peuples sortant de leur léthargie.
Le soleil se lève sans que le coq soit pour quelque chose, comme la Révolution Algérienne triomphe sans que Messali y ait aucun mérite.
Cette apologie du messalisme dans la presse française était un indice sérieux de la préparation psychologique d’un climat artificiel favorable à une manœuvre de grande envergure contre la Révolution Algérienne.
C’est la division, arme classique du colonialisme.
Le gouvernement français a tenté en vain d’opposer au FLN des groupements modérés, voire même le groupe des «61». Ne pouvant plus compter sur les Sayah ou Farès, le béni-oui-ouisme étant discrédité d’une façon définitive et sans retour, le colonialisme français espérait utiliser le chef du MNA dans son ultime manœuvre diabolique pour tenter de voler au peuple algérien sa victoire.
Dans cette perspective, Messali représente, en raison de son orgueil et de son manque de scrupules, l’instrument parfait pour la politique impérialiste.
Ce n’est dons pas par hasard que Jacques Soustelle pouvait affirmer en novembre 1956 au professeur Massignon : « Messali est ma dernière carte ».
Le ministre résidant Lacoste ne se gêne pas pour confier à la presse colonialiste algérienne sa satisfaction de voir le MNA s’efforcer uniquement d’affaiblir le FLN.
L’hebdomadaire socialiste «Demain», dévoilant les divergences tactiques divisant les gouvernants français, pouvait écrire que certains ministres étaient disposés, pour empêcher le renforcement du FLN à accorder à Messali sa liberté totale, «le seul problème étant de protéger la vie du leader algérien».
Quand on se rappelle que Messali s’est livré à une violente attaque contre les pays arabes, ce qui ne peut que réjouir les Soustelle, Lacoste et Borgeaud, son déplacement d’Angoulême à Belle-Isle justifie la thèse du journal «Demain».
Lorsque la vie de Messali est si précieuse pour le colonialisme français, faut-il s’étonner de le voir glisser vers la trahison consciente.
Le Communisme Absent
Le P.C.A., malgré son passage dans l’illégalité et la publicité tapageuse dont la presse colonialiste l’a gratifié pour justifier la collusion imaginaire avec la Résistance Algérienne, n’a pas réussi à jouer un rôle qui mériterait d’être signalé.
La direction communiste, bureaucratique, sans aucun contact avec le peuple, n’a pas été capable d’analyser correctement la situation révolutionnaire. C’est pourquoi elle a condamné le «terrorisme» et ordonné dès les premiers mois de l’insurrection aux militants des Aurès, venus à Alger chercher des directives, DE NE PAS PRENDRE LES ARMES.
La sujétion au P.C.F. a pris le caractère d’un Béni-oui-ouisme avec le silence qui a suivi le vote des pouvoirs spéciaux.
Non seulement les communistes algériens n’ont pas eu suffisamment de courage pour dénoncer cette attitude opportuniste du groupe parlementaire, mais ils n’ont pas soufflé mot sur l’abandon de l’action concrète contre la guerre d’Algérie : manifestations contre les renforts de troupes, grèves de transports, de la marine marchande, des ports et des docks, contre le matériel de guerre.
Le P.C.A. a disparu en tant qu’organisation sérieuse à cause surtout de la prépondérance en son sein d’éléments européens dont l’ébranlement des convictions nationales algériennes artificielles a fait éclater les contradictions face à la résistance armée.
Cette absence d’homogénéité et la politique incohérente qui en résulte ont pour origine fondamentale la confusion et la croyance en l’impossibilité de la libération nationale de l’Algérie avant le triomphe de la révolution prolétarienne en France.
Cette idéologie qui tourne le dos à la réalité est une réminiscence des conceptions de la S.F.I.O., favorable à la politique d’assimilation passive et opportuniste.
Niant le caractère révolutionnaire de la paysannerie et des fellahs algériens en particulier, elle prétend défendre la classe ouvrière algérienne contre le danger problématique de tomber sous la domination directe de la «bourgeoisie arabe», comme si l’indépendance nationale de l’Algérie devait suivre forcément le chemin des Révolutions manquées, voire même de faire marche arrière vers un quelconque féodalisme.
La C.G.T., subissant l’influence communiste, se trouve dans une situation analogue et tourne à vide sans pouvoir énoncer et appliquer le moindre mot d’ordre d’action.
La passivité générale du mouvement ouvrier organisé, aggravée dans une certaine mesure par l’attitude néfaste des syndicats F.O. et C.F.T.C., n’est pas la conséquence du manque de combativité des travailleurs des bras croisés, les directives de Paris.
Les dockers d’Alger en ont donné la preuve en participant à la grève politique anniversaire du 1er novembre 1956.
Nombreux furent les travailleurs qui ont compris que cette journée d’action patriotique aurait revêtu un caractère d’unanimité nationale, plus démonstrative, plus dynamique, plus féconde, si les organisations ouvrières avaient été entraînées intelligemment dans la lutte générale par une véritable centrale syndicale nationale. Cette appréciation juste se trouve entièrement confirmée dans les succès complets de la grève générale patriotique du 5 juillet 1956.
Voila pourquoi les travailleurs algériens ont salué la naissance de l’U.G.T.A., dont le développement continu est irrésistible, comme l’expression de leur désir impatient de prendre une part plus active à la destruction du colonialisme, responsable du régime de misère, de chômage, d’émigration et d’indignité humaine.
Cette extension du sentiment national, en même temps que son passage à niveau qualificatif plus élevé, n’a manqué de réduire, comme une peau de chagrin, la base de masse du P.C.A., déjà rétrécie par la perte des éléments européens hésitants et instables.
On assiste cependant à certaines initiatives émanant à titre individuel de certains communistes s’efforçant de s’infiltrer dans les rangs du F.L.N. et de l’A.L.N. Il est possible qu’il s’agisse là de sursauts individuels pour retourner à une saine conception de la libération nationale.
Il est certain que le P.C.A. essaiera dans l’avenir d’exploiter ces « placements » dans le but de cacher son isolement total et son absence dans le combat historique de la Révolution Algérienne.
B) LA STRATEGIE IMPERIALISTE FRANCAISE.
La Révolution Algérienne, détruisant impitoyablement tous les pronostics colonialistes et faussement optimistes, continue de se développer avec une vigueur exceptionnelle, dans une phase ascendante de longue portée.
Elle ébranle et ruine ce qui reste de l’empire colonial français en déclin.
Les gouvernements successifs de Paris sont en proie à une crise politique sans précédant. Obligés de lâcher les colonies d’Asie, ils croient pouvoir conserver celles d’Afrique. Ne pouvant faire face au « pourrissement » de l’Afrique du Nord, ils ont lâché du lest en Tunisie et au Maroc pour tenter de garder l’Algérie.
a) La leçon des expériences tunisiennes et marocaines.
Cette politique sans perspectives réalistes s’est traduite notamment par la succession rapide de défaites morales dans tous les secteurs :
Mécontentement en France, grèves ouvrières, révoltes de commerçants, agitation chez les paysans, déficit budgétaire, inflation, sous-production, marasme économique, question algérienne à l’ONU, abandon de la Sarre en Allemagne.
La poussée révolutionnaire nord-africaine, malgré l’absence d’une stratégie politique commune en raison de la faiblesse organique de ce qu’a été le Comité de Libération du Maghreb, a acculé le colonialisme français à improviser une tactique défense hâtive, bouleversant tous les plans de la répression esclavagiste traditionnelle.
Les conventions franco-tunisiennes qui devaient jouer le rôle de barrage néo-colonialiste ont été dépassées sous la pression conjuguée du mécontentement populaire et des coups portés à l’impérialisme dans les trois pays frères.
Le rythme de l’évolution de la crise marocaine, l’entrée en lutte armée des montagnards venant renforcer la résistance citadine, et surtout la pression de la révolution algérienne ont été parmi les facteurs les plus déterminants du revirement de l’attitude officielle française et de l’indépendance marocaine.
Le brusque changement de méthode du gouvernement colonialiste abandonnant l’immobilisme pour s’engager dans la recherche d’une solution rapide était dicté d’abord par des raisons de caractère stratégique.
Il s’agissait :
1°) D’empêcher la constitution d’un véritable second front, en mettant fin à l’unification de la lutte armée au RIFF et en ALGERIE.
2°) D’achever de briser l’unité de combat des trois pays d’Afrique du Nord.
3°) D’isoler la Révolution Algérienne dont le caractère populaire la rendait nettement plus dangereuse.
Tous les calculs ont été voués à l’échec. Les négociations menées séparément avaient pour but de tenter de duper ou de corrompre certains dirigeants des pays frères en les poussant à abandonner consciemment ou inconsciemment le terrain réel de la lutte révolutionnaire jusqu’au bout.
La situation politique nord-africaine est caractérisée par le fait que le problème algérien se trouve encastré dans les problèmes marocain et tunisien pour n’en faire qu’un seul.
En effet, sans l’indépendance de l’Algérie, celle du Maroc et de la Tunisie est un leurre.
Les Tunisiens et les Marocains n’ont pas oublié que la conquête de leurs pays respectifs par la France a suivi la conquête de l’ALGERIE.
Les peuples du MAGHREB sont aujourd’hui convaincus par l’expérience que la lutte en ordre dispersé contre l’ennemi commun n’a pas d’autre issue que la défaite pour tous, chacun pouvant être écrasé séparément.
C’est une aberration de l’esprit que de croire que le Maroc et la Tunisie pouvaient jouir d’une indépendance réelle alors que l’Algérie restera sous le joug colonial.
Les gouvernants colonialistes, experts en hypocrisie diplomatique, reprenant d’une main ce qu’ils cèdent de l’autre, ne ma, queront pas de songer à la reconquête de ces pays dès la conjoncture internationale leur semblera favorable.
D’ailleurs, il est important de souligner que les leaders marocains et tunisiens formulent dans des déclarations récentes et renouvelées des points de vue rejoignant l’appréciation du FLN.
b) La politique algérienne du gouvernement.
Le gouvernement à direction socialiste dès le 6 février, après la manifestation ultra colonialiste d’Alger, a abandonné les promesses électorales du Front républicain : Ramener la paix en Algérie par la négociation, renvoyer dans leurs foyers les soldats du contingent, briser les « féodalités » administratives et financières, libérer les prisonniers politiques, fermer les camps de concentration.
Si, avant la démission de Mendès-France, celui-ci représentait au gouvernement la tendance à la négociation face à la tendance opposée, animée furieusement par Bourgès-Maunoury et Lacoste, aujourd’hui, c’est la politique Lacoste qui fait l’unanimité. C’est la guerre à outrance qui a pour but chimérique de tenter d’isoler le maquis du peuple par l’extermination.
Devant cet objectif accepté par l’unanimité du gouvernement et la presque totalité du parlement français, il ne peut exister aucune divergence, sauf quand cette politique d’extermination dite «de pacification » aura échouée. Il est clair que les buts politiques déclarés à nouveau par Guy Mollet ne servent qu’à camoufler l’entreprise réelle qui veut être le nettoyage, par le vide, de toutes nos forces vives.
L’offensive militaire est doublée d’une offensive politique condamnée, d’avance, à un échec.
La «reconnaissance de la personnalité algérienne» reste une formule vague sans contenu réel, concret, précis. La solution politique exprimée d’une façon schématique n’avait au début d’autres supports que deux idées-forces : celle de la consultation des Algériens par des élections libres et celle du cessez-le-feu. Les réformes fragmentaires et dérisoires étaient proclamées dans l’indifférence générale : provisoirement pas de représentation parlementaire au Palais Bourbon, dissolution de l’Assemblée algérienne, épuration timide de la police, remplacement de «trois» hauts fonctionnaires, augmentation des salaires agricoles, accès des musulmans à la fonction publique et à certains postes de directions, réforme agraire, élections au collège unique. Aujourd’hui le gouvernement Guy Mollet annonce l’existence de 6 ou 7 projets de statuts pour l’Algérie, dont la ligne générale serait la création de deux assemblées, la première législative, la seconde économique, avec un gouvernement composé de ministres ou de commissaires et présidé d’office par un ministre du gouvernement français.
Cela démontre d’une part l’évolution, grâce à notre combat, de l’opinion publique en France, et d’autre part le rêve insensé des gouvernants français de croire que nous accepterions un compromis honteux de ce genre.
La tentative d’isoler les maquis de la solidarité du peuple algérien, préconisée par Naegelen sur le plan intérieur, devait être complétée par la tentative d’isoler la Révolution Algérienne de la solidarité des peuples anti-colonialistes, engagée par Pineau sur le plan extérieur.
Le FLN déjouera comme par le passé les plans futurs de l’adversaire.
Nous mentionnerons l’appréciation sur la situation internationale dans la troisième partie.
II) LES PERSPECTIVES POLITIQUES
La preuve est faite que la Révolution Algérienne n’est pas une révolte de caractère anarchique, localisée, sans coordination, sans direction politique, vouée à l’échec.
La preuve est faite qu’il s’agit au contraire d’une véritable révolution organisée nationale et populaire, centralisée, guidée par un état-major capable de la conduire jusqu’à la victoire finale.
La preuve est faite que le gouvernement français, convaincu de l’impossibilité d’une solution militaire, est obligé de rechercher une solution politique.
Voilà pourquoi le FLN, inversement, doit se pénétrer de ce principe :
La négociation suit la lutte à outrance contre un ennemi impitoyable, elle ne la précède jamais.
Notre position à cet égard est fonction de trois considérations essentielles pour bénéficier du rapport des forces :
1°) Avoir une doctrine politique claire ;
2°) Développer la lutte armée d’une façon incessante jusqu’à l’insurrection générale ;
3°) Engager une action politique d’une grande envergure.
A) POURQUOI NOUS COMBATTONS !
La Révolution Algérienne a la mission historique de détruire de façon définitive et sans retour le régime colonial odieux, décadent, obstacle au progrès et à la paix.
I. Les buts de guerre ;
II. Le cessez-le-feu ;
III. Négociations pour la paix.
I. Les buts de guerre
Les buts de guerre, c’est le point final de la guerre à partir duquel se réalisent les buts de paix. Les buts de guerre, c’est la situation à laquelle on accule l’ennemi pour lui faire accepter nos buts de paix. Ce peut être la victoire militaire ou bien la recherche d’un cessez-le-feu ou d’un Armistice en vue de négociations. Il ressort que, vu notre situation, nos buts de guerre sont politico-militaires. Ce sont :
1°) L’affaiblissement total de l’Armée française, pour lui rendre impossible une victoire par les armes ;
2°) La détérioration sur une grande échelle de l’économie colonialiste par le sabotage, pour rendre impossible l’administration normale du pays ;
3°) La perturbation au maximum de la situation en France sur le plan économique et social, pour rendre impossible la continuation de la guerre;
4°) L’isolement politique(de la France) en Algérie et dans le monde ;
5°) Donner à l’insurrection un développement tel qu’il la rend conforme au droit international(personnalisation de l’armée, pouvoir politique reconnaissable, respect des lois de la guerre, administration normale de zones libérées par l’ALN) ;
6°) Soutenir constamment le peuple devant les efforts d’extermination des Français.
II. Cessez- le-feu
Conditions
a) Politiques :
1°) Reconnaissance de la Nation Algérienne indivisible.
Cette clause est destinée à faire disparaître la fiction colonialiste de « Algérie française ».
2°) Reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie et de sa souveraineté dans tous les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie.
3°) Libération de tous les Algériens et Algériennes emprisonnés, internés ou exilés en raison de leur activité patriotique avant et après l’insurrection nationale du 1er novembre 1954.
4°) Reconnaissance du FLN comme une seule organisation représentant le peuple algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. En contre-partie, le FLN est garant et responsable du cessez-le-feu au nom du peuple algérien.
b) Militaires
Les conditions militaires seront précisées ultérieurement.
III. Négociations pour la paix
1°) Les conditions sur le cessez- le- feu étant remplies, l’interlocuteur valable et exclusif pour l’Algérie demeure le FLN. Toutes les questions ayant trait à la représentativité du peuple algérien sont du ressort exclusif du FLN (gouvernement, élections, etc….). Aucune ingérence de ce fait de la part du gouvernement français n’est admise.
2°) Les négociations se font sur la base de l’indépendance (diplomatie et défense nationale incluses).
3°) Fixation des points de discussions :
- Limites du territoire algérien(limites actuelles y compris le Sahara algérien) ;
- Minorité française(sur la base de l’option entre : citoyenneté algérienne ou étrangère - pas de régime préférentiel - pas de double citoyenneté algérienne et française) ;
- Biens français: de l’Etat français, des citoyens français ;
- Transfert des compétences(administration) ;
- Formes d’assistance et de coopération françaises dans les domaines économiques, monétaire, social, culturel, etc.…. ;
- Autres points.
Dans une deuxième phase, les négociations sont menées par un gouvernement chargé de préciser le contenu des têtes de chapitre. Ce gouvernement est issu d’une assemblée constituante, elle-même issue d’élections générales.
La Fédération Nord-africaine
L’Algérie libre et indépendante, brisant le colonialisme racial fondé sur l’arbitraire colonial, développera sur des bases nouvelles l’unité et la fraternité de la Nation Algérienne dont la renaissance fera rayonner sa resplendissante originalité.
Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de la Patrie, sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin, étroit et aveugle.
C’est pourquoi ils sont en même temps des Nord-Africains sincères attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb.
L’Afrique du Nord est un TOUT par : La géographie, l’histoire, la langue, la civilisation, le devenir.
Cette solidarité doit donc se traduire naturellement dans la création d’une Fédération des trois Etats nord-africains.
Les trois peuples frères ont intérêt pour le commencement à organiser une défense commune, une orientation et une action diplomatique communes, la liberté des échanges, un plan commun et rational d’équipement et d’industrialisation, une politique monétaire, l’enseignement et l’échange concerté des cadres techniques, les échanges culturels, l’exploitation en commun de nos sous-sols et de nos régions sahariennes respectives.
Les tâches nouvelles du FLN pour préparer l’insurrection générale.
L’éventualité de l’ouverture des négociations pour la Paix ne doit en aucun cas donner naissance à une griserie du succès, entraînant inévitablement un dangereux relâchement de la vigilance et la démobilisation des énergies qui pourrait ébranler la cohésion politique du peuple.
Au contraire, le stade actuel de la révolution algérienne exige la poursuite acharnée de la lutte armée, la consolidation des positions, le développement des forces militaires et politiques de la Résistance.
L’ouverture des négociations et leur conduite à bonne fin sont conditionnées d’abord par le rapport des forces en présence.
C’est pourquoi, sans désemparer, il faut travailler avec ensemble et précision pour transformer l’Algérie en un camp retranché, inexpugnable. Telle est la tâche que doivent remplir avec honneur et sans délai le FLN et son Armée de Libération Nationale.
Dans ce but, reste valable plus que jamais le mot d’ordre fondamental :
Tout pour le Front de la Lutte Armée.
Tout pour obtenir une victoire décisive.
L’indépendance de l’Algérie n’est plus la revendication politique, le rêve qui a longtemps bercé le peuple algérien courbé sous le joug de la domination française.
C’est aujourd’hui un but immédiat qui se rapproche à une allure vertigineuse pour devenir, très bientôt, une lumineuse réalité.
Le FLN marche à pas de géants pour dominer la situation sur le plan militaire, politique et diplomatique.
Objets nouveaux : préparer dès maintenant, d’une façon systématique, l’insurrection générale, inséparable de la libération nationale.
a) Affaiblir l’armature militaire, policière, administrative et politique du colonialisme ;
b) Porter une grande attention, et d’une manière ininterrompue, aux cotés techniques de la question, notamment l’acheminement du maximum de moyens matériels ;
c) Consolider et élever la synchronisation de l’action politico-militaire.
Faire face aux inévitables manœuvres de division, de divergence ou d’isolement lancé par l’ennemi, par une contre-offensive intelligente et vigoureuse basée sur l’amélioration et le renforcement de la Révolution populaire libératrice.
a) Cimenter l’union nationale anti-impérialiste ;
b) S’appuyer d’une façon plus particulière sur les couches sociales les plus nombreuses, les plus pauvres, les plus révolutionnaires, fellahs, ouvriers agricoles ;
c) Convaincre avec patiente et persévérance les éléments retardataires, encourager les hésitants, les faibles, les modérés, éclairer les inconscients ;
d) Isoler les ultra-colonialistes en recherchant l’alliance des éléments libéraux, d’origine européenne ou juive, même si leur action est encore timide ou neutraliste.
Sur le plan extérieur, rechercher le maximum de soutien matériel, moral et psychologique.
a) Augmenter le soutien de l’opinion publique ;
b) Développer l’aide diplomatique en gagnant à la cause algérienne les gouvernements des pays neutralisés par la France ou insuffisamment informés sur le caractère national de la guerre d’Algérie.
III) MOYENS D’ACTION ET DE PROPAGANDE
Les perspectives politiques générales tracées précédemment mettent en relief la valeur et la variété des moyens d’action que le FLN doit engager pour assurer la victoire complète du noble combat pour l’indépendance de la patrie martyre.
Nous allons en préciser les grandes lignes sur le plan algérien, nord-africain, français et étranger.
1°) Comment organiser et diriger des millions d’hommes dans un gigantesque combat .
L’union psyco-politique du peuple algérien forgée et consolidée dans la lutte armée est aujourd’hui une réalité historique.
Cette union nationale, patriotique, anticolonialiste, constitue la base fondamentale de la principale force politique et militaire de la Résistance.
Il convient de la maintenir intacte, inentamée, dynamique, en évitant parfois les fautes impardonnables de sectarisme ou d’opportunisme, pouvant favoriser les manœuvres diaboliques de l’ennemi.
Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de maintenir le FLN comme guide unique de la Révolution Algérienne ; cette condition ne doit pas être interpréter comme un sentiment de vanité égoïste ou un esprit de suffisance aussi dangereux que méprisable.
C’est l’expression d’un principe révolutionnaire : réaliser l’unité de commandement dans un état-major qui a déjà donné les preuves de sa capacité, de sa clairvoyance, de sa fidélité à la cause du peuple algérien.
Il ne faut jamais oublier que, jusqu’au déclenchement de la Révolution, la force de l’impérialisme français ne résidait pas seulement dans sa puissance militaire et policière, mais aussi dans la faiblesse du pays dominé, divisé, mal préparé à la lutte organisée, et surtout, pendant une longue période, de l‘insuffisance politique des dirigeants des diverses fractions du mouvement anti-colonialiste.
L’existence d’un FLN puissant, prolongeant ses racines profondes dans toutes les couches du peuple, est une des garanties indispensables.
a) Installer organiquement le FLN dans tout le pays, dans chaque ville, village, mechta, quartier, entreprise, ferme, université, collège, etc.. ;
b) Politiser le maquis ;
c) Avoir une politique de cadres formés politiquement, éprouvés, veillant au respect de la structure de l’organisation, vigilants, capables d’initiatives ;
d) Répondre avec rapidité et clarté à tous les mensonges, dénoncer les provocations, populariser les mots d’ordre du FLN en éditant une littérature abondante, variée touchant les secteurs même les plus restreints.
Multiplier les centres de propagande avec machines à écrire, papier, ronéo(reproduction des documents nationaux et édition de bulletins ou tracts locaux).
Editer brochure sur la Révolution et bulletin intérieur pour directives et conseils aux cadres.
Bien se pénétrer de ce principe : La propagande n’est pas l’agitation qui se caractérise par la violence verbale, souvent stérile et sans lendemain. En ce moment ou le peuple algérien est mûr pour l’action armée positive et féconde, le langage du FLN doit traduire sa maturité en prenant la forme sérieusement, mesurée et nuancée sans manquer pour cela de la fermeté, de la franchise et de la flamme révolutionnaire.
Chaque tract, déclaration, interview ou proclamation du FLN a aujourd’hui une résonance internationale. C’est pourquoi nous devons agir avec un réel esprit de responsabilité qui fasse honneur au prestige mondial de l’Algérie en marche vers la liberté et l’indépendance.
2°) Clarifier le climat politique
Pour conserver juste l’orientation de la Résistance toute entière, dressée pour détruire l’ennemi séculaire, nous devons balayer tous les obstacles et tous les écrans sur notre chemin par les éléments conscients ou inconscients d’une action néfaste, condamnés par l’expérience.
3°) Transformer le torrent populaire en énergie créatrice
Le FLN doit être capable de canaliser les immenses vagues qui soulèvent l’enthousiasme patriotique de la nation. La puissance irrésistible de la colère populaire ne doit pas se perdre comme la force extraordinaire du torrent qui s’évanouit dans les sables.
Pour la transformer en énergie créatrice le FLN a entrepris un colossal travail de brassage de millions d’hommes.
Il s’agit d’être présent partout.
Il faut organiser sous des formes multiples, souvent complexes, toutes les branches de l’activité humaine.
A) Le Mouvement Paysan
La participation massive de la population des fellahs, khammès et ouvriers agricoles à la Révolution, la proportion dominante qu’elle représente dans les moudjahidine ou moussebiline de l’Armée de Libération Nationale ont profondément marqué le caractère de la Résistance algérienne.
Pour en mesurer l’importance exceptionnelle, il suffit d’examiner le revirement spectaculaire de la politique agraire colonialiste.
Alors que cette politique était basée essentiellement sur le vol des terres (habous, arch, melk) les expropriations s’étant poursuivies jusqu’en 1945-46, le gouvernement français préconise aujourd’hui la réforme agraire. Il ne recule pas devant la promesse de distribuer une partie des terres d’irrigation, en mettant en application la loi Martin restée lettre morte à la suite du veto personnel d’un haut fonctionnaire au service de la grosse colonisation. Lacoste lui-même ose envisager, dans ce cas, une mesure révolutionnaire : l’expropriation d’une partie des grands domaines.
Par souci d’équilibre, pour apaiser la furieuse opposition des gros colons, le gouvernement français a décidé la réforme du Khammessat. C’est là une mesure trompeuse tendant à faire croire à l’existence d’une rivalité intestine entre fellahs et Khammés, alors que le métayage a déjà évolué naturellement vers un processus plus équitable, sans l’intervention officielle, pour se transformer généralement en « chourka benés » ou l’association par moitié.
Ce changement de tactique traduit le profond désarroi du colonialisme voulant tenter de tromper la paysannerie pour la détacher de la Révolution.
Cette manœuvre grossière de dernière heure ne dupera pas les fellahs qui ont déjà mis en échec la vielle chimère des «affaires indigènes» séparant artificiellement les Algériens en Berbères et Arabes hostiles.
Car la population paysanne est profondément convaincue que sa soif de terre ne pourra être satisfaite que par la victoire de l’indépendance nationale.
La véritable réforme patriotique de la misère des campagnes, est inséparable de la destruction totale du régime colonial.
Le FLN doit s’engager dans cette politique juste, légitime et sociale. Elle aura pour conséquence :
a) La haine irréductible à l’endroit du colonialisme français, de son administration, de son armée, de sa police et des traîtres collaborateurs.
b) La constitution de réserves humaines inépuisables pour l’ALN et la Résistance ;
c) L’extension de l’insécurité dans les campagnes(sabotages, incendies de fermes, destruction des tabacoops et des vinicoops, symboles de la présence colonialiste) ;
d) La création des conditions pour la consolidation et l’organisation de nouvelles zones libérées.
B) Le Mouvement Ouvrier
La classe ouvrière peut et doit apporter une contribution plus dynamique pouvant conditionner l’évolution rapide de la Révolution, sa puissance et son succès final.
Le FLN salue la création de l’U.G.T.A. comme l’expression d’une saine réaction des travailleurs contre l’influence paralysante des dirigeants de la C.G.T., de F.O. et de la C.F.T.C..
L’U.G.T.A. aide la population salariée à sortir du brouillard de la confusion et de l’attentisme.
Le gouvernement socialiste français et la direction néo-colonialiste de F.O. sont inquiets de l’affiliation internationale de l’U.G.T.A. à la C.I.S.L., dont l’aide à l’U.G.T.A. et à la Centrale marocaine a été positive dans divers domaines nationaux et extérieurs.
La naissance et le développement de l’U.G.T.A. ont eu en effet un profond retentissement. Son existence a provoqué immédiatement un violent remous au sein de la C.G.T, abandonnée en masse par les travailleurs. Les dirigeants communistes ont essayé vainement de retenir les cadres les plus conscients en essayant de retrouver sous les cendres l’esprit de l’ancienne C.G.T.U. dont le mot d’ordre de l’indépendance de l’Algérie fut enterré au lendemain de l’unité syndicale en 1935.
Mais pour devenir une centrale nationale, il ne suffit pas à la filiale de la C.G.T. parisienne de modifier le titre, ni de changer la couleur de la carte, ni même de couper un cordon ombilical atrophié.
Pour s’adapter aux fonctions nouvelles du mouvement ouvrier ayant déjà atteint l’âge adulte, il ne suffisait pas à l’U.G.S.A. de changer de forme ou d’aspect extérieur. Quiconque observe les velléités communistes, ne peut manquer de retrouver le rythme et la méthode colonialistes, qui ont présidé à la transformation des délégations financières en la bâtarde Assemblée Algérienne.
L’accession de certains militants à des postes de direction syndicale rappelle singulièrement la promotion symbolique de certains élus-administratifs.
Dans les deux cas, il aurait fallu changer le but, la nature et le contenu du Foyer civique et du Palais Carnot.
L’incapacité de la direction du P.C.A. sur le plan politique ne pouvait que se traduire sur le plan syndical et entraîner la même faillite.
L’U.G.T.A. est le reflet de la profonde transformation qui s’est produite dans le mouvement ouvrier, à la suite d’une longue évolution et surtout après le bouleversement révolutionnaire provoqué par la lutte pour l’indépendance nationale.
La nouvelle centrale algérienne diffère des autres organisations C.G.T.F.O. et C.F.T.C. dans tous les domaines, notamment par l’absence de tutelle, le choix de l’état-major, la structure rationnelle, l’orientation juste et la solidarité fraternelle en Algérie, en Afrique du Nord et dans le monde entier.
1°) Le caractère national se traduit non seulement par une indépendance organique, détruisant les contradictions inhérentes à une tutelle étrangère, mais aussi par une liberté totale dans la défense des travailleurs dont les intérêts vitaux se confondent avec ceux de toute la nation algérienne.
2°) La direction est formée non par des éléments issus d’une minorité ethnique n’ayant jamais subi l’oppression coloniale, toujours enclins au paternalisme, mais par des patriotes dont la conscience nationale aiguise la combativité contre la double pression de l’exploitation sociale et de la haine raciale.
3°) La « colonne vertébrale » est constituée non par une aristocratie ouvrière(fonctionnaires et cheminots) mais par les couches les plus nombreuses et les plus exploitées(dockers, mineurs, ouvriers agricoles, véritables parias jusqu’ici abandonnés honteusement à la merci des seigneurs de la vigne.
4°) Le souffle révolutionnaire purifie le climat syndical non seulement en chassant l’esprit néo-colonialiste et le chauvinisme national qu’il engendre, mais en créant les conditions pour l’épanouissement d’une fraternité ouvrière, imperméable au racisme.
5°) L’action syndicale, maintenue longtemps dans le cadre étroit des revendications économiques et sociales, isolée de la perspective générale, est devenue non un frein dans la lutte anti-colonialiste mais un accélérateur dans le combat pour la liberté et la justice sociale ;
6°) La population laborieuse algérienne, jugée jusqu’ici comme mineure ne méritant pas l’émancipation, est appelée, non à occuper un rang subalterne dans le mouvement social français, mais à coopérer brillamment avec le mouvement ouvrier nord-africain et international ;
7°) L’U.G.S.A. -C.G.T-, se verra inévitablement contrainte de se dissoudre à l’exemple des organisations similaires de Tunisie et du Maroc pour céder entièrement la place à l’U.G.T.A., centrale nationale authentique et unique, groupant tous les travailleurs algériens sans distinction.
Le FLN ne doit pas négliger le rôle politique qu’il peut jouer pour aider et compléter l’action syndicale indépendante de l’U.G.T.A. en vue de sa consolidation et de son renforcement.
Les militants FLN doivent être parmi les plus dévoués, les plus actifs, toujours soucieux de respecter les règles démocratiques selon la tradition en honneur dans le mouvement ouvrier libre.
Pas de schématisme: tenir compte de chaque situation concrète et adapter les formes d’actions aux conditions particulières, objectives de chaque corporation.
- Développer l’esprit de combativité en organisant sans retard l’action revendicative sous une forme souple et variée selon les conditions concrètes du moment(arrêt de travail limité, grèves locales, corporatives, de solidarité) ;
- Entraîner dans l’action, les travailleurs européens ;
- Concrétiser la sympathie pour l’ALN en transformant en action de soutien la résistance : souscriptions, fournitures aux combattants, actes de sabotage, grèves de solidarité, grèves politiques.
C) Le Mouvement des Jeunes
La jeunesse algérienne a les qualités naturelles de dynamisme, de dévouement et d’héroïsme.
De plus, elle se caractérise par un fait rare. Très nombreuse, elle représente près de la moitié de la population totale, en raison d’un développement démographique exceptionnel.
En outre, elle possède une qualité originale ; la maturité précoce. En raison de la misère, de l’oppression coloniale, elle passe rapidement de l’enfance à l’âge adulte ; la période de l’adolescence est singulièrement réduite.
Elle suit avec passion, avec le mépris de la peur et la mort, l’organisation révolutionnaire qui peut la conduire à la conquête de son pur idéal de liberté.
La Révolution Algérienne, les exploits de l’ALN et l’action clandestine du FLN répondent à sa témérité que nourrit le plus noble sentiment patriotique.
C’est donc pour le FLN un levier inflexible d’une puissance et d’une résistance formidables.
D) Intellectuels et Professions Libérales
Le ralliement des intellectuels à la patrie algérienne, le fait que la «francisation » n’a pas réussi à étouffer leur conscience nationale, la rupture avec les positions idéalistes individualistes ou réformistes, sont les preuves d’une saine orientation politique.
1°) Former des comités d’action des intellectuels patriotiques :
a) Propagande : indépendance de l’Algérie ;
b) Contacts avec les libéraux français ;
c) Souscriptions.
Le FLN devra assigner aux étudiants et étudiantes, d’une manière rationnelle, des tâches précises dans les domaines ou ils peuvent rendre le mieux : politique, administratif, culturel, sanitaire, économique, etc…
2°) Organiser des services de santé :
a) Chirurgiens, médecins, pharmaciens en liaison avec les hospitaliers(internes et infirmiers) ;
b) Soins, médicaments, pansements ;
c) Infirmiers de campagne, traitement des malades et convalescents.
E) Commerçants et Artisans
A côté du syndicat commercial algérien, dominé par le monopoleur Schiaffino, maître des chambres de commerce et le mouvement Poujade raciste et colonial-fasciste, se trouvait le vide constitué par l’absence d’une véritable Centrale commerciale et artisanale, dirigée par des patriotes pour assurer la défense de l’économie algérienne.
L’U.G.C.A. prendra donc une place importante à côté de l’organisation ouvrière sœur, l’U.G.T.A.
Le FLN doit l’aider à se dévelloper rapidement en créant les conditions politiques les plus favorables :
1°) Lutte contre les impôts.
2°) Boycott des grossistes colonialistes, poujadistes, apportant un soutien actif à la guerre impérialiste.
F) Mouvement des Femmes
D’immenses possibilités existent et sont de plus en plus nombreuses dans ce domaine.
Nous saluons avec émotion, avec admiration, l’exaltant courage révolutionnaire des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et des mères ; de toutes nos sœurs « moudjahidates » qui participent activement, et parfois les armes à la main, à la lutte sacrée pour la libération de la Patrie.
Chacun sait que les Algériens ont chaque fois participé activement aux insurrections nombreuses et renouvelées qui ont dressé, depuis 1830, l’Algérie contre l’occupation française.
Les explosions principales de 1864 des Ouled Sidi Cheikh du Sud Oranais, de 1871 en Kabylie, de 1916 dans les Aurès et la région de Mascara ont illustré à jamais l’ardent patriotisme, allant jusqu’au sacrifice suprême, de la femme algérienne.
Celle-ci est aujourd’hui convaincue que la Révolution actuelle aboutira inexorablement à la conquête de l’indépendance.
L’exemple récent de la jeune fille kabyle qui repousse une demande en mariage, parce que n’émanant pas d’un maquisard illustre d’une façon magnifique le moral sublime qui anime les Algériennes.
Il est donc possible d’organiser dans ce domaine, avec des méthodes originales propres aux mœurs du pays, un redoutable et efficace moyen de combat.
a) Soutien moral des combattants et des résistants ;
b) Renseignements, liaisons, ravitaillement, refuges ;
c) Aide aux familles et enfants de maquisards, de prisonniers ou d’internés.
4°) L a recherche des alliances.
Pour libérer leur patrie enchaînée, les Algériens comptent d’abord sur eux-mêmes.
L’action politique, comme la science militaire, enseignement qu’il ne faut négliger aucun facteur, même apparemment peu important, pour assurer la victoire.
L’action politique le FLN a entrepris avec succès la mobilisation de toutes les énergies nationales. Mais il ne laissera pas l’ennemi colonialiste s’appuyer sur la totalité de la minorité ethnique en Algérie, dresser contre nous l’opinion en France et nous priver de la solidarité internationale.
A) Les Libéraux Algériens
A la différence de la Tunisie et du Maroc la minorité ethnique d’origine européenne a une importance numérique dont il faut tenir compte. Elle est renforcée par une immigration permanente jouissant d’une aide officielle et fournissant au régime colonial une fraction importante de ses soutiens les plus farouches, les plus obstinés, les plus racistes.
Mais en raison de ses privilèges inégaux, du rôle qu’elle joue dans la hiérarchie économique, administrative et politique du système colonialiste, la population d’origine européenne ne constitue pas un bloc indissoluble autour de la grosse colonisation dirigeante.
L’esprit de race supérieure est général. Mais il se manifeste sous des aspects nuancés, allant de la frénésie du type « sudiste » à l’hypocrisie paternaliste.
Le colonialisme français, maître tout-puissant de l’administration algérienne, de la police, du monopole de la presse, de la radio, s’est montré souvent capable d’exercer une pression psychologique pouvant cristalliser l’opinion publique autour d’une idée-force réactionnaire.
Le départ de Soustelle et la manifestation du 6 février ont été les preuves d’une grande habilité dans l’art de la provocation et du complot.
Le résultat fut la capitulation du chef du gouvernement français.
Pour atteindre son but, le colonialisme organisa la panique. Il accusa le gouvernement d’abandonner la minorité ethnique non-musulman à la « barbarie arabe », à la « guerre sainte », à un Saint-Barthélemy plus immonde.
Le slogan fabriqué par le maître chanteur Reygasse et diffusé par le bourreau Benquet-Crevaux, l’odieuse image « la valise ou le cercueil » semblent aujourd’hui anodins.
Les anciens partis nationalistes n’ont pas toujours accordé à cette question l’importance qu’elle mérite. Ne prêtant d’attention que pour l’opinion musulmane, ils ont négligé souvent de relever comme il convient des déclarations maladroites de certains charlatans ignorés, apportant en fait de l’eau au moulin de l’ennemi principal.
Actuellement, la contre-offensive est encore faible. La presse libérale de France ne put enrayer totalement le poison colonialiste. Les moyens d’expression du FLN sont insuffisants.
Heureusement la Résistance Algérienne n’a pas fait de faute majeure pouvant justifier les calomnies de la presse colonialiste du service psychologique de l’armée colonialiste, convaincu de mensonges flagrants par les témoignages de journalistes français et étrangers.
Voilà pourquoi le bloc colonialiste et raciste, sans fissure le 6 février, commence à se désagréger. La panique a cédé la place peu à peu à un sentiment plus réaliste. La solution militaire devant rétablir le statu-quo est un mirage évident. La question dominante aujourd’hui, c’est le retour à une paix négociée : quelle est la place qui sera faite à ceux qui considèrent l’Algérie comme patrie toujours généreuse même après la disparition du règne de Borgeaud ?.
Des tendances diverses apparaissent.
1°) Le neutralisme est le courant le plus important. Il exprime le souhait de laisser les ultra-colonialistes défendre leurs privilèges menacés par les nationalistes « extrémistes ».
2°) Les partisans d’une solution « intermédiaire » : la négociation pour « une communauté algérienne à égale distance entre le colonialisme français et le rétrograde impérialiste arabe » par la création d’une double nationalité ;
3°) La tendance la plus audacieuse accepte l’indépendance de l’Algérie et la nationalité algérienne, à la condition de s’opposer à l’ingérence américaine, anglaise et égyptienne.
Cette analyse est sommaire. Elle n’a d’autre but que de souligner la différenciation qui s’opère dans le large éventuel de l’opinion publique européenne.
Ce serait donc une erreur impardonnable que de mettre dans le « même sac » tous les Algériens d’origine européenne ou juive.
Comme il serait impardonnable de nourrir l’illusion de pouvoir les gagner entièrement à la cause de la libération nationale.
L’objectif à atteindre, c’est l’isolement de l’ennemi colonialiste qui opprime le peuple algérien.
Le FLN doit donc s’efforcer d’accentuer l’évolution de ce phénomène psychologique en neutralisant une fraction importante de la population européenne.
La Révolution Algérienne n’a pas pour but de « jeter à la mer » les Algériens d’origine européenne, mais de détruire le joug colonial inhumain.
La Révolution Algérienne n’est pas une guerre civile, ni une guerre de religion.
La Révolution Algérienne veut conquérir l’indépendance nationale pour installer une république démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d’une même patrie, sans discrimination.
B) La Minorité Juive
Ce principe fondamental, admis par la morale universelle, favorise la naissance dans l’opinion israélite d’un espoir dans le maintien d’une cohabitation pacifique millénaire.
D’abord, la minorité juive a été particulièrement sensible à la campagne de démoralisation du colonialisme. Des représentants de leur communauté ont proclamé au congrès mondial juif de Londres leur attachement à la citoyenneté française, les mettant au-dessus de leurs compatriotes musulmans.
Mais le déchaînement de la haine antisémite qui a suivi les manifestations colonialo-fascistes ont provoqué un trouble profond qui fait place à une saine réaction d’auto-défense.
Le premier réflexe fut de se préserver, du danger d’être pris entre deux feux. Il se manifeste par la condamnation des Juifs, membres du « 8 novembre » et du mouvement poujadiste, dont l’activité trop voyante pouvait engendrer le mécontentement vindicatif contre toute la communauté.
La correction inflexible de la Résistance Algérienne, réservant tous ses coups au colonialisme, apparut aux plus inquiets comme une qualité chevaleresque d’une noble colère des faibles contre les tyrans.
Des intellectuels, des étudiants, des commerçants prirent l’initiative de susciter un mouvement d’opinion pour se désolidariser des gros colons et des anti-juifs.
Ceux-là n’avaient pas la mémoire courte. Ils n’ont pas oublié l’infâme souvenir du régime de Vichy. Pendant quatre ans, 185 lois, décrets ou ordonnances les ont privés de leurs droits, chassés des administrations et des universités, spoliés de leurs immeubles et de leurs fonds de commerce, dépouillés de leurs bijoux.
Leurs coreligionnaires de France étaient frappés d’une amende collective d’un millard. Ils étaient traqués, arrêtés, internés au camp de Drancy et envoyés par wagons plombés en Pologne ou beaucoup périrent dans les fours crématoires.
Au lendemain de la libération de la France, la communauté juive algérienne retrouva rapidement ses droits et ses biens grâce à l’appui des élus musulmans, malgré l’hostilité de l’administration pétainiste.
Aura-t-elle la naïveté de croire que la victoire des ultra-colonialistes, qui sont précisément les mêmes qui l’ont persécuté, naguère, ne ramènera pas le même malheur ?
Les Algériens d’origine juive n’ont pas encore surmonté leur trouble de conscience, ni choisi de quel côté se diriger.
Espérons qu’ils suivront en grand nombre le chemin de ceux qui ont répondu à l’appel de la patrie généreuse, donné leur amitié à la Révolution en revendiquant déjà avec fierté, leur nationalité algérienne.
Cette option est basée sur l’expérience, le bon sens et la clairvoyance.
En dépit du silence du Grand Rabbin d’Alger, contrastant avec l’attitude réconfortante de l’Archevêque se dressant courageusement et publiquement contre le courant et condamnant l’injustice coloniale, l’immense majorité des Algériens s’est gardée de considérer la communauté juive, comme passée définitivement dans le champ ennemi.
Le FLN a étouffé dans l’œuf des provocations nombreuses préparées par les spécialistes du gouvernement général. En dehors du châtiment individuel infligé aux policiers et contre-terroristes responsables de crimes contre la population innocente, l’Algérie a été préservée de tout progrom. Le boycottage des commerçants juifs, devant suivre le boycottage des Mozabites a été enrayé même d’exploser.
Voilà pourquoi, le conflit arabo-israélien n’a pas eu, en Algérie, de répercussions graves, ce qui aurait comblé le vœu des ennemis du peuple algérien.
Sans puiser dans l’histoire de notre pays les preuves de tolérance religieuse, de collaboration dans les plus hauts postes de l’Etat, de cohabitation sincère, la Révolution Algérienne a montré par les actes, qu’elle mérite la confiance de la minorité juive pour lui garantir sa part de bonheur dans l’Algérie indépendante.
En effet, la disparition du régime colonial, qui s’est servi de la minorité juive comme tampon pour atténuer les chocs anti-impérialistes, ne signifie pas forcément sa paupérisation.
C’est une hypothèse absurde que de s’imaginer que« l’Algérie ne serait rien sans la France ».
La prospérité économique des peuples affranchie est évidente.
Le revenu national, plus important, assurera à tous les Algériens une vie plus confortable.
Tenant compte de ce qui précède, le FLN recommande :
1°) Encourager et aider à la formation de comités et mouvements de libéraux algériens, même ceux ayant au départ des objectifs limités :
a) Comité d’action contre la guerre d’Algérie ;
b) Comité pour la négociation et la paix ;
c) Comité pour la nationalité algérienne ;
d) Comité de soutien des victimes de la répression ;
e) Comité d’études du problème algérien ;
f) Comité pour la défense des libertés démocratiques ;
g) Comité pour le désarmement des milices civiles ;
h) Comité d’aide aux ouvriers agricoles(parrainage des syndicats, soutien des grèves, défense des enfants et des femmes exploités).
2°) Intensifier la propagande auprès des rappelés et des soldats du contingent :
a) Envoi de livres, revues, journaux, tracts anti-colonialistes ;
b) Comité d’accueil des permissionnaires ;
c) Théâtre : pièces exaltant la lutte patriotique pour l’indépendance.
3°) Multiplier les comités de femmes de mobilisés pour exiger le rappel de leurs maris.
C) L’Action du FLN en France
1°) Développer l’appui de l’opinion libérale
L’analyse de l’éventail politique chez les libéraux en Algérie peut être valable pour saisir les nuances de l’opinion publique en France, sujette à des fluctuations rapides en raison de la sensibilité populaire.
Il est certain que le FLN attache une certaine importance à l’aide que peut apporter à la justice cause de la Résistance Algérienne la partie éclairée du peuple français, insuffisamment informé des horreurs indicibles perpétrées en son nom.
Nous apprécions la contribution des représentants du mouvement libéral français tendant à faire triompher la solution politique, pour éviter une effusion de sang inutile.
La Fédération FLN en France, dont la direction est aujourd’hui renforcée à Paris, a une tâche politique de premier plan pour annuler l’effet négatif de la pression réactionnaire et colonialiste.
1°) Contacts politiques avec les organisations, mouvements et comités contre la guerre coloniale.
- Presse, meetings, manifestations et grèves contre le départ des soldats, la manutention et le transport du matériel de guerre.
2°) Soutien financier par la solidarité aux résistants et aux combattants pour la liberté.
PROJET DE PROGRAMME
pour la réalisation de la révolution démocratique populaire
( adoptée à l'unanimité par le C. N. R.A. à Tripoli en Juin 1962)
VUE D’ENSEMBLE DE LA SITUATION ALGERIENNE
1) DE LA SOUVERAINETE NATIONALE
Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu a été proclamé mettant fin à une longue guerre d’extermination menée par l'impérialisme colonial français contre le peuple algérien.
Le cessez-le-feu est le résultat de l'accord intervenu à Evian entre le G.P.R.A. et la France, accord par lequel l'indépendance de l'Algérie sur la base de l'intégrité territoriale doit être rétablie suivant une procédure définie en commun par les deux parties.
C’est à I'occasion d'un référendum d'autodétermination que le peuple algérien sera invité à approuver la solution prévue par les accords d’Evian relativement A l'indépendance de I'Algérie et à la coopération entre ce pays et la France.
Les accords d’Evian constituent, pour le peuple algérien, une victoire politique irréversible qui met fin au régime colonial et A la domination séculaire de l'étranger.
Cependant, cette victoire qui a été obtenue sur le plan des principes, ne nous fait pas oublier quelle est due, avant tout, au processus révolutionnaire continu et aux faits politiques et sociaux de portée historique crées par la lutte armée du peuple algérien.
Ce sont ces faits-là, dégagés au cours de la guerre libératrice, qui représentent la seule victoire durable parce qu'ils prolongent, d'une manière concrète, les acquis de la lutte armée et constituent le garant réel de l’avenir de notre pays et de notre Révolution.
En quoi réside L'importance de ces faits
1e) C’est dans l'action directe contre le colonialisme que le peuple algérien a retrouvé puis consolidé son unité nationale. Il a ainsi banni de ses rangs le sectarisme ancien des partis et des clans et surmonté les divisions que l'occupation française avait érigées en système politique;
2e) C’est dans I'unité de combat que la nation, opprimée par le colonialisme, s’est redécouverte en tant qu’entité organique et a donné toute la mesure de son dynamisme. Ce faisant, la nation algérienne a renoue avec ses traditions de lutte et mené à son terme l’effort inlassable et longtemps contrarié en vue de réaliser I'indépendance et la souveraineté nationale;
3e) L’entrée en mouvement des masses populaires a ébranlé 1'édifice colonial et remis en cause, de façon définitive, ses institutions rétrogrades, comme elle a accéléré la destruction des tabous et des structures d'origine féodale qui entravaient le développement de la société algérienne.
Tout cela consacre I'échec de la double entreprise contre-nature du colonialisme français qui tendait A détruire radicalement notre société pour la remplacer par un peuplement étranger intensif et à la maintenir, par la contrainte, dans la stagnation et I'obscurantisme.
L’engagement des masses algériennes n’a pas seulement entraîné la destruction du colonialisme et du féodalisme. 11 a déterminé aussi une prise de conscience collective ayant trait aux exigées par le remembrement et la construction de la société sur des bases nouvelles. Le peuple algérien, en reprenant l'initiative, en affirmant avec persévérance sa volonté de libération, a lié, consciemment ou inconsciemment, cette dernière a la nécessite historique d'un progrès multiple à conquérir et à promouvoir sans relâche sous sa forme révolutionnaire la plus efficace.
L’effort créateur du peuple s’est largement manifesté à travers les organes et instruments qu'il s’est forgé sous la direction du F.L.N. pour la conduite générale de la guerre de libération et I'édification future de I'Algérie.
Unité du peuple, résurrection nationale, perspectives d'une transformation radicale de la société, tels sont les principaux résultats qui ont été obtenus grâce 'a sept années et demi de lutte armée. Le peuple algérien a, non seulement atteint I'objectif de I'indépendance nationale que le FLN S'était assignée le 1er Novembre 1954, mais il I'a dépassé dans le sens d'une révolution économique et sociale.
II) LA GUERRE COLONIAL LA RECONVERSION DU COLONIALISME
La guerre coloniale menée par la France contre le peuple algérien a pris le caractère d'une véritable entreprise d'extermination. Elle a nécessité I’envoi, en Algérie, de la plus forte armée coloniale de tous les temps. Pourvue de tous les moyens modernes de destruction, appuyée par une administration coloniale puissante, aidée dans ses besognes de répression, de terreur et de massacres collectifs par le peuplement français d'Algérie, cette armée s’est attaquée surtout aux populations civile sans défense et s’est vainement acharnée contre I'ALN. C’est ainsi que plus d'un million d’Algériens ont été décimés et que des millions d'autres ont été déportés, emprisonné, contraints A I’exil. Cette guerre de reconquête coloniale n'a pu se prolonger que grâce A I'appui de I'OTAN et au soutien militaire et diplomatique des Etats-Unis. Le degré de barbarie atteint dans cette guerre s’explique par la nature même de la colonisation de peuplement et la complicité de. la nation française longtemps abusées par la mythe de 1'(Algérie française Le caractère national et chauvin de cette guerre de reconquête a été illustré par la participation constante du contingent qui représentait toutes les classes de la société française, dont la classe ouvrière. La gauche française qui a toujours joué, sur le plan théorique, un rôle dans la lutte anti-colonialiste, s’est révélée impuissante face au développement implacable de la guerre et à ses conséquences qu’elle n'avait pas prévues. L'action politique qu’elle a menée est restée timide et inopérante en raison de ses vieilles conceptions assimilationnistes et des idées erronés qu’elle se faisait de la nature évolutive du régime colonial et de son aptitude 'a se réformer pacifiquement. C’est la lutte opiniâtre du peuple algérien qui a contraint le colonialisme français a mettre 'a nu sa véritable nature en tant que système totalitaire engendrant, tour A tour, le militarisme et le fascisme, vérité qui a longtemps échappé aux démocrates français et que les évènements ont démontrée.
Ainsi, à partir du 13 Mai 1958 notamment, le mouvement fasciste issu de la guerre de reconquête s’est renforcé petit à petit en France même, aggravant a son tour les conditions de cette guerre coloniale qu'il a relancée avec plus de virulence dans I’espoir de venir rapidement il bout de la résistance algérienne.
L’échec étant devenu patent en dépit du renforcement colossal des moyens matériels et tactiques de la guerre d'Algérie dont le plan Challe a été I'un des aspects le, plus significatifs, le Gouvernement gaulliste s’est vu acculé A reconvertir le régime colonial classique en système néo-colonialiste visant A maintenir, sous d'autres fournies, l'essentiel des intérêts économiques et stratégiques de la France.
Le Plan de Constantine, conçu au plus fort de la guerre en vue de créer les bases économiques d’une (3ème force algérienne), a été la première esquisse de cette politique pseudo-libérale.
Sous la pression conjuguée de la lutte libératrice et de la situation internationale, la France a fini par admettre la nécessité dune solution pacifique du problème algérien par la négociation avec le G.P.R.A. Les conférences de Melun en juin 1960, d’Evian en mai 1961 et de Lugrin en juillet de la même année, ont successivement échoué en raison de I'obstination du gouvernement français qui, tour à tour, réclamait une reddition camouflé on exigeait un démembrement du territoire algérien qu'il prétendait amputer de sa partie saharienne. Le renforcement de ta lutte du peuple qui est allé progressant avec les journées historiques de décembre 1960 et la politique conséquente du G.P.R.A. qui s’en est tenu aux positions fondamentales de la Révolution, ont contraint le gouvernement français 'a entamer des négociations sérieuses.
Les accords d’Evian qui en ont résulté le 18 Mars 1962 consacrent la reconnaissance de la souveraineté nationale de I'Algérie et I'intégrité de son territoire.
Toutefois, ces accords prévoient, en contrepartie de I'indépendance, tine politique de coopération entre I'Algérie et France.
La coopération, telle qu’elle ressort des accords, implique le maintien de liens de dépendance dans les domaines économique et culturel. Elle donne aussi, entre autres, des garanties précises aux Français d'Algérie pour lesquels elle ménage une place avantageuse dans notre pays.
Il est Evident que le concept de coopération, ainsi établi, constitue l’expression la plus typique de la politique néo-colonialiste de la France. Il relève, en effet, du phénomène de reconversion par lequel le néo-colonialisme tente de se substituer au .colonialisme classique.
Amorcé de longue date par le pouvoir gaulliste cette reconversion procède de la contradiction qui s’est instance dans le camp impérialiste français du fait de la guerre d'Algérie. Il y a, dune part, les partisans de la colonisation agraire selon les normes du conservatisme colonial et leurs alliés militaro-fascistes, et, d'autre part, les tenants du grand capital français évocation industrielle qui visent é pratiquer une politique de rechange sur la base d'un compromis avec le nationalisme algérien.
La tâche Immédiate du FLN est de liquider, par tous les moyens, le colonialisme tel qu'il se manifeste encore après le cessez-le-feu sons sa forme virulente à travers les actions criminelles de I'O.A.S. Mais il devra, également, élaborer, dès à présent, une stratégie efficace en vue de faire échec aux entreprises néo-colonialistes qui constituent un danger d'autant plus grave pour la Révolution queues se parent des dehors séduisants du libéralisme et d’une coopération 'économique et financière qui se veut désintéressée.
L'antagonisme actuel entre I'ancien et le nouveau colonialisme ne doit pas faire illusion.
En tout état de cause il n’est pas question de préférer I'un à I'autre ; tous deux sont à combattre. Les habitations apparentes du pouvoir gaulliste dans sa lutte contre I'OAS ont leur origine dans les ,affinités naturelles qui existent entre les colonialistes français des deux bords de la Méditerranée et traduisent une collusion tactique dont le but inavoué est d'acculer les Algériens 'a un choix en faveur du néo-colonialisme. Cette attitude du gouvernement français conduit, en réalité, A l'inverse du résultat recherché. Son refus. de réprimer efficacement les menace de I'OAS prouve, de façon éclatante, la complicité qui le lie aux ultra-colonialistes d'Algérie et ports, en conséquence, un préjudice sérieux à la coopération.
D'ailleurs, cette coopération, produit d'une reconversion factice, se révélera difficile étant donné le comportement des Français d’Algérie qui prennent, dans leur immense majorité, fait et cause pour I'OAS. Agents actifs de I'impérialisme colonial dans le passé et instruments conscients dans la guerre de répression qui prend fin, les Français d'Algérie sont inaptes à tenir le rôle de support principal et de garant de la politique de coopération que la France leur a assigné dans son plan néo-colonialiste.
A ce propos, la propagande française veut perpétuer le mythe du caractère indispensable de la présence des Français en Algérie pour le bien même de la vie économique et administrative de ce pays. Or, pendant plus d'un siècle, les trois quarts de I'Algérie, les campagnes notamment, ont été abandonnées A leur sort sans aucune infrastructure sérieuse ni équipement notable. Abstraction faite de toute qualification technique, l’écrasante majorité des Français d'Algérie, en raison même de leur mentalité colonialiste et de leur racisme, ne seront pas en mesure de se mettre utilement au service de état algérien.
III - L'ALGERIE A LA VEILLE DE SON INDEPENDANCE
1. - Les accords d’Evian ont été ressentis par les milieux colonialistes traditionnels et les militaro-fascistes comme une cuisante défaite et une humiliation sans précédent.
S'ils réalisent que I'Algérie est irrémédiablement perdue pour eux, ils ne s’estiment pas, cependant vaincus, L'OAS vise A I'installation du fascisme en France et i la reprise de la guerre coloniale en Algérie. En pratiquant la terreur, les colonialistes espérant susciter une réaction brutale du peuple algérien et rendre ainsi caduc le cessez-le-feu. 11 est évident que leur plan consiste à faire de I'Algérie un tremplin en vue d'un éventuel
coup d’état fasciste appuyé par I'armée française et dirigé contre le pouvoir en France. Il importe, cependant, de ne point sous-estimer les menaces que ces colonialistes font peser directement sur I'Algérie même. L'une de leurs préoccupations, en effet, est le sabotage systématique de I'économie algérienne. Cette tactique n’est pas nouvelle. Elle a eu des précédents, au Vietnam notamment, lors de la débâcle colonialiste.
Une autre menace est celle d'une éventuelle (( sécession )) des Français d'Algérie par rapport I’Etat algérien. Cette Eventualité parait absurde si I'on songe que le gouvernement français lui-même qui avait fait de la partition un moyen de chantage politique, a fini par y renoncer. Toutefois, il ne faut pas oublier que I'OAS poursuit toujours ce rêve insensé et qu’elle y tend de toutes ses forces en soudant en un seul bloc les Français d'Algérie. Il semble exclu que la France consente à donner sa caution A une entreprise qui serait contraire aux accords d’Evian ainsi qu'a toute coopération franco-algérienne. Ce qui est sûr, par contre, c’est que le gouvernement algérien aura fatalement A affronter les Français d'Algérie et que la France qui se sentira directement impliquée dans cette épreuve de force, ne manquera pas de recourir 'a des pressions lourdes de conséquences.
2 - La liquidation de I'OAS, qui est une immédiate, laisse entier le problème posé à la Révolution par la présence du peuplement français d'Algérie.
Les garanties don-nées A ce dernier par les accords d’Evian imposent son maintient dans notre pays en tant que minorité de privilégiés. La sécurité de ces Français et de leurs biens doit être respectée leur participation A la vie politique de la nation assurée 'a tous les niveaux. Beaucoup d’entre eux iront s'installer en France, mais, une importante fraction- restera en Algérie et le gouvernement français I'y encouragera par tous les moyens en son pouvoir.
Les Français d'Algérie ne seront pas considérés tout fait comme des étrangers. Ils jouiront, pendant trois années, des droits civiques algériens en attendant qu'ils fassent leur option définitive de nationalisé. Cette particularité propre:k I'Algérie confère au problème en question sa complexité et en fait I'un des plus graves que l’Etat algérien aura 'a résoudre.
La prépondérance des Français d'Algérie demeure de rasante dans les domaines économique, administratif et culturel et va l’encontre des perspectives fondamentales de la Révolution.
Dans le cadre de sa souveraineté interne I’Etat algérien sera en mesure de l’enrayer en décidant des réformes de structure applicables A tous les citoyens sans distinction d'origine.
II faut souligner que la fin des privilèges attachés aux ((droits acquis)) de la colonisation est inséparable de la lutte contre le néo-colonialisme en général. Une solution correcte du problème de la minorité française passe obligatoirement par une politique conséquente sur te plan anti-impérialiste.
3.- Aux termes des accords d’Evian le gouvernement français doit maintenir, pendant un certain délai, ses troupes en Algérie et disposer de la base aéronavale de Mers-EI-Kébir, d'aérodromes militaires et d'installations atomiques dans le Sud du pays.
Cette occupation militaire qui ira en s'allégeant -- au bout de la première année après I'autodétermination I’effectif de I'armée française sera réduit à 800.000 hommes dont 1'évacuation est prévue au terme d'un second délai de deux années - obéit, avant tout, A une stratégie néo-colonialiste axée sur I'Afrique en Général et I'Algérie en particulier. Tant que le territoire algérien sera occupé par les forces étrangères la liberté de mouvement de l’Etat se verra limitée et la souveraineté nationale menacée. Les premiers mois de I'indépendance seront particulièrement difficiles. Le gouvernement algérien, qui aura A entreprendre une lutte décisive contre les fascistes français, pourra se heurter à I'armée d'occupation dont l'une des missions est, précisément, de protéger la minorité française.
4. - L’Exécutif provisoire ne parvient pas, deux mois après son entrée en fonction, A imposer son autorité et son contrôle; l'administration coloniale dont la quasi-totalité des membres manifeste son adhésion active A I'O.A S.
L'assainissement et la refonte complète de I'administration sont une nécessité vitale. Cette t'ache s'annonce, par ailleurs, fort délicate étant donné l’étendue du territoire, I'acuité des problèmes quotidiens qui se posent et la pénurie de cadres algériens qualifiés dont beaucoup ont été décimés par la guerre.
5. - Les conséquences matérielles et morales de l’entreprise de génocide menée depuis tant d'années contre le peuple algérien se feront sentir d'une façon de plus en plus aigu.
Des centaines de milliers d'orphelins, des dizaines de milliers d'invalides, des milliers de familles réduites aux femmes et aux enfants et abandonnées A leur sort, attendant du pouvoir national les mesures adéquates qui s'imposent.
Les blessures que porte le corps de la nation dans son ensemble sont profondes et ne disparaîtront pas avant des décades. Certaines d’entre elles ont, cependant, un caractère d’extrême gravité et sont susceptibles de paralyser la société dans sa marche en avant.
Deux millions d'Algériens, en majorité des femmes et des enfants, quittent chaque jour les camps ou ils avaient été déportés. Le centaines de milliers de réfugiés du Maroc et de Tunisie doivent être bientôt rapatriés.
Les problèmes qui eu résultant sont d'ordre économique et social mais relèvent, surtout, de la conception politique et de I'organisation. Il ne suffit pas de lancer des campagnes nationales et internationales en vue de rassembler une aide sur le plan de 1’habitat, de I'alimentation et de I'hygiène. Ce problème, le plus grave qui soit né de la guerre, résume d'une façon tragique, les immenses bouleversements que connaît notre pays. Il réclame non pas des mesures fragmentaires et expéditives, mais une solution en profondeur et des décisions d'une porté sociale réelle s'intégrant dans un plan d’ensemble. La révolution économique et sociale commencera par ce secteur ou manquera son départ. On la jugera A I'occasion de Cette épreuve qui sera déterminante pour son développement ultérieur.
Le futur gouvernement algérien se trouvera devant un pays exsangue. D'immenses zones rurales ou la vie avait été intense ne sont plus que des paysages désolé. Dans les grandes et moyennes villes une misère effroyable ronge la population qui s’entasse dans les vieux quartiers et les bidonvilles. Il faudra, sans plus tarder, rompre ce cercle infernal en procurant du travail aux adultes, en scolarisant les enfants, en luttant contre la famine et la maladie et en ramenant le goût de la vie par la mise en train de la reconstruction collective du pays.
Un territoire occupé militairement, une paix sans cesse menacée par les colonialistes récalcitrants, une administration hostile et portée à I'obstruction systématique, une économie perturbée et anarchique, un pays à moitié détruit, des problèmes sociaux graves, innombrables et urgents, voilà ce dont I'Algérie hérite à la veille de son indépendance.
6 - La souveraineté a été reconquise mais tout reste A faire pour donner un contenu à la libération nationale.
Tous ces obstacles qui handicapent le démarrage du nouvel Etat et I'amorce des grandes fiches de la Révolution sont encore aggravés par les manœuvres de l’ennemi colonialiste.
Après s’être longtemps opposé A notre indépendance, le gouvernement français tente, aujourd'hui, d'agir sur elle et de I'orienter selon les exigences de sa politique impérialiste.
Le accords d’Evian constituent une plate-forme néo-colonialiste que la France s'apprête a utiliser pour asseoir et aménager sa nouvelle forme de domination.
Les impérialistes français font tout pour que le tournant tactique esquissé par le FLN 'a Evian se transformes en. retraite idéologique et aboutisse A une renonciation pure et simple aux objectifs de la Révolution.
Le gouvernement français ne s'appuiera pas seulement sur ses .forces armées et sur la minorité française pour infléchir I'évolution de I'Algérie. 11 exploitera avant tout les contradictions politiques et sociales du FLN et tentera de trouver au sein de ce mouvement des alliés objectifs qui seraient susceptibles de se détacher de la Révolution pour se retourner contre elle.
Cette tactique impérialiste peut se résumer comme suit susciter dans les rangs du FLN une ((3ème force )) qui serait composée de nationalistes modérés attachés a' I'indépendance mais hostiles à toute action. conséquente sur le plan révolutionnaire ; opposer les é1èments de cette ((3éme force)) aux militants et aux cadres qui, sur la base des aspirations populaires, resteront fidèles à la ligne anti-impérialiste.
Le désir évident du gouvernement français est que la tendance (( modérée )) l’emporte au sein du FLN sur les forces révolutionnaires proprement dites, ce qui rendrait possible une expérience Franco-FLN dans le cadre du néo-colonialisme.
Il serait irréaliste de penser que le démarrage de la Révolution ira de soi.
La plate-forme néo-colonialiste A laquelle la France nous convie est, en fait, un terrain de ralliement pour les seules forces contre-révolutionnaires.
C’est à coups de milliards que la France essayera d'attirer à elle toute une couche de gens mus par la cupidité, I'ambition personnelle, ou qui ont pris goût aux profits malsains de la guerre coloniale.
Elle tentera, A la faveur de nos carences et de nos erreurs, de renverser le cours de la Révolution pour organiser la contre-révolution.
C’est par la formulation nette et claire de nos objectifs, I'analyse lucide et impitoyable de nos insuffisances et de ce qu'il y a d'inachevé, de confus et d'approximatif dans nos aspirations et nos idées, que les forces révolutionnaires du peuple algérien, aujourd'hui dispersées, deviendront-une réalité consciente, organisée, ouverte sur I'avenir.
lV. - INSUFFISANCES POLITIQUES DU FLN ET 'DEVIATIONS ANTI-REVOLUTlONNAIRES
Le FLN qui, au début de I'action insurrectionnelle du 1er Novembre 1954 avait envisagé la lutte armée sous le seul angle de la libération Rational n'a pu prévoir tout ce que la guerre qui s’ensuivrait aurait comme implications et développements de nature diverse dans la conscience populaire et la société algérienne en général.
1- Le FLN ignorait les profondes potentialités révolutionnaires du peuple des campagnes. Le peu qu'il en savait concernait une situation longtemps statique, en surface, traditionnellement admise comme vraie selon I'optique paresseuse des anciens partis nationalistes.
Il faut dire, à la vérité, que le FLN, tendance d'avant garde ses débuts, à la veille de se transformer en mouvement rompait, dans une certaine mesure, avec les pratiques, méthodes et conceptions des anciens partis. Mais cette rupture ne pouvait devenir salutaire et définitive qu’ en s'accompagnant, au départ, d'un effort -vigoureux de démarcation idéologique et d'une ligne de longue portée à La mesure des évènements en chaîne qu'on allait provoquer dans la société algérienne.
Or, il n’en fut à peu prés -rien sinon dans Le cadre d'une formulation immédiate destinée, au moment de I'insurrection, à remettre ce nationalismes en marche.
Le FLN ne s’est pas soucié de dépasser positivement le seul objectif inscrit au programme traditionnel du nationalismes, c’est-à-dire I'indépendance. D'autre part, il négligeait d’entrevoir 1'éventualité à plus ou moins brève échéance de deux faits majeurs que Le nationalismes classique n'avait jamais pu concevoir : le caractère même de La guerre coloniale dans un pays de peuplement intensif étranger promu, tout à la fois, au rang de mandataire, d'agent et d'auxiliaire de I'impérialisme français, Le fait que la lutte armé et l’engagement massif du peuple colonisé par lesquels on met brutalement en cause une domination coloniale séculaire ne se déroulent jamais selon un schéma sommaire et un itinéraire simpliste qui aboutit sans encombre à la libération nationale.
La contre-partie inévitable de I'oppression colonialiste totalitaire ainsi affrontée ne peut être que la remise en question immédiate et automatique de toute La société opprimée. Cette remise en question spontanée se complète, par la recherche et la découverte de nouvelles structures, de nouveaux modes de penser et d'agir, en un mot d'un processus de transformation incessante qui constitue le courant même de la Révolution.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la porte révolutionnaire de la lutte nationale est perçue et ressentie dans sa nouveauté et son originalité par les masses populaires plus que par les cadres et les organismes dirigeants. Ces derniers sont volontiers enclins à sous-estimer ou A surestimer certains faits nouveaux, A faire référence A d'autres mouvements révolutionnaires, à pratiquer le mimétisme idéologique, ce qui donne souvent à leurs conceptions un aspect disparate et un caractère irréaliste.
Bien que confuse et informulée chez le peuple, sa conception du monde ou il vit, à travers La violence de La guerre et les bouleversements sociaux, se prolonge en cheminements de pensée et d’examen plus ou moins sommaires aussi longtemps que dure la lutte armée et que se succèdent les faits observés par lui sans recours à 1’antécédent, à l’exemple, à l'analogie.
Fruit du besoin et de la représentation fidèle par le peuple de I'univers révolutionnaire et de l’expérience collectivement vécue, cette originalité n'a pas été suffisamment prise en considération alors qu’elle constitue l'un des acquis principaux de La Révolution.
2. -- Contrairement A tout cela, nous avons assisté et nous assistons à une série de décalages très graves entre, d'une part, La conscience collective longtemps mûrie au contact des réalités, et, d'autre part, la pratique de I'autorité du FLN à tous les échelons. Très souvent, et par une interprétation paternaliste, cette autorité a purement et simplement remplacé la responsabilité politique qui est inséparable de l’effort doctrinal. Toujours située dans la perspective d'une lutte de libération qui à défaut d'un travail idéologique constant, était réduite le plus souvent à son aspect technique, cette notion d'autorité a vite fait d’engendrer des concepts qu'on peut qualifier d'anti-révolutionnaires.
3. - Le FLN, ennemi acharné du féodalisme, s'il a bien combattu ce dernier à travers ses institutions sociales routinières, n'a rien fait, en revanche, pour s’en préserver lui-même certains niveaux de son organisation. Il a omis, à cet égard, que c’est précisément la conception abusive de I'autorité, I'absence de critères rigoureux et I'inculture politique qui favorisent la naissance ou la renaissance de l’esprit féodal.
L’esprit féodal n’est pas seulement le fait d’un groupe social détermine, traditionnellement prépondérant par la possession agraire ou I'exploitation outrancière d'autrui. Sa réalité dans les pays d'Afrique et d'Asie ; en tant que survivance d'une époque historique révolue, se traduit sous des formes diverses que revêtent parfois les révolutions même populaires quand elles manquent de vigilance idéologique.
De même qu'il y a eu des féodalités terriennes, il peut exister des féodalités politiques, des chefferies et des clientèles partisanes dont l’événement est rendu possible par I'absence de toute éducation démocratique chez les militants et les citoyens.
En plus de l’esprit féodal qui a longtemps imprégné toute la vie du Maghreb depuis la fin du Moyen Age dans les domaines économique, social, culturel et religieux et que le FLN n'a pas su extirper radicalement, il faut noter aussi, un de ses effets les plus sournois . le paternalisme. Le paternalisme constitue un véritable frein pour la formation politique et I'initiative consciente et créatrice du militant et du citoyen.. il traduit un genre d'autorité archaïque, faussement débonnaire et anti-populaire et sécrète, fatalement, une conception infantile de ta responsabilité.
Cette altération des valeurs révolutionnaires a eu également pour résultat de compenser la formation politique déficiente par des attitudes purement extérieures : le formalisme.
C’est ainsi que le patriotisme, l’esprit révolutionnaire, deviennent parfois synonymes de gesticulation frénétique. De là le romantisme gratuit et le goût impudent pour I'inflation héroïque qui est contraire au tempérament discret de notre peuple. Le formalisme dénote ainsi un alibi par lequel certains veulent escamoter le travail révolutionnaire patient A travers ses apports concrets, ses taches obscures, et les obstacles qui affronte avec modestie , au niveau des masses populaires.
4- Un autre état d’esprit qu'on ne dénoncera jamais assez parce qu'il a causé dans le passé politique de notre pays des ravages sans nombre et qui risque aujourd'hui encore, au même titre que les survivances féodales, de porter un grave préjudice à la Révolution : il s'agit de l’esprit petit bourgeois. Le manque de fermeté idéologique au sein du FLN a. permis a cet esprit de s'introduire dans les rangs d'une grande partie des cadres et de la jeunesse.
Les habitudes faciles venues des anciens partis à clientèle urbaine, la fuite devant la réalité en I'absence de toute formation révolutionnaire, la recherche individuelle des situations stables, du profit et des satisfactions dérisoires d'amour propre, les préjugés que beaucoup nourrissent I'égard des paysans et des militants obscurs, tout cela constitue les caractéristiques saillantes e l’esprit petit-bourgeois. Cet esprit, qui s'imprègne volontiers d'un pseudo-intellectualisme, draine, A son insu, les concepts les plus frelatés et les plus nocifs de la mentalité occidentale.
De plus, il présente, 'a travers une nouvelle classe bureaucratique, un grand décalage par rapport 'a la majorité du peuple.
L'indigence idéologique du FLN, la mentalité Féodale et l’esprit petit-bourgeois qui en sont le produit indirect, risquent de raire aboutir l’Etat algérien futur à une bureaucratique médiocre et anti-populaire dans les faits sinon dans les principes.
5. - l'une des causes essentielles qui ont entravé le développement du FLN sur le terrain idéologique, contribué à I'aggravation de toutes ses faiblesses et pesé lourdement sur la situation générale de I'Algérie en guerre, réside dans le d,écalage qui s’est produit entre la Direction et les masses populaires.
L'installation, au bout de la troisième année de lutte, de I'instance supérieure du FLN à l’extérieur, bien qu'étant le résultat d'une certaine nécessité du moment a, néanmoins provoqué une coupure avec la réalité nationale.
Cette coupure aurait pu être fatale au mouvement de libération tout entier.
L'une des conséquences les plus visibles de cet état de choses a été la dépolitisation progressive des organismes restés sur place et de ceux que la Direction a entraînés à sa suite ou créés à l’extérieur. il faut entendre par dépolitisation I'absence de toute ligne générale structurée idéologiquement et constituent un lien ferme entre I'Algérie et les Algériens de part et d'autre des frontières. 11 faut entendre également par dépolitisation le fait de tolérer pendant la lutte armé des courants politiques disparates et contradictoires, des comportements individualistes échappait A tout contrôle et faisant, par la-même, de certains responsables, des dignitaires fonction précise.
Par ailleurs, le G.P.R.A. qui s’est confondu, dés sa naissance, avec ta direction du FLN, a contribué à affaiblir du même coup les deux notions d’état et de Parti.
L'amalgame des institutions étatiques et des instances du FLN a réduit ce dernier 'a ne plus être qu'un appareil administratif de gestion. A I'intérieur, cet amalgame a eu pour effet de dessaisir le FLN de ses responsabilités au profit de I'ALN et, la guerre aidant, de I'annihiler pratiquement.
L’expérience de ces sept années et demi de guerre prouve que, sans une idéologie élaborée au contact de la réalité nationale et des masses populaires 5 il ne saurait y avoir de parti révolutionnaire. La seule raison d'être d'un parti est son idéologie. il cesse d’exister dés qu'elle vient à lui manquer.
LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE POPULAIRE
La guerre de libération menée victorieusement par le peuple algérien redonne à l'Algérie sa souveraineté nationale et son indépendance. Le combat n’est pas pour autant achevé. Il est appelé, au contraire, A se poursuivie afin d’étendre et de consolider les conquêtes de la lutte armée par I'édification révolutionnaire de l’état et de la société.
Les taches de la Révolution démocratique populaire nécessitent, un examen des données objectives de la réalité.
1. - CARACTERISTIQUES DE L'ALGERIE
De par sa situation générale, I'Algérie se dégage 'a peine de la domination coloniale et de 1ere semi-féodale.
Cette double caractéristique ne disparaîtra pas automatiquement avec I'événement de I'indépendance. Elle persistera aussi longtemps que la transformation radicale de la société n'aura pas été réalisée.
A) Pays colonial, 1'Algérie a subi pendant plus d'un seule une domination étrangère à base de peuplement prépondérant et d’exploitation impérialiste.
Les colonialistes français ont entrepris, par la guerre, l’extermination, le pillage et le séquestre, de détruire systématiquement la nation et la société algérienne. Plus qu'une simple conquête coloniale destinée A s'assurer le contrôle des richesses naturelles du pays, cette entreprise a visé, par tous les moyens, ;I substituer un peuplement étranger au peuple autochtone.
En effet, les envahisseurs français avaient tenté, en plein XIXéme siècle, de rééditer contre les Algériens, l’entreprise d'anéantissement dont fut victime la société indienne d'Amérique à partir de la fin du XVéme siècle.
L'échec de ce plan contre-nature est dû au fait que la société algérienne, organisé dans le cadre d'une nation consciente et évoluée, a pu mobiliser, pendant une quarantaine d'années, toutes ses forces et ses valeurs pour faire face au danger.
Sa prospérité économique, la vigueur exceptionnelle de son people, ses traditions de lutte, son appartenance à une culture et à une civilisation communes au Maghreb et au monde arabe, ce sont la autant de facteurs qui ont longtemps soutenu la résistance nationale.
Cette combativité prolongée, si elle n'a pas permis, en fin de compte, de repousser l’envahisseur, a cependant eu le mérite historique d'avoir contrecarré, dans une large mesure, l’entreprise d’extermination et sauvegardé la permanence de la nation,
N'ayant pu atteindre complètement son objectif initial le colonialisme français s’est appliqué, par d'autres méthodes, à provoquer I'arriération et la mort lente de la société algérienne.
L'expropriation massive des terres, le refoulement systématique des Algériens vers les régions incultes, la spoliation et le pillage des richesses naturelles du pays et des biens nationaux, 1'étouffement de la culture et des libertés élémentaires, ont eu pour résultats :
1e) L'implantation de plus en plus intensive d'un peuplement étranger conçu à la fois comme instrument de I'impérialisme et comme société coloniale vouée tout entière à la direction politique et administrative et il l’exploitation du peuple algérien;
2e) D'asseoir et de consolider en Algérie, les structures économiques et stratégiques de l’impérialisme français en fonction de son hégémonie au Maghreb et en Afrique Noire
3e) De cantonner la société algérienne, ainsi dépouillée de ses moyens et de ses possibilités, dans des limites étroites qui la mettaient hors de l’évolution contemporaine.
Ce faisant, le colonialisme la condamnait à la régression dans le sens d'un retour au système féodaliste et à un mode de vie archaïque.
B) Pays semi-féodal, l'Algérie, comme la plupart des pays d'Afrique et d'Asie, a connu le féodalisme en tant que système économique et social. Ce système se prolonge plus ou moins jusqu’a nos jours, après avoir subi, depuis 1830, une série de reculs et de transformations.
Le féodalisme est une conception de la société qui correspond A une étape du développement de I'histoire de I'huma-.nité. Cette étape est aujourd'hui dépassée; le féodalisme constitue un élément rétrograde et anachronique.
1) Au moment de la conquête coloniale, les féodaux algériens, qui étaient déjà impopulaires, s’empressèrent de pactiser avec l'ennemi, n'hésitant pas à participer à sa guerre de pillage et de répression. L'émir Abdelkader, chef de l’état algérien et artisan de La Résistance, dut entreprendre, contre eux, une lutte implacable. C’est ainsi qu'il détruisit leur coalition par les deux batailles de Meharez et de la Mina en 1834. Dails sa politique traditionnelle, le colonialisme s’est constamment appuyé sur les féodaux algériens contre les aspirations nationales. C’est pour les sauver de La destruction et de la vindicte populaire et les organiser en tant que corps permanent que le colonialisme prit, dans ce but, une ordonnance en 1838.
De caste militaire et terrienne quelle était, la féodalité algérienne est devenue progressivement administrative. Ce rôle lui, permis de poursuivre son exploitation du peuple et d'agrandir ses domaines fonciers, Le corps des caïds, tel qu’il s’est perpétué jusqu'a nos jours, est l’expression la plus typique de cette féodalité.
Parallèlement A ce féodalisme agraire et administratif, il convient de noter l’existence d'une autre sorte de féodalisme; Le maraboutisme des grandes congrégations.
Ce dernier, qui avait pourtant joué avant 1830, et, épisodiquement jusqu’en 1871, un rôle positif dans la lutte nationale, s’est souvent converti, d'une façon partielle, en un féodalisme administratif. Dans Le contexte obscurantiste dé la colonisation., il n'a cessé d’exploiter, par la superstition et des pratiques grossières, le sentiment religieux.
Ainsi, après avoir été l'allié du colonialisme au début de La conquête, Le féodalisme était devenu son auxiliaire le plus docile.
Dans le cadre de la lutte libératrice, le peuple algérien en mouvement, tout en ébranlant l'édifice colonial a porté le coup de grâce au féodalisme en tant qu'organisation administrative et patriarcale.
2e) Cependant, si Le féodalisme dans sa forme organisée est mort, ses survivances idéologiques et ses vestiges sociaux demeurent. ils ont contribué à altérer l’esprit de I’islam et entraîné I'immobilisme de La société musulmane.
Le féodalisme, produit de la décadence du Maghreb A un moment de son histoire, n'a pu se perpétuer que dans un contexte de valeurs sociales, culturelles et religieuses elles-mêmes dégradées,
Reposant sur le principe d'une autorité patriarcale et paternaliste, source d'arbitraire, il représente, de plus, une forme aigu de parasitisme. C’est par ces deux aspects qu'il favorise La persistance des structures et concepts d'un autre age : esprit tribal, régionalisme, mépris et ségrégation de la femme, obscurantisme et tabous de toutes sortes. Toutes ces conceptions et pratiques rétrogrades qui se trouvent encore à 1'état diffus dans La vie rurale algérienne constituent un obstacle au progrès et A La libération de I'homme. La paysannerie algérienne, qui a toujours lutté contre I'oppression et 1'immobilisme inhérents au système féodal, ne pouvais pas, elle seule, en triompher. C’est la Révolution qu'il revient de liquider définitivement les survivances anti-nationales, anti-sociales et anti-populaires du féodalisme.
II. - CONTENU SOCIAL DU MOUVEMENT DE LIBERATION NATIONALE
Depuis le 1er Novembre 1954, une nouvelle dimension est apparue dans la vie de la société algérienne jusqu'ici statique; le mouvement déterminé par l’engagement collectif du peuple dans la lutte nationale.
Ce mouvement, par sa profondeur et sa continuité a remis en question toutes les valeurs de I'ancienne société et posé les problèmes de la société nouvelle.
Quelles ont été et queues sont les composantes sociales de ce mouvement ?
D'abord le peuple pris dans son ensemble et notamment ses couches les plus opprimées :
1e) Les paysans pauvres, principales victimes de l’expropriation foncière, du cantonnement et de l’exploitation colonialistes. Il s'agit des ouvriers agricoles permanents ou saisonniers, des khammès et des petits métayers, auxquels peuvent s’ajouter les tout-petits propriétaires
2e) Le prolétariat relativement peu nombreux et le sous-prolétariat pléthorique des villes. Ils sont constitués, en majeure partie, par des paysans, expropriés et déclassés qui ont été contraints à chercher un travail loin des campagnes et même d'émigrer en France ou on les emploie, très souvent, dans les travaux les plus pénibles et les moins bien rémunérés;
3e) Une autre catégorie sociale intermédiaire est celle des artisans., petits et moyens employés, fonctionnaires, petits commerçants et certains membres des fonctions libérales, le tout constituent ce qu'on pourrait appeler la petite bourgeoisie. Cette catégorie a participé souvent activement à la lutte libératrice en lui donnant des cadres politiques.
4e) Il y a enfin, une classe bourgeoise relativement peu importante composée d'hommes d'affaires, de gros négociants, de chefs d’entreprises et de rares industriels.
A cette classe s'ajouté, celles des gros propriétaires, fonciers et des notables de I'administration coloniale.
Ces deux dernières couches sociales ont participé au mouvement d'une façon épisodique, soit par conviction patriotique, soit par opportunisme. il y a lieu d’en excepter les féodaux administratifs notoires et les traîtres qui ont pris fait et cause pour le colonialisme.
L'analyse du contenu social de la lutte de libération fait ressortir que ce sont les paysans et les travailleurs en Général qui ont été la base active du mouvement et lui ont donné son caractère essentiellement populaire. Leur engagement massif a entraîné à leur suite les autres couches sociales de la nation. Il a notamment suscité un phénomène important : l’engagement total de la jeunesse algérienne quelle que soit son origine sociale. Il convient de noter, à cet égard, que dans la plupart des cas ce sont les jeunes gens issus de la bourgeoisie qui ont déterminé l'adh,ésion de celle-ci à la cause de l'indépendance.
Le mouvement populaire a eu pour effet de dépasser, dans le cours de la lutte armée, I'objectif du nationalismes libérateur vers une perspective plus lointaine, celle de la Révolution. Par
sa continuité, son effort soutenu et les immenses sacrifices qu'il a entraînés, il a contribué à donner à la conscience nationale fragmentaire une forme plus homogène. De plus, il a prolongé celle-ci en conscience collective orientée dans le sens de la transformation révolutionnaire de la société.
C’est là un fait qu'on ne saurait assez souligner et qui donne au mouvement de libération algérien son caractère spécifique par rapport aux autres mouvements nationalistes du Maghreb.
La Révolution algérienne n'est pas le produit abstract d'une vue de l’esprit, ni un schéma théorique. Elle résulte d'une nécessité historique contraignante qui est déterminée par le processus objectif de la lutte de libération
l!I. -- LES TACHES PRINCIPALES DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE POPULAIRE
Dans tout ce qui précède nous avons examiné la situation générale de la société au moment de I'accession de l’Algérie à son indépendance ainsi que les caractéristiques principales du mouvement de libération nationale.
Tous les acquis de cette lutte doivent être étudiés, organisés et parachevés; c’est là la tâche historique de la révolution démocratique populaire.
Ceci implique nécessairement un effort d'analyse et de formation adéquat, une orientation juste et ferme, des options claires.
Deux impératifs doivent inspirer notre action
1e) Partir de la réalité algérienne il travers ses données objectives et les aspirations du peuple;
2e) Exprimer cette réalité en tenant compte des exigences du progrès moderne,. des acquisitions de la science, de l’expérience des autres mouvements révolutionnaires et de la lutte anti-impérialiste dans le monde.
De même qu'il faut éviter de s'inspirer de schémas tout faits sans référence à la réalité concrète de I'Algérie, il faut se garder, de la même façon, de tomber dans l’erreur de ceux qui prétendent pouvoir se passer de l’expérience des autres et des apports révolutionnaire de notre époque.
Par quoi se caractérise la révolution algérienne ?
Le mot (( Révolution)) à été longtemps employé, tort et à travers en l’absence de tout contenu précis. Pourtant, il n'a cessé de galvaniser l’élan des masses populaires, qui, par instinct. Lui ont donné un sens .au-delà même de libération. Ce qui lui manquait, ce qui lui manque encore pour mérité toute sa signification, c’est le support idéologique indispensable. Pendant la guerre de libération, le mouvement même de la lutte a suffi pour propulser et drainer les aspirations révolutionnaires des masses. Aujourd’hui. Qu’il s ‘est arrêté avec la fin de la guerre et le rétablissement de l’indépendance. Il importe de la prolonger sans tarder sur le plan idéologique. A la lutte armée doit succéder le combat idéologique ; à la lutte pour l’indépendance nationale succèdera la Révolution démocratique populaire.
La révolution démocratique populaire populaire, l’édification conscience du pays dans le cadre de principe socialistes et d’un pouvoir aux mains du peuple. Dans le cadre de principes socialistes et d’un pouvoir aux mains du peuple.
A) LE CONTENU DEMOCRATIQUE
La Révolution a pour tâches de consolides la nation devenue indépendante en lui restituant toutes ses valeurs frustrées ou détruites par le colonialisme : un Etat souverain, une économie et une culture nationales. Ces valeurs seront nécessairement conçues et organisées dans perspective moderne. Ceci implique l’abolition des structures économiques et sociales du féodalisme et de ses survivances et établissement de nouvelles structures et instructions susceptibles de favoriser et garantir l’émancipation de l’homme et la jouissance plein et entière de ses libertés.
Les conditions économiques du pays déterminent sa situation sociale et culturelle. Le développement de l’Algérie pour qu’il soit rapide. Harmonisé et dirigés vers la satisfaction des besoins de tous dans le cadre de la collectivisation, doit être nécessaire conçu dans une perspective socialiste.
L’esprit démocratique ne doit pas être spéculation purement théorique. Il doit se concrétiser dans des institutions étatiques bien définies et dans tous les secteurs de la vie sociale du pays.
Le sens de la responsabilité. Emanation de la plus fidèle de l’esprit démocratique, doit se partout au principe d’autorité d ‘essence féodale et de caractère paternaliste.
B) LE CONTENU POPULAIRE :
Le sort de l’individu étant lié à ce celui de la société tout entière, la démocratie, pour nous, ne doit pas être seulement l’épanouissement des libertés individuelles, elle est surtout l’expression collective de la responsabilité populaire.
L’édification d’un Etat moderne sur des bases démocratique, anti-impérialiste et anti-féodales, ne sera rendre possible que par l’initiative, la vigilance et le contrôle direct du peuple.
Les tâches de la révolution démocratique en Algérie sont immenses. Elles ne peuvent être réalisées par une classe sociale aussi éclairée soit-elle ; seul le peuple est en mesure de les mener à bien, c’est-à-dire la paysannerie, les travailleurs en général, les jeunes et les intellectuels révolutionnaires.
L'expérience de certains pays nouvellement indépendants, enseigne qu'une couche sociale privilégié, peut s’emparer du pouvoir A son profit exclusif. Ce faisant elle frustre le peuple du fruit de sa lutte et se détache de lui pour s'allier A I'Impérialisme. Au nom de I'union nationale, qu’elle exploite opportunément, la bourgeoisie prétend agir pour le bien du peuple en lai demandant de la soutenir.
Or, son origine relativement récente, sa faiblesse en tant que groupé social sans assises profondes, I'absence, chez elle, de véritables traditions de lutte, limitent son aptitude i promouvoir la construction du pays et il défendre contre les visées impérialistes.
La prise du pouvoir en Algérie exige qu’elle se fasse dans la clarté.
L'union nationale n’est pas I'union autour de la classe bourgeoise. Elle est I'affirmation de l’unité du peuple sur (a base des principes de la Révolution démocratique populaire à la nécessité de laquelle la bourgeoisie elle-même devra subordonner ses intérêts.
La logique de I'histoire et l'intérêt supérieur de la nation en font un impératif.
Le patriotisme de la bourgeoisie se mesurera, pour nous, au fait qu’elle admette cet impératif, qu’elle apporte son appui à la cause révolutionnaire et qu’elle renonce A vouloir diriger les destinées du pays.
La bourgeoisie est porteuse d'idéologies opportunistes dont les caractéristiques principales sont le défaitisme, la démagogie, l’esprit alarmiste, le mépris des principes et le manque de conviction révolutionnaire, toutes choses qui font le lit du néo-colonialisme.
La vigilance commande, dans I'immédiat, de combattre ces dangers et de prévenir, par des mesures adéquates, l’extension de la base économique de la bourgeoisie en liaison avec le capitalisme néo-colonial.
C) POUR UNE AVANT-GARDE CONSCIENTE :
La réalisation des objectifs de la Révolution démocratique populaire nécessite le dégagement et la formation d'une avant-garde consciente qui comprendra des éléments issus de la paysannerie, des travailleurs en général, des jeunes et des intellectuels révolutionnaires.
Cette avant-garde aura pour rôle d'élaborer une politique et sociale reflétant fidèlement les aspirations des masses dans le cadre de la Révolution démocratique populaire.
La Révolution n’est pas un ensemble de recettes pratiques qu'on applique d'une façon paresseuse et bureaucratique. Il n'y a pas d'idéologie toute faite; il y a un effort idéologique constant et créateur.
La guerre de libération a entraîné, pendant sept ans et demi, des bouleversements considérables dans la société algérienne. Cette situation " fait nouvelle et I'instauration du régime politique entièrement nouveau qu’elle exige, nous font obligation de créer une pensée nouvelle.
1e) L'édification d'un Etat moderne et l'organisation d'une société révolutionnaire imposent le recours A des méthodes et critères scientifiques dans la théorie et dans la pratique. La conception et l’exercice de la responsabilité politique doivent s'appuyer sur I'analyse objective des faits et l’appréciation correcte des réalités. Cc qui suppose, aussi, un esprit de recherche rationnelle et un effort de prospection concrète ;
2e) Cela ne va pas, naturellement, sans le rejet absolu de toutes les formes de subjectivisme : I'improvisation, I'approximation, la paresse intellectuelle, la tendance à idéaliser la réalité en n’en retenant que les .aspects spectaculaires et gratuits. De plus, il importe de se méfier du moralisme, tendance d’esprit idéaliste et infantile qui consiste à vouloir transformer la société et 'à résoudre ses problèmes à I'aide des seules valeurs morales. C'est la une conception erroné et confusionniste de I'action révolutionnaire dans sa phase constructive. Le moralisme, que certains professent volontiers, est I'alibi facile de I'impuissance à agir sur la réalité sociale et à I'organiser positivement. L’effort révolutionnaire ne se réduit pas il de bonnes intentions aussi sincères soient-elles; il requiert, surtout, l’emploi de matériaux objectifs. Les .valeurs morales individuelles,.si elles sont respectables et nécessaires, ne peuvent être déterminantes dans la construction de la société. C’est la bonne marche de celle-ci qui crée les conditions de leur, .épanouissement collectif.
D) POUR UNE NOUVELLE- DEFINITION DE LA CULTURE.
La nécessité de créer une pensée politique et sociale nourrie de principes scientifiques et prémunie contre les habitudes d’esprit erronées, nous fait saisir l'importance d'une conception nouvelle de la culture.
La culture algérienne sera nationale, révolutionnaire et scientifique.
le) Son rôle de culture nationale consistera, en premier lieu, à rendre à la langue arabe, expression même des valeurs culturelles de notre pays, sa dignité et son efficacité elle tant que langue de civilisation. Pour. cela, elle s’appliquera à reconstituer à revaloriser et à faire connaître le patrimoine national et son double humanisme classique et moderne afin de les réintroduire dans la vie intellectuelle et l’éducation de la sensibilité populaire. Elle combattra ainsi le cosmopolitisme culturel et l’imprégnation occidentale qui ont contribué à inculquer à beaucoup d’algériens le mépris de leurs valeurs nationales.
2') En tant que culture révolutionnaire elle contribuera à I’œuvre d'émancipation du peuple qui consiste à liquider les séquelles du féodalisme. Les mythes anti-sociaux et les habitudes d’esprit rétrogrades et conformistes. Elle ne sera ni une culture de carte fermée au progrès ni un luxe de l’esprit. Populaire et militante, elle éclairera la lutte des masses et combat politique et social sous toutes ses formes. Par sa conception de culture active au service de la société. Elle aidera au développement de la conscience révolutionnaire en reflétant. Sans cesse, les aspirations du peuple, ses réalités et ses conquêtes nouvelles, ainsi que toutes les formes de ses traditions artistiques ;
3e) Culture scientifique dans ses moyens et sa portée. La culture algérienne devra se définir en fonction de son caractère rationnel, de son équipement technique, de l’esprit de recherche qui l’anime et de sa diffusion méthodique et généralisée à tous les échelons de la société.
De là, découle la nécessité de renoncer aux conception routinières qui pourraient entraver l’effort créateur et paralyser l’enseignement en aggravant l’obscurantisme hérité de la domination coloniale. Cette nécessite s’impose, d’autant plus, que la langue arabe à subi un tel retard comme instrument de culture scientifique moderne, qu’il faudra la promouvoir, dans son rôle futur, par des moyens rigoureusement concrets et perfectionnés.
La culture algérienne ainsi définie devra constituer le lien vivant et indispensable entre l’effort idéologique de la Révolution démocratique populaire et les tâches concrètes et quotidiennes qu’exige l’édification du pays.
A cet égard, le relèvement indispensable du niveau culture des militants des cadres, des responsables et des masses en général, revêt une importance capitale.
Il permettra, notamment, d’inculquer à tous, le sens du travail et d’élever, ainsi, le rendement de la production dans tous les domaines.
L’avant-garde révolutionnaire du peuple doit donner l’exemple en l’élevant son propre niveau culturel et en faisant de set objectif son mot d’ordre constant.
Il convient de rappeler que les paysans et les ouvriers, qui ont été les principales victimes de l’obscurantisme colonial, gagneront à élever leur niveau culturel afin de faire face, plus efficacement, aux tâches et responsabilités qui leur incombent dans la Révolution.
Il y a lieu, ici, de dénoncer vigoureusement la tendance qui d’un consiste à sous-estimer l’effort intellectuel et à professer, parfois, un anti-intellectualisme déplacé.
A cette attitude répond, souvent, un autre extrême qui rejoint, par plus d’un point, le moralisme petit-bourgeois. Il s’agit de la conception qui consiste à utiliser l’islam à des fins démagogiques pour éviter de poser les vrais problèmes. Certes, nous appartenons à la civilisation musulmane qui à profondément et durablement marqué l’histoire de l’humanité : mais, c’est rendre un mauvais service à cette civilisation que de croire que sa renaissance est subordonnées à de simples formules subjectives dans le comportement général et la pratique religieuse.
C’est ignorer que la civilisation musulmane, en tant qu’édification concrète de la société, à commencé et s’est longtemps poursuivie par un effort positif sur le double plan du travail et de la pensée, de l’économie et de la culture. De plus, l’esprit de recherche qui l’a animée , son ouverture rationnelles sur la science, les cultures étrangères et l’universalité de l’époque. Ce sont, avant tout, ces critères de création et d’organisation efficiente des valeurs et des apports qui l’ont fait largement participer au progrès humain dans le passé, et, c’est par là que doit débuter toute renaissance véritable. En dehors de cet effort nécessaire, qui doit être entrepris en premier lieu sur des bases tangibles et suivant un processus rigoureusement ordonné la nostalgie du passé est synonyme d’impuissance et de confusion.
Pour nous l’islam, débarrassé de toutes les excroissance et superstitions qui l’ont étouffé ou altéré, doit se traduire, en plus de religion en tant que telle, dans ces deux facteurs essentiels : la culture et la personnalité.
Liée, par ailleurs, aux impératifs multiples de la culture nationale, révolutionnaire et scientifique, l’importance du développement de notre personnalité n’est plus à démontrer. La lutte victorieuse de libération vient d’en dégager des aspects majeurs inconnus ou méconnus jusqu’ici.
La personnalité algérienne se fortifiera encore d’avantage dans l’avenir, tant est grande la capacité de notre peuple de suivre le mouvement de l’histoire sans rompre avec son passé.
Résolument orientée vers la réalisation de ses tâches révolutionnaires. L’avant-garde consciente du peuple algérien, commencera, d’abord, par déployer la voie qui mène au progrès collectif de la société en liquidant les séquelles et survivances des systèmes révolus, en dissipant les équivoques et les fictions démagogiques. Le succès de la révolution démocratique populaire est à ce prix.
POUR LA REALISATION DES TACHES ECONOMIQUES ET SOCIALES DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE POPULAIRE
Il S'agit de formuler notre action sur le triple plan économique, social et international, en vue de libérer l’Algérie des séquelles du colonialisme et des survivances féodales et de définir les structures de la société nouvelle, qui doit être construire sur des bases populaires et anti-impérialistes.
Le choix de ces lignes d’action signifie :
- Une économie nationale :
- Une politique sociale au profit des masses pour élever le niveau de vie des travailleurs. Liquider l’analphabétisme, améliorer l’habitat et la situation sanitaire, libérer la femme :
- Une politique internationale basée sur l’indépendance nationale et la lutte anti-impérialiste.
1- EDIFICATION D’UNE ECONOMIE NATIONALE
A) APERÇU DE LA SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE DE L’ALGERIE COLONIALE.
1°) L’économie algérienne est une économie coloniale, dominée par la France et entièrement aux mains de l’étranger :
Elle est une source de matière première et un débouché pour les produits manufacturé. Sa dépendance se traduit par l’importance des échanges extérieur par rapport à la production nationale et part prépondérante de la France dans les échanges l’Algérie a toujours été le premier fournisseur de la France les investissements le règlement de la balance des comptes, l’absence d’industrialisation sérieuse.
Une minorité implantée à la faveur de la conquête s’est emparée avec l’appui du colonisateur des principaux moyens de production et de financement. Elle possède l’essentiel des terres productives (2.726.700 ha).
monopolise les banques, I'activité industrielle et commerciale (90% du total), encadre techniquement et administrativement le pays.
2e) L’économie algérienne est une économie déséquilibrée et désarticulée.
Deux secteurs reliés entre eux par un réseau commercial fragile y coexistent.
a) Le secteur moderne et dynamique est de type capitaliste. Il constitue un véritable avant poste de 1'économie française et englobe I'agriculture européenne tournée vers les marches urbains et I'exportation, les différentes branches industrielles, les transports, le grand commerce et les services.
La participation algérienne à ce secteur est faite surtout en main-d’œuvre.
b) Le secteur traditionnel dont vit l'essentiel de ]a population algérienne C’est-à-dire 5.225.000 personnes, conserve les structures hérites du passé. L'économie de subsistance et le. rapports de production pré capitalistes y dominent. Les moyens techniques et financiers sont presque nuls.
3e) Conséquences sociale de la domination coloniale.
Les conséquences sociales de cette économie dépendante, désarticulée et dominée sont durement ressenties par l'ensemble des populations algériennes et apparaissent dans la grande disparité des revenus. L'ensemble des Français d'Algérie dispose d'un revenu annuel moyen supérieur 350.000 à francs par personne, alors que celui des Algériens est inférieur à 50.000 francs et représente moins de 20.000 francs pour la masse vivant dans le secteur traditionnel.
Les conséquences sociales apparaissent également dans la non-intégration au circuit économique de deux millions et demi d'Algériens 990.000 chômeurs totaux et partiels dans les villes, 1 million et demi d'employés à la campagne - I'exode rural, 1'émigration de 400.000 Algériens vers la France, I'analphabétisme (plus de 415 des personnel âgée de plus de 6 ans sont illettrées, la déficience de I'habitat et de I'organisation sanitaire que traduisent la multiplicité des bidonvilles et des taudis et la faible implantation sanitaire dans les campagnes.
B) PRINCIPES DE NOTRE POLITIQUE ECONOMIQUE.
1') Contre la domination étrangère et le libéralisme économique.
L'aspiration de notre peuple 'a un développement économique et à 1'élévation de son niveau de vie est partout profonde et irrésistible.
Dans les pays nouvellement indépendants, le recours aux méthodes du libéralisme classique ne peut permettre une transformation réelle de la société,
Dans notre état actuel, la planification rencontrera de sérieux obstacles parmi lesquels le manque de capital, 1'absence de cadres qualifiés et le retard culturel. Mais entre la stagnation dans un cadre libéral et le progrès par la planification de l’économie, notre parti choisit la planification :
L'arriération économique et culturelle exige de nous une tension extraordinaire de nos forces, une utilisation juste de toutes les ressources matérielles et humaines en vue de développer le pays et de réaliser les tâches de )a Révolution démocratique populaire.
La relance de l'économie sur de nouvelles bases passe par un bouleversement complet des structures actuelles.
C) LES TACHES ECONOMIQUES DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE POLULAIRE.
1) La révolution agraire. Dans le contexte algérien la révolution démocratique populaire est d’abord une révolution agraire.
La création d'un marché inférieur et l'amorce de l'industrialisation sont conditionnées par une véritable révolution dans la vie rurale. Tache prioritaire, la révolution agraire comporte trois aspects en interaction : la réforme agraire, la modernisation de I'agriculture et la conservation du patrimoine foncier.
a) La réforme agraire.
Base active de la guerre de libération dont elle à supporté te fardeau le plus lourd, la paysannerie qui constitue 1'écrasante majorité de la nation, à mis tous ses espoirs dans I'indépendance. La satisfaction de ses intérêts matériels et culturels, valorisera la production. dégagera un marché pour I'industrie et ramènera, la stabilité dans les compagnes durement éprouvées par lit guerre coloniale.
La liquidation des bases économiques de fa colonisation agraire et la limitation de la propriété foncière en général rendront disponibles les superficies nécessaires ,à une réforme agraire radicale.
Du point de vue économique, la nature des cultures exploitées sur les terres des gros colons et des grands propriétaires algériens, le degré de mécanisation de leurs exploitations, incitent notre Parti et préconiser des formes collectives de mise en valeur et un partage des terres sans parcellisation. Cette solution doit être appliquée avec I'adhésion volontaire de la paysannerie afin d’éviter les conséquences désastreuses de formules d’exploitation imposées.
La réforme agraire doit être entreprise autour du mot d'ordre ((la terre à ceux qui la travaillent )) et selon les principes suivants
1°) Interdiction immédiate des transactions sur la terre et les moyens de production de I'agriculture.
- L'extension de I'aire irrigable
- Le défrichement de nouvelles terres.
La surpopulation relative des campagnes permet une mobilisation rapide de la main-d’œuvre inemployée pour la conquête des sols. C’est là une entreprise d'une importance capitale. L'organisation démocratique de chantiers ruraux résorbera le chômage, permettra la récupération de barges surfaces et libèrera toutes les forces productives.
Cette transformation des structures agraires doit être le point de départ pour le développement de l'infrastructure, la -nationalisation du crédit et du commerce extérieur dans un premier stade, la nationalisation des richesses naturelles et de I'énergie dans un second stade. De telles mesures accélèreront I'industrialisation en grand du pays.
2°) Développement de l’infrastructure.
Le réseau ferroviaire et le réseau routier, dans notre pays ont été conçus en fonction des impératifs économiques et stratégiques de la colonisation. Au cours de la guerre de nombreuses pistes et des chemins vicinaux ont été mis en chantier pour faciliter la pénétration des troupes françaises. Ils peuvent constituer la base du développement d'une infrastructure convenable pour faciliter le progrès des échanges et supprimer tout frein à 1'élargissement du marché intérieur et à la commercialisation des produits agricoles. La politique du Parti doit tendre à
- Nationaliser les moyens de transports ;
- Améliorer et perfectionner les réseaux routiers et ferroviaires
- Instituer des liaisons routières entre les grandes voies de communication et les marchés ruraux.
3°) Nationalisation du crédit et du commerce extérieur.
- La nationalisation du crédit et du commerce extérieur implique
a) La nationalisation des compagnies d'assurances
b) La nationalisation des banques.
C'est là une tâche à accomplir dans des délais rapprochés. La multiplicité des banques leur permet d’échapper au contrôle national. Leur reconversion récente ou prochaine en sociétés de développement ne doit pas masquer leur caractère essentiel, un instrument de chantage financier.
c) La nationalisation du commerce extérieur
La politique commerciale de I'Algérie doit s'inspirer des principes suivants :
- Supprimer à un rythme et selon des modalités à fixer le régime préférentiel entre la France et I'Algérie.
Assurer des échanges équilibrés fondés sur I'égalité et I'avantage réciproque.
Développer, les échanges avec les pays qui offrent des prix constants et marché à Lang terme et ou nous pourrons trouver, à meilleur compte, des biens d’équipement :
Nationaliser en priorité les bronches essentielles du commerce extérieurs et du commerce de gros et créer des sociétés d’état par produit ou groupe de produits.
Une telle organisation permet un contrôle réel de l’état sur l’import-export, facile une action efficace sue la consommation et procure des bénéfices commerciaux pour les investissements dans les branches productives :
Contrôler les prix et créer des magasins d’état dans les centres ruraux pour combattre la spéculation et l’usure.
4°) Nationalisation des richesses minérales et énergétiques.
C’est là un but à long terme. Dans l’immédiat le parti doit lutter pour :
L’extension du réseau de gaz et d’électricité dans les centres ruraux :
La préparation des ingénieurs et techniciens de tous les niveaux selon un plan qui mettrait le pays en mesure de gérer lui même ses richesses minérales et énergétiques.
5°) l’industrialisation
Les progrès de l’économie agricole et la mobilisation des masses ne peuvent faire avancer le pays que sur une base technique et économique donnée fournie par les progrès de l’industrie.
Il existe déjà en Algérie un secteur d’état. L’état algérien aura pour mission de l’étendre dans le secteur des mines, des carrière et cimenteries.
Mais le développement réel et à long terme du pays est lié à l’implantation des industries de base nécessaires aux besoins d’une agriculture moderne.
A cet égard, l’Algérie offre de grandes possibilités pour les industries pétrolières et sidérurgiques. Dans ce domaine il appartient à l’état de réunir des conditions nécessaires à la création d’une industrie lourde.
Dans les autres domaines et de l’économie, l’initiative privée peut être encouragée et orientée dans le cadre du plan général d’industrialisation.
A aucun prix d’état ne doit contribuer à créer, comme cela s’est faut dans certains pays, une base industrielle au profit de la bourgeoisie locale dont il se doit de limiter le développement par des mesures appropriées,
L’apport des capitaux privés étrangers est souhaitable dans les limites de certaines conditions
Il doit être complémentaire dans le cadre d’entreprises mixtes :
Le transfert des bénéfices doit être réglementé et permettre le réinvestissement sur place d’une partie des bénéfices.
Dans une première étape. L’état doit orienter ses efforts vers le perfectionnement de l’artisanat et l’industrie locales ou régionales pour exploiter sur place les matières première de caractère agricole.
II. REALISATION DES ASPIRATIONS SOCIALES DES MASSES
1°) Elévation du niveau de vie.
L’amélioration progressive des conditions de vie des masses et la résorption du chômage stimuleront l’élan créateur du peuple et favoriseront le progrès.
Pour que l’élan des masses et leur mobilisation deviennent une constante de la vie du pays. L’étalage de l’aisance et du luxe. Le gaspillage des derniers de l’état, les dépenses somptuaire et les traitements mirifiques doivent être sévèrement condamnés. Ce sont autant de facteurs qui donnent la conviction aux masses d’être seules à supporter les frais de l’édification. Austérité donc pour les mieux nantis.
Bien plus, la gestion par l’état de certains entreprises ne saurait, à aucun moment, justifier la détérioration des conditions de vie des travailleurs auxquels doit être reconnu le droit de grève.
2°) liquidation de l’analphabétisme et développement de la culture nationale.
Avant le 1er Novembre 1954 le peuple algérien à manifesté sont attachement aux valeurs nationales élaborées dans la cadre de la civilisation arabo-musulmane par la création de l’entretien de medersa libre, malgré l’opposition des autorités coloniales., au cours de la lutte de libération également, les directions des wilayas ont déployer des efforts méritoire pour mettre la culture à la portée de notre peuple. Dans notre pays, la question culturelle implique :
a) La restauration de la culture nationale et l’arabisation progressive de l’enseignement sur une base scientifique. De toutes les tâches de la révolution, celle-ci est la plus délicate, car elle requit des moyens culturels modernes et ne peut s’accomplir dans la prescription sans risque de sacrifier des générations entières :
b) La préservation du patrimoine national de culture populaire;
c) L’élargissement du système scolaire par I'accession de tous les niveaux de I'enseignement ;
d) L'algérianisation des programmes par leur adaptation aux réalités du pays.
c) L'extension des méthodes d'éducation de masse et la mobilisation de toutes les organisations nationales pour butter contre I'analphabétisme et apprendre A tous les citoyens à lire et à écrire dans les délais les plus brefs.
Sans une scolarisation massive et intensive, sans la formation de cadres techniques administratifs et enseignants, il sera difficile de prendre rapidement en main tous les rouages de 1’économie nationale.
3°) L’habitat.
La stagnation économique et sociale de la société rurale, la sédentarisation empirique des populations depuis la conquête se reflètent dans la prolifération des taudis jusqu'aux abords des grandes villes et des centres urbains accentué phénomène par le (regroupement) de deux millions de paysans. Le Parti doit prendre des mesures urgentes pour reloger, dans des conditions décentes, les populations éprouvées par la guerre et tout en parant aux nécessités immédiates, reconstruire dans le cadre d’un plan élaboré en fonction de leur réintégration dans le circuit économique.
Dans les villes, il est nécessaire de faire adopter rapidement une réglementation des loyers et d'utiliser des logements non occupés ou insuffisamment occupés.
4°) La santé publique
La médecine et les installations sanitaires doivent être rapidement nationalisées de façon à assurer la médecine gratuite pour tous dans les délais les plus brefs.
Cette nationalisation sera mise en oeuvre d'après les principes suivants
a) Développement d'un service national de santé qui prend en charge tous les hôpitaux et installations sanitaires.
Ce service national de santé fonctionnera avec des médecins à plein temps qui bénéficient de meilleures conditions de travail et de recherche et peuvent seuls accéder à la carrière universitaire et hospitalière.
L'institution du service national de santé doit prévoir I'absorption progressive du secteur libéral classique.
b) Campagnes, avec I'aide des organisations de masse et de I'armé, contre les épidémies, les maladies contagieuses et pour le développement de I'hygiène et I'amélioration de la santé.
c) Formation accélérée de personnel médical et sanitaire dans le cadre du plan de développement.
5') Libération de la femme.
La participation de la femme algérienne à la lutte de libération a créé des conditions favorables pour briser le joug séculaire qui pesait sur elle et I'associer d'une manière pleine et entière à la gestion des affaires publiques et au développement du pays. Le Parti doit supprimer tous les freins à 1'évolution de la femme et à son épanouissement et appuyer l'action des organisations féminines. II existe dans notre société une mentalité négative quart au rôle de la femme. Sous des formes diverses tout contribue ;à répandre I'idée de son infériorité. Les femmes elles-mêmes sont imprégnées de cette mentalité séculaire.
Le Parti ne peut aller de I'avant sans soutenir une luite permanente contre les préjugés sociaux et les croyances rétrogrades. Dans ce domaine le Parti ne peut se limiter à de simples affirmations, mais doit rendre irréversible une évolution inscrite dans les faits en donnant aux femmes des responsabilités en son sein.
111. - POUR UNE POLITIQUE EXTERIEURE INDEPENDANTE
Une juste orientation de la politique extérieure est un facteur important pour la consolidation de notre indépendance et I'édification d'une économie nationale.
L'Algérie accède à la souveraineté dans un contexte international ou le rapport de forces ne cesse d'évoluer en faveur des peuples et au détriment de I'impérialisme.
L'élan des mouvements de libération en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, la consolidation de l'indépendance dans les pays anciennement colonisés, I'action des forces démocratiques dans les pays impérialistes, et le progrès des pays socialistes, accélèrent la désintégration du. système de l'impérialisme. De nombreuses victoires ont, de ce fait, été enregistrés ces dernières années.
Cette situation nouvelle a amené I'impérialisme à reconvertir et à assouplir ses méthodes par le transfert du pouvoir à des couches bourgeoises ou bureaucratiques restreintes, qu'il associe, à I'exploitation de leurs peuples. il tente ainsi de démobiliser les mouvements de libération et de maintenir ses intérêts économiques et stratégiques.
L'alliance des pays impérialistes avec certains gouvernements d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, permet, momentanément, l'impérialisme de retarder son reflux.
Il n’en demeure pas moins que la tendance générale de notre époque est la réduction de la marge de manœuvre de I'impérialisme et non pas son élargissement.
Devant la consistance des dangers qui continuent à menacer notre pays. La politique extérieure de I'Algérie indépendance doit demeurer fortement guidée par les principes d'une lutte conséquence contre le colonialisme et l’impérialisme, pour le soutient des mouvements à l’unité au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique, l’appui au mouvement de libération et la lutte pour la paix.
1’) Lutte contre le colonialisme et l’impérialisme.
la grande leçon de notre guerre de libération, c’est de nous avoir appris que devant la poussé irrésistible des peuples, la concurrence entre pays impérialiste à cédé de le pas , à leur solidarité, malgré la persistance des contradictions mineures. Notre lutte à rencontré chez les masses de ces pays des échos favorables, mais s’est trouvée en butte à l’hostilité des gouvernements. Dans son effort de guerre, la France a bénéficié de l’appui matériel et moral de tous les états occidentaux et particulièrement celui des U.S.A Notre volonté de poursuivre la révolution rencontrera encore des obstacles. Cela ne doit en aucun cas nous empêché de déployer le maximum d’effort pour préserver dans notre action anti-impérialiste.
Le soutien des pays socialiste qui sous des formes diverses, se sont rangés à nos côté durant la guerre et avec lesquels nous devons renforcer les liens déjà existants, crée des possibilités réelles de dégagement à l’égard de l’impérialisme.
Le renforcement du courant neutraliste auquel nous participons, reflète le dynamisme des peuples en lutte pour la consolidation de leur indépendance.
L'élargissement de ce courant, dans chaque pays pris séparément, dépend des options internes et du degré d'indépendance de son économie. Aussi la politique extérieure de I'Algérie doit-elle s'orienter, au sein du courant neutraliste, vers I'alliance avec les pays qui ont réussi à consolider. leur indépendance et se sont libérés de lise impérialiste.
2’). Soutient des mouvements en lutte pour I'unité.
L’extension de la lutte anti-impérialiste nourrit le dynamisme des forces Politiques et sociales qui allant dans le même sens, oeuvrent pour la réalisation de l’unité au maghreb. Dans le monde arabe et en Afrique.
Les échecs de la conférence de Tanger et de I'Union syro-égyptienne, les incertitudes qui pèsent sur la collision du groupe de Casablanca nous font obligation de définir une attitude de principe sur ce plan.
Les aspirations à I'unité se situent dans une perspective historique juste. Elles traduisent le besoin de libération des masses, leur désir de mettre le maximum de forces en mouvement pour briser tous, les obstacles à leur promotion. Pour faire avancer le mouvement vers I'unité, il ne suffit plus aujourd'hui de se référer seulement à des facteurs subjectifs.
L'unité entre des pays distincts est un oeuvre gigantesque qui doit se poser dans le cadre d'options idéologiques, politiques et économiques communes correspondent aux intérêts des masses populaires.
Au Maghreb, dans le monde arabe, comme en Afrique, les manœuvres de division de I'impérialisme, les intérêts et te particularisme des classes dirigeantes constituent les principaux freins à la réalisation de I'unité, queues réduisent souvent à un slogan démagogique.
La tache principale de notre Parti est d'aider au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique à une appréciation juste des exigences formidables de la réalisation de I'unité. Ce travail doit se faire à 1'échelon des mouvements d'avant-garde et des organisations de masses pour que soient situés d'une manière concrète les obstacles à vaincre.
Au niveau des Etats, le développement des échanges, la mise en oeuvre de projets économiques communs, une politique étrangère concertée, une solidarité totale dans la lutte contre I'impérialisme sont des objectifs qui, allant dans le sens des intérêts des peuples, aideront à avancer d'un pas sur, dans la voie de I'unité.
3’) Appui aux mouvements de libération.
Par son intensité et sa puissance, la guerre de libération a accéléré le processus de décolonisation, en Afrique notamment. L'Algérie indépendante devra apporter une aide pleine et entière aux peuples qui mènent une lutte conséquente pour la libération de leur pays elle se doit d'apporter une attention particulière à la situation de l'Angola, de I'Afrique du Sud et des pays de l’est africain. La solidarité agissante contre le colonialisme permet à notre pays d’élargir le front de lutte et de renforcer le mouvement vers I'unité.
4') Lutte pour la coopération internationale.
La coopération internationale est nécessaire pour utiliser toutes les ressources matérielles et humaines en vue du progrès dans un climat de
paix et passe par la mobilisation permanente des masses contre l'impérialisme.
Le renforcement des liens avec les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine, le développement des échanges dans tous les domaines avec les pays socialistes, l'établissement de relations avec tous les états sur la base de 1'égalité et du respect mutuel de la souveraineté nationale et l'action commune avec les forces démocratiques, notamment en France, mettront notre pays en mesure de faire face à ses responsabilités sur le plan international. C’est ainsi qu'il pourra apporter une contribution positive à la lutte contre la course aux armements et les expériences nucléaires q déroulent sur notre sol même et menacent notre indépendance et sécurité. C’est ainsi qu'il pourra aider aussi A la liquidation des p militaires et des bases étrangères.
Cette politique extérieure est le corollaire indispensable à la création de nos objectifs internes. Elle permettra à notre pays d'atteindre objectifs de la Révolution démocratique populaire et de participer construction d'un monde nouveau.
ANNEXE: LE PARTI
Pour réaliser les objectifs de la Révolution démocratique populaire, il faut un parti de masse puissant et conscient.
Né dans le feu de I'action, le FLN a rassemblé en son sein toutes les forces vives de la nation. Des tendances diverses drainant des idéologies disparates ont coexisté en son sein.
Les structures ont été élaborées d'une manière empirique et en fonction des besoins immédiate de la lutte.
Sa reconversion en parti politique est devenue une nécessité impérieuse pour notre marche en avant.
Le Parti n’est pas un rassemblement mais I'organisation groupant tous les Algériens conscients qui militent en faveur de la Révolution démocratique populaire.
L'unité idéologique qui lie l’ensemble des militants est réalisée sur la base de la conviction révolutionnaire et de I'adhésion conscience et volontaire 'a la doctrine et au programme. du Parti. Avant-garde des forces révolutionnaires du pays, le Parti exclut en son sein la coexistence d'idéologies différentes.
Le recrutement des militants doit se faire selon des critères précis et rigoureux, car l’efficacité d'une organisation ne se mesure pas au volume de ses effectifs mais à la qualité de ses membres.
En raison de ses objectifs populaires, le Parti reflète les aspirations profondes des masses. Cette caractéristique doit se retrouver dans sa composition sociale. Le Parti se compose en majorité de paysans, de travailleurs en général, de jeunes et d'intellectuels révolutionnaires.
Fondé sur I'unité idéologique, politique et organique des forces révolutionnaires qu'il groupe en son sein, le Parti doit faire autour de lui l'union de toutes les couches sociales de la nation pour réaliser les objectifs de la Révolution,
LE PARTI, ORGANISATION DEMOCRATIQUE
Reflet fidèle des réalité du pays dans ce queues ont de dynamique, moyen d’expression des aspirations populaires, le Parti doit fonctionner sur une base démocratique.
Ceci implique une vie politique active en son sein et un échange constant entre la base et le sommet, notamment par un contact permanent des dirigeants avec les organismes de base et, à travers eux, avec le pays.
Les membres de fa direction, en particulier, doivent être présents là où les tâches à réaliser nécessitent la mobilisation des masses, c’est .à dire surtout à la campagne.
La Direction ne peut établir abstraitement la ligne politique du Parti mais I'élaborer à partir des impulsions de fa base.
La fibre discussion et la libre critique, dans le cadre des organismes du Parti, sont un droit fondamental de tout militant.
Le plein exercice de ce droit permet d’éviter le travail fractionnel qui doit être sévèrement condamné.
Le fonctionnement démocratique du Parti repose sur les principes suivants .
Eligibilité des responsables à tous les échelons :
Périodicité des réunions des instances du Parti :
Loi de la majorité
Interdiction de sanction contre tout membre du Parti sans I'accord
de I'organisme auquel il appartient
Obligation, en cas de conflit au sein des instances supérieures, de porter le débat devant fa base;
Primauté des instances supérieures sur les instances inférieures.
LES RELATIONS DU PARTI ET DE L’ETAT
Le Parti trace les grandes lignes de la politique de la nation et inspire l'action de l’état. La réalisation du programme du Parti est garantie, dans le cadre de l’état, par fa participation des militants aux institutions étatiques et notamment aux postes d'autorité.
Le Parti doit faire en sorte :
- Que le chef et les membres du gouvernement soient en majorité
membres du Parti
- Que le chef du gouvernement soit membre du Bureau politique
- Que fa majorité des membres des Assemblées appartiennent au
Parti.
84
Mais pour ne pas être absorbé par l’état, le Parti doit s’en distinguer physiquement. à cet égard, la majorité des cadres du Parti au niveau des différentes directions devront être en dehors des organismes de l’état et se consacrer exclusivement aux activités du Parti.
Ainsi, sera évité le danger d'un étouffement du Parti et de sa transformation en auxiliaire de l'administration et en instrument de coercition, comme I'ont illustré certaines expériences malheureuses, particulièrement en Afrique.
L’EDUCATION, CONDITION ESSENTIELLE DU PROGRES
DU PARTI
La formation des cadres est la condition première de la force du Parti et de la réussite de la Révolution. Le Parti doit combler le manque de formation politique de militants dont I'acquis ne peut provenir seulement de I’expérience quotidienne et de 1'échange d'idées en milieu restreint.
La formation du militant et 1’élévation de son niveau général sont fondamentales pour I'assimilation de ta doctrine et du programme et leur diffusion au sein des masses.
Le militant doit être capable de comprendre les problèmes de sa localité afin d'aider le Parti à maintenir le contact avec le peuple. Sa formation lui permet de suivre 1’évolution de la politique sur le plan national et international, d'assimiler les données du milieu dans lequel il vit et de les formuler.
L'éducation du militant est un oeuvre de longue haleine qu'il convient d'accomplir avec régularité et en profondeur. les moyens à la disposition du parti dans ce domaine sont variés : l’explication orale à I'occasion des contacts et des réunions, la presse, les publications diverses du Parti, en particulier celles concernant sa doctrine et son programme, les écoles de cadres, les stages et les contacts internationaux.
Cette formation du militant est une condition de l’éducation politique des masses. Cette éducation doit être poussée et vise à expliquer la portée des objectifs de la Révolution. On ne peut obtenir la mobilisation des masses si celles-ci ne saisissent pas clairement que leur intérêt est lié à la réalisation de ces objectifs.
L'unité idéologique, le fonctionnement démocratique, la formation des cadres, 1'éducation politique des masses sont des conditions nécessaires pour que le Parti puisse assurer son rôle de guide éclairé du peuple et de trouver au sein de celui-ci les moyens indispensables 'a la concrétisation de sa politique.
Pour accomplir ces taches, le Parti doit s'appuyer sur les organisations de masse.
LES ORGANISATIONS DE MASSES
La diversité des besoins dans le pays s’exprime par l’existence d'organisation de masses. Le Parti aidera à la création de ces organisations. il doit les animer pour assurer leur orientation cohérente dans le cadre de son programme d’ensemble. Son influence se manifeste par la présence en leur sein de militants éprouves. Les organisations de masses groupent les jeunes, les étudiants, les femmes., les syndicats, pour la défense de leurs intérêts spécifiques, et leur participation organisée aux taches de la Révolution.
En tant qu'organisation de la classe laborieuse, les syndicats doivent apporter dans les formes qui leur sont propres leur nécessaire contribution à l’élaboration et à l’exécution de la politique économique et sociale du pays.
Le Parti respecte I'autonomie des syndicats dont le rôle essentiel est de défendre les intérêts -matériels et culturels des travailleurs.
Cependant seul le Parti avant-garde des masses populaires peut assurer la coordination des forces révolutionnaires 'a I'intérieur du pays et exploiter d'une manière organique les possibilités et instruments qui existent all sein de la société.
LA RECONVERSION DE L'ALN
La fin de la guerre, la constitution du Parti et la création de I'armée nationale imposent une reconversion de l'ALN.
L'ALN en tant qu'organisme militaire du FLN est composée de militants. Cette qualité de militant est la condition de base du combattant de 1’ALN.
La guerre a nécessité le versement de militants é 1'ALN qui en a fait des combattants
L'accession de I'Algérie A I'indépendance impose qu’une partie de l’ALN revienne à la vie civile et donne des cadres au Parti et que l'autre partie constitue le noyau de I'armée nationale.
Cette armée assurera la défense de I'indépendance et I'intégrité du territoire et participera et la mobilisation des masses pour la reconstruction du pays. Mais devant les menaces constantes de I'impérialisme et I'importance de ses forces armés, il faudra donner au peuple même les moyens d'assurer la défense de son pays. D’ou la nécessité, de constituer des milices populaires à travers ensemble du territoire national et donner à notre armée le soin de les entraîner,
C’est ainsi que le peuple donnant A son armée des moyens d'assurer sa mission de défense, et I'armée aidant le peuple dans sa tache de reconstruction se créeront les conditions de la formation d'une véritable armée populaire de I'Algérie indépendante.
Cette formation sera accélérée par un travail de politisation de I'armée et de création en son sein de cellules du Parti.
LA MOBILISATION DES MASSES
Le caractère sous-développé de I'Algérie, les dévastations subies durant sept années et demi de guerre, I'urgence des grands problèmes d'intérêt national exigent I'utilisation de cette arme capitale entre les mains des Algériens, Que ce soit la réforme agraire et ses problèmes connexes d'infrastructure, les problèmes de I'habitat, de I'analphabétisme comme ceux de la santé, il n'y a pas de doute que l’Etats ne pourra y faire face sans I'apport puissant du Parti. C’est pour cela que nos efforts doivent tendre constamment à la création et au maintien de l’esprit de mobilisation au sein des masses. C’est là la voie du salut pour faire de I'Algérie un Etat moderne.
II importe de maintenir l’élan de notre peuple issu de la guerre et de susciter cette atmosphère de fraternité et d’enthousiasme qui permet les grandes réalisations.
LA CHARTE D’ALGER
ENSEMBLE DES TEXTES
ADOPTES PAR LE 1ER CONGRES DU PARTI
DU FRONT DE LIBERATION NATIONALE
(DU 16 AU 21 AVRIL 1964)
COMMISSION CENTRALE D’ORIENTATION
PREMIERE PARTIE
POUR UNE REVOLUTION SOCIALISTE
Chapitre 1. Le mouvement national jusqu’en 1954
Chapitre 2. La guerre de libération nationale
Chapitre 3. Fondements idéologiques de la Révolution Algérienne
Les caractéristiques de la société algérienne
Structures et tendances
La Révolution socialiste
Pour le développement d’une pensée socialiste
Pour une politique extérieure indépendante
DEUXIEME PARTIE
PROBLEMES DE LA TRANSITION ET TACHES D’EDIFICATION
Chapitre 1. Du capitalisme au socialisme
Chapitre 2. Les tâches économiques de l’édification socialiste
Chapitre 3. La réalisation des aspirations des masses Populaires
Annexe. La situation économique et sociale au lendemain de l’indépendance
TROISIEME PARTIE
LES INSTRUMENTS DE LA REALISATION
Chapitre 1. Le Parti et les organisations de masses
Chapitre 2. L’État
Annexe. Les Statuts du Parti
QUATRIEME PARTIE
RAPPORT DU SECRETAIRE GENERAL ET RESOLUTIONS FINALES
Le Rapport du Secrétaire Général
La Résolution de politique Générale
La Résolution économique et Sociale
PREMIERE PARTIE
Pour une révolution socialiste
Le mouvement national
jusqu’en 1954
Une révolution ne constitue jamais une rupture brutale et totale avec le passé. Les hommes agissent sous l’influence des conditions diverses héritées du passé qui leur montrent impérieusement la voies. Pour cette raison, l’histoire seule peut donner un sens à ce qui est advenu. La connaissance objective de l’histoire de l’Algérie constitue pour tout militant une obligation fondamentale. La force de la révolution, les succès de la lutte anti-impérialistes et de l’édification socialiste ne dépendent pas seulement de la conscience des forces dirigeantes mais aussi des facteurs positifs qui existent dans la structure de la société.
La falsification de l’histoire de notre pays et sa simplification par des historiens et des publicistes liés politiquement et idéologiquement au colonialisme ont souvent constitué un frein à idéologiquement au colonialisme ont souvent constitué un frein à l’influence du mouvement de libération nationale. Se placer dans la perspective du développement national de l’Algérie, partir des intérêts des couches les plus déshéritées du peuple algérien constituent une condition absolue à l’étude impartiale de la réalité nationale algérienne.
L’Algérie à la veille de 1830
Le peuple algérien est un peuple arabo-musulman. En effet, à partir du VIIIe siècle, l’islamisation et l’arabisation ont donné à notre pays le visage qu’il a sauvegardé jusqu’à présent.
Mais c’est plus loin qu’il faut remonter pour voir apparaître les premières manifestations de la contribution du Maghreb Central à la civilisation. Cette contribution, vieille en fait de plus de trois millénaires, s’épanouit tout particulièrement dans le puissant royaume numide des IIIe siècle avant Jésus-Christ, autour de Massinissa.
Du siècle IIe avant J.C. au VIIIe siècle après J.C., ce furent essentiellement des luttes contre la domination étrangère romaine, vandale et byzantine. A cette résistance populaire acharnée s’attachent des noms tels que celui du véritable héros que fut Jugurtha. L’opposition à l’oppression se traduisit, sur le plan idéologique, par le boycottage systématique de la religion des oppresseurs.
L’imbrication de la résistance à l’agression et des luttes sociales culminait dans d’imposantes révolte rurales à caractère égalitariste.
Au VIIe siècle, la rapidité et la profondeur du processus d’islamisation et d’arabisation qui commence ne peut s’expliquer que par le rôle libérateur de cette religion et de cette civilisation nouvelle qu’un peuple aussi combatif n’aurait pas acceptée si elles ne lui apportaient libération, promotion sociales, enrichissement culturel, prospérité et tolérance. Le caractère arabo-musulman demeure ainsi, le fondement de la personnalité algérienne.
Pendant des siècles notre pays évolua dans le cadre arabe et plus particulièrement dans le cadre maghrébin.
Au XVIme siècle, la formation progressive du territoire algérien est presque achevée. Ainsi apparaît le second élément de la réalité nationale algérienne qui vient s’ajouter à la langue arabe. Le combat est engagé par les frères Arroudj et Khair-eddine contre la menace extérieure espagnole et le morcellement du pays favorise la prise en main du pouvoir central par une caste militaire d’origine turque, l’odjak qui institue l’Etat des deys. La souveraineté du khalife de Constantinople sur cet Etat est purement nominale.
La décentralisation extrême de l’Etat , la multiplication des statuts compliquaient la hiérarchie sociale. Les Kouloughlis, les Janissaires, les tribus Deiras et Makhzen constituaient avec l’odjak les principaux bénéficiaires de l’impôt prélevé sur les tribus raïa.
La caste militaire turque n’était pas implantée directement dans le pays. Renouvelée périodiquement par des apports extérieurs, elle ne constituait pas une couche sociale stable assurant une fonction régulière dans les rapports sociaux.
La caste dirigeante ne possédait pas de façon privée les moyens de production. Cependant les représentants en avaient la disposition. De ce fait, l’exploitation des tribus raïa se faisait sous la forme d’impôts en travail et en nature (prélèvement sur les produits du travail). Le parasitisme de la caste dirigeante s’exprimait surtout à travers la pression fiscale sur les populations algériennes.
Au XIXme siècle, autrement dit trois siècles après l’instauration de l’Etat des deys la société rurale algérienne n’avait pas perdu sa physionomie d’antan. Le contrôle du pouvoir central sur les tribus qui peuplent l’intérieur du pays demeure limité.
Cependant, des représentants de l’Etat se constituent en féodalités (processeurs d’azel) et s’approprient à titre privé des moyens de production. Certains chefs familiaux en font de même (propriétaire melk). Mais le domaine « arch » » forme d’appropriation collective de la terre et des troupeaux couvre l’essentiel du pays.
A la veille de l’agression française, les difficultés du commerce extérieur occasionnées par la rupture des courants d’échanges traditionnels, les manœuvres des compagnies de traite européennes, les spéculations des hommes d’affaires étrangers créent des problèmes financiers à l’Etat algérien qui aggrave sa pression fiscale sur les populations. Cette situation renforce l’hostilité contre la caste militaire turque et les instruments répressifs sur lesquels elle s’appuie et nourrit par voie de conséquence des conflits intérieurs. L’affaiblissement de la puissance intérieure et extérieure de l’Etat des deys renforce les colonialistes et alimente les projets de conquête.
Les intérêts égoïste de la caste militaire d’origine turque, leur absence de liaison réelle avec les populations du pays ont joué un rôle déterminant dans la décadence de l’Etat algérien et l’ont ainsi rendu vulnérable face aux menées colonialistes et aux tentatives de mainmise capitaliste. .Malgré ses aspects contradictoires, l’Algérie constituait déjà un Etat différencié. La culture islamique, une hiérarchisation sociale identique, une organisation juridique commune constituaient un lien entre tous les membres de la communauté algérienne, Lien renforcé par l’hostilité de caractère social manifestée à une caste militaire d’origine étrangère mais déjà partiellement enracinée, accusée de frapper les croyants d’impôts non coraniques et de pactiser avec les infidèles.
Contrairement donc à ce qu’affirment les historiens de la conquête, l’Etat algérien disposait d’une armée et d’un appareil administratif et judiciaire et entretenait des rapports diplomatiques avec les puissances étrangères. Les dissertations sur le caractère nécessaire de la colonisation, sur la « colonisabilité » du peuple algérien, constituent une mystification grossière, car l’Algérie, au même titre que d’autres pays européens de l’époque ayant son niveau de développement, possédait les aptitudes lui permettant de s’engager par une autre voie dans la direction du progrès. La colonisation a mis un terme aux possibilités de développement propre du peuple algérien. Loin de précipiter son évolution, elle l’a au contraire retardée et rendue plus douloureuse.
La résistance
armée à l’agression
La volatilisation rapide de la bureaucratie d’origine turque devant l’agression française laisse apparaître à travers le territoire national des forces authentiquement algériennes qui prennent la direction de la résistance armée contre l’invasion étrangère. C’est ainsi qu’émerge et s’affirme l’autorité de l’Emir Abd El Kader.
Par la suppression de la différence entre tribus makhzen et tribus raïa, Abd El Kader détruit les anciens rapports d’exploitation établis au détriment des masses paysannes et aspire à unifier dans l’action contre l’ennemi au profit d’une autorité centrale unique du pays en posant les fondements d’une économie moderne se heurte aux tendances anti-nationales des féodaux et aux préjugés des chefs locaux comme le bey Ahmed de Constantine, qui malgré une résistance acharnée à l’invasion n’accède pas à la conscience de la nécessité d’une action unifiée contre l’envahisseur.
Au bout de dix-sept années de lutte opiniâtre, de flux, les forces françaises d’agression et de pillage viennent à bout de l’Emir Abd El Kader. Mais la résistance armée ne prend pas fin pour autant. Des noms glorieux comme ceux de Boumaza, de Selman El Djellabi, de Bou Baghla, de Cheikh El Haddad et de Mokrani témoignent de leur aspiration sans cesse renaissante à s’unir pour mettre en échec l’effort militaire français et ses méthodes d’extermination ainsi que les facteurs de régression et de division incarnés par les féodaux.
L’extermination des populations, le pillage de leurs ressources, la violence inhumaine qui se déchaîne contre la paysannerie algérienne, donnent un coup d’arrêt au développement de l’économie algérienne dans les villes et dans les campagnes provoquent d’énormes pertes en hommes. Les forces obscurantistes représentées par d’anciens féodaux ou une nouvelle féodalité administrative joignent leurs efforts à l’oppresseur pour sauver leurs privilèges ou en acquérir de nouveaux. Jusqu’au lendemain de la première guerre mondiale des révoltes sporadiques soutenues par la paysannerie éclatent à travers le pays. La lutte contre le code de l’indigénat, le refus de la conscription, le refus de payer l’impôt, de coopérer et même d’accepter l’enseignement en français expriment une forme passive de la résistance à l’oppression coloniale. Faute de pouvoir mettre en place une organisation capable de mettre en échec l’appareil répressif, faute de perspectives d’avenir, le peuple algérien se tourne alors vers le passé entretenu par la tradition orale et associé aux heures de gloire de la civilisation arabo-musulmane.
L’échec de la résistance militaire à l’agression française constitue pour notre peuple une source de leçons précieuse. Comme l’a prouvé l’insurrection de 1954, ce n’est pas l’efficacité du dispositif militaire français, mais l’absence d’une véritable direction centrale, les faiblesses et les contractions internes de la résistance de cette époque, les particularismes régionaux et la trahison des féodaux qui sont à l’origine de l’échec du peuple algérien.
Pour faire face à toute agression extérieure, la révolution doit créer toutes les conditions nécessaires à l’unité du peuple et démasquer ceux que des intérêts sordides poussent à trahir leur pays.
Le fonctionnement économique du système colonial et l’implantation d’une minorité européenne créent un véritable goulot d’étranglement à l’évolution du peuple algérien. Le vol des terres réalisé grâce à un arsenal juridique exceptionnel donne naissance à une situation sans issue. Les petits commerçants se trouvent confinés au commerce intérieur, nécessairement faible en raison de la misère paysanne. Les artisans perdent leur clientèle traditionnelle et ne résistent pas à la barrière raciale et trouvent difficilement des débouchés dans l’appareil administratif colonial et sont condamnés de ce fait aux carrières libérales. Ces données auxquelles s’ajoutent l’interdiction de l’enseignement arabe et les tentatives de desislamisation suscitent une opposition de plus en plus forte chez toutes les couches de la national. Aussi le mouvement de résistance de type ancien va-t-il être relevé par le mouvement national de type nouveau où les éléments populaires ne constitueront plus une force d’appoint mais joueront, eux aussi, un rôle décisif.
En Tunisie et au Maroc l’impérialisme français s’est appuyé les sur les classes dirigeantes lors de la pénétration. C’est cela qui explique le maintien de l’Etat et de la langue nationale, autrement dit un système de domination indirecte.
Contrairement à une idée assez largement répandue dans des milieux prétendument éclairés la forme du système de domination n’est pas déterminée librement par le pays oppresseur. Elle est liée directement à la capacité de résistance d’un peuple, à la volonté de lutte de ses dirigeants.
En Algérie, l’administration directe est une conséquence de la prolongation de la résistance armée. Cette résistance a entretenu la flamme patriotique de générations entières d’Algériens et a joué un rôle déterminant dans la croyance à la libération du pays la voie des armes dans les méthodes et les formes d’action radicales adoptées en 1954.
Le mouvement national
sous la forme moderne
Au lendemain de la première guerre mondiale, se dessine en Algérie une tendance à l’organisation de mouvements politique ayant recours à des moyens d’expression nouveaux.
Par la dénonciation énergique des procédés policiers de l’administration colonialiste, des pratiques féodales des caïds et des expropriations foncières, l’Emir Khaled, petit-fils d’Abd El Kader ouvre la voie à d’autres mouvements algériens. Cette orientation nouvelle rencontre des échos chez les lettrés et les notables mais ne touche pas les larges masses paysannes dont les anciens dirigeants des insurrections armées étaient restés si proches
La première organisation nationaliste à base populaire prend l’indépendance de l’Algérie en 1933. Sa participation aux campagnes politiques en faveur du front populaire ne l’empêche pas d’être dissoute en 1937 par le gouvernement Blum. Le Parti du Peuple Algérien (P.P.A.) fondé la même année reprend ses mots d’ordre et son orientation et pénètre en Algérie où il trouve un écho immédiat chez les couches sociales les plus opprimées. Pendant des années, la propagande de certains milieux français a voulu faire accréditer l’idée que ce sont les positions étroitement nationalistes de l’Etoile Nord-Africaine et de Parti du Peuple Algérien qui les ont isolés du mouvement ouvrier international et de la classe ouvrière française. Cette campagne est mensongère et vise à cachez aux masses les positions colonialistes du front populaire sur la question coloniale, sa tendance à subordonner l’action du Mouvement de Libération Algérien à une coalition entre partis français et imposer en Algérie l’aile réformiste, associationniste révélant clairement de quel côté se trouvaient les défenseurs véritables des intérêts du peuple algérien. Le nationalisme, dans les pays colonisés, est la réponse que la population finit par donner à l’oppression coloniale. Il s’oppose au chauvinisme qui est plutôt le propre des pays impérialistes oppresseurs.
La tendance réformiste du mouvement de libération comprenait association des Oulémas, le Parti Communiste Algérien qui n’était alors qu’une section du PCF et la Fédération des élus.
L’association des Oulémas a mené un combat acharné pou libérer le peuple des superstitions religieuses et du maraboutisme et a déployé des efforts méritoires pour aider à la renaissance culturelle et à la propagation de l’enseignement de l’arabe.
Son leader : Cheikh Abdelhamid Ben Badis, contribua efficacement à l’affermissement de l’idée nationale.
Ses dirigeants se retrouvèrent cependant au sein du Congrès Musulman En 1936, aux côtés du P.C.A et de la Fédération des élus qui étendait arbitrairement la dépersonnalisation des lettrés de culture française au peuple algérien), pur défendre la politique d’assimilation.
L’échec du projet Blum-Violette entraîne la dislocation du Congrès Musulman et de la Fédération des élus. Sous la pression des faits, une lente évolution se dessine chez certains dirigeants et aboutit particulièrement à une scission au sein de la Fédération des élus. A la veille de la seconde guerre mondiale s’ouvre, malgré l’interdiction du P. C.A. et du P.P.A., une nouvelle période.
La guerre accéléra la prise de conscience du peuple algérien et renforça le mouvement national. Les élus comprirent enfin la possibilité de dépasser le cadre des revendications de la veille et de lui substituer une plate-forme fondamentale qui poserait le problème du statut futur de l’Algérie.
Quand le manifeste du peuple algérien (février 1943) qui était l’œuvre des élus fut présenté, l’opinion publique algérienne était prête à y souscrire avec enthousiasme.
L’exigence de la condamnation et de l’abolition du colonialisme la revendication du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de l’élaboration d’une Constitution garantissant la liberté et l’égalité à tous les Algériens, la réclamation de la suppression de la propriété féodale par une réforme agraire, de l’officialisation de la langue arabe, de la liberté du culte et de l’application à la religion musulmane de la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat tous ces principes contenus dans le Manifeste répondaient aux aspirations populaires. Les militants du P.P.A. aussi les trouvèrent dans l’ensemble, conformes à leur programme, bien que la clandestinité à laquelle ils étaient réduits depuis septembre 1939 les eût persuadés que le salut des Algériens résidait dans l’usage exclusif de la violence en raison de la foncière inaptitude du régime colonial renoncer pacifiquement à son système d’exploitation des peuples opprimés.
Le Manifeste du peuple algérien marque un tournant historique dans la prise de conscience nationale de la bourgeoisie et des lettrés. A partir de cette date, le courant réformiste réalisa sa fonction avec les thèses nationalistes du P.P.A., sans renoncer aux méthodes légales.
Or, c’était là un leurre, car l’ordonnance du è mars 1944 prise par les autorités du comité français de la libération nationale reprit, en les élargissant à peine les dispositions assimilationnistes du projet Blum-Violette.
La réplique à l’ordonnance du 7 mars se matérialisa dans la création des Amis du Manifeste et la liberté (début 1945) qui fut un véritable front nationaliste, groupant les lettrés, les oulémas et le P.P.A.
L’alliance de toutes les formations algériennes, acquises désormais à l’idée d’indépendance, procura aux A.M.L. une assise largement populaire, et amplifia leur audience politique. Les étudiants, les scouts et la jeunesse en général se lancèrent dans la mêlée. Une grande effervescence s’empara du pays. Un travail de sabotage systématique de la politique intégrationniste de la France fut entrepris pour dissuader les bénéficiaires de l’ordonnance du 7 mars à s’inscrire sur les listes électorales du premier collège.
Lors du Congrès des A.L.L. réunis du 2 au 4 mars 1945, le courant nationaliste populaire mit en minorité la tendance des élus favorables à l’instauration d’une République algérienne fédérée en France et fit adopter une motion réclamant un parlement et un gouvernement algérien dégagés de tout lien avec la France.
Les tueries sanglantes du 8 mai 1945 qui affectèrent essentiellement les régions de Guelma et de Sétif n’aboutirent pas au résultat escompté par les colonialistes, car le peuple demeure mobilisé pour faire triompher ses aspirations nationales. Loin de refluer le mouvement repart sur de nouvelles bases. L’éclatement des Amis du Manifeste et de la Liberté fait reposer de nouveau tous les problèmes de la stratégie anti-impérialiste et des moyens les plus appropriés pour débarrasser l’Algérie du fléau colonial.
Les débats qui eurent lieu entre l’Union Démocratique du Manifeste Algérien fondée en 1946, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, continuateur du P.P.A. l’Association des Oulémas et le Parti Communiste Algérien gagnèrent les larges masses des villes et des campagnes confrontées quotidiennement à l’exploitation colonialiste, au mépris raciste et à la répression policière.
De toutes les composantes du Mouvement de Libération, le M.T.L.D. «était le plus influent et le mieux enraciné dans les masses populaires urbaines et rurales comme dans l’émigration algérienne en France. En lui les masses algériennes reconnaissaient le continuateur du P.P.A. partisan de la violence révolutionnaire.
L’intuition du peuple était justifiée. La conviction des militants du M.T..L.D. que la perspective politique légale était obstruée présida à la création d’une organisation illégale. Mais alors que la crise de l’impérialisme français enlisé dans la guerre du Vietnam l’exaspération des masses devant les parodies électorales, la brutalité de la répression policière subie par les Algériens militaient en faveur d’une attitude offensive, l’immobilisme devait lui être fatal puisqu’il aboutit à sa découverte par les autorités colonialistes et à l’arrestation de ses principaux animateurs. L’épreuve de force était seulement retardée. Sa nécessité demeurait. Cependant les limites de la direction du M.T.L.D sur le plan révolutionnaire, apparaissaient au grand jour.
La dislocation de précipita l’orientation légaliste du M.T.L.D. par la mise à l’écart des éléments illégaux et l’accession aux responsabilités de cadres moins sensibles aux pulsations du mouvement populaire. L’échec de l’électoralisme et de l’unité avec les autres mouvements algériens au sein du Front Algérien pour la défense et le respect des libertés était un indice sérieux de l’impossibilité d’agir dans le cadre d’un système institutionnel fondé sur la suppression de toute initiative algérienne. Loin de s’arrêter à une telle conclusion, le Congrès du M.T.L.D. de 1953 officialisa le cours légaliste au moment même où la Tunisie et le Maroc entamaient la lutte ouverte pour l’indépendance nationale et où un pays colonisé, l’Indochine infligeait une grave défaite à l’impérialisme français. Rongé par la stagnation politique, le M.T.L.D. vit ses contradictions internes passer au premier plan. Moins d’un an après le Congrès de 1953, le mouvement se désintégra à la suite d’une crise qui affectait ses organismes dirigeant, libérant ainsi d’immenses énergies.
Les problèmes soulevés au cours des luttes entre dirigeants pour le contrôle du parti ne correspondaient pas aux préoccupations des militants qui déploraient l’abandon de fait du principe de la lutte armée. Créé pour refaire l’unité du Parti et l’engager dans l’action, le C.R.U.A. se heurta rapidement à l’hostilité des deux protagonistes qui cherchaient seulement à utiliser son audience auprès des militants. Aussi ses animateurs ont-ils acquis la conviction que seule la destruction des organisations politiques légalistes pouvaient permettre le regroupement de tous les Algériens désireux de participer effectivement à la lutte armée contre l’oppresseur colonialiste. C’est cette conviction qui a présidé à la naissance du Front de Libération Nationale.
Conclusion
Le développement du mouvement de libération ne s’est pas accompli en vase clos. Les doctrines de rénovation musulmane de Djamel Eddine El Afghani et de Cheikh Abbou, les idées pan arabes de Chekib Arslan, les idées socialistes ont eu des répercussions en Algérie. Ces courants de pensée de même que les luttes pour la liberté le progrès à travers le monde et les conditions économiques et sociales de l’Algérie, ont aidé à l’affirmation de l’idéologie nationale.
La tendance erronée à subordonner l’existence d’une nation algérienne à l’intégration d’une minorité étrangère qui (malgré certaines exceptions) se comportait comme occupant le pays, et à faire de la renonciation à la lutte armée une condition de l’unité du Mouvement de Libération Nationale, a obscurci les méthodes d’action et visé à l’alignement politique des masses populaires sur les positions des couches privilégiées.
Seule la puissance de la volonté populaire, sa conviction dans l’impossibilité de déboucher sur une solution par la voie pacifique a permis de secréter progressivement des dirigeants nouveaux et de remettre le Mouvement de Libération sur une voie nouvelle.
La guerre de
Libération nationale
A la veille de l’insurrection, la routine et l’hypnose de la légalité des partis politiques algériens constituaient le principal obstacle à l’engagement du peuple dans la voie des luttes révolutionnaires ouvertes. Le passage à la lutte armée a été déterminé par l’impasse que connaissait l’ensemble du Mouvement de Libération nationale. L’impréparation dans tous les domaines ne permettait pas d’envisager la guerre de libération nationale dans toutes ses implications.
C’est ainsi que la question fondamentale de l’exploitation de la victoire et de l’organisation sociale de l’Algérie indépendante dont dépendaient le style de guerre, les alliances et la nature de la direction, n’ont pas été clairement posés au départ.
Cette déficience originelle n’a pas empêché l’insurrection décidée par une minorité de militants de s’étendre, de se consolider et de déboucher sur la victoire. Dans son unanimité, le peuple algérien avait ressenti que la lutte était placée sur le bon terrain : celui de la critique du système colonial par les armes. Sa détermination de se débarrasser du colonialisme en appuyant fermement la lutte armée, a apporté un démenti cinglant aux dirigeants qui ne croyaient pas dans ses potentialités révolutionnaires, exagéraient la puissance de l’ennemi et mettaient en relief les faiblesses sociales et culturelles de la Nation pour se refuser à affronter les difficultés de la lutte. L’histoire a fait justice des arguments opposés aux militants qui préconisaient l’utilisation de la violence révolutionnaire pour détruire le colonialisme.
Pour justifier leur défaitisme les anciennes directions nationalistes expliquaient leur refus de la lutte armée par l’apathie du peuple et la désorganisation de son encadrement politique. Une des constantes des directions opportunistes dans l’histoire du nationalisme algérien est de se réclamer de l’apathie du peuple et de son « manque de conscience » pour faire prévaloir une orientation sans principe. Elles oubliaient d’ajouter que chaque fois que les masses cherchaient à se frayer une voie révolutionnaire, leur politique rendait à les démobiliser.
Ce qui désorganise un mouvement, c’est d’abord et avant tout le manque de confiance des dirigeants dans l’effort créateur du peuple leur crainte de la voir intervenir directement pour régler ses affaires, leur incapacité d’orienter positivement son action. Toute forme d’action nouvelle crée des flottements dans les rangs des militants et dans les masses. Il ne faut jamais en déduire qu’il ne faut pas se battre mais apprendre à se battre. Pour permettre l’éducation révolutionnaire du peuple, il faut dénoncer systématiquement la faut devant les difficultés que charrient toujours avec elles les couches sociales privilégiées.
Les faits sont probants. Ni la guerre d’extermination menée par l’impérialisme, ni les destructions massives et les regroupements de population, ni les prisons et les camps, ni les erreurs des dirigeants n’ont entamé la volonté du peuple algérien de soutenir et de nourrir le combat libérateur.
Pendant des années, il a suppléé par ses initiatives propres à l’absence de directives des dirigeants, fait face à l’ennemi, surmonté les difficultés et porté un coup mortel à ceux qui fondaient leur politique sur l’effondrement de lutte armée.
L’action du peuple, sa participation à la lutte sous toutes ses formes (liaisons, renseignements, sabotage, ravitaillement, etc…) a été le facteur décisif de la victoire sur l’ennemi. Sa persévérance dans le combat a imposé l’indépendance comme seule alternative possible à la guerre de reconquête.
De toutes les composantes sociales du pays, la paysannerie pauvre des montagnes, expression la plus claire de l’expropriation des Algériens a été celle dont le rôle s’est avéré le plus décisif dans la conduite de la guerre de libération nationale.
C’est grâce à elle surtout que se sont développées les guérillas, son éducation dans un sens socialiste, sa liaison avec les classes populaires urbaines feront d’elle une des forces principales dans l’édification d’une société nouvelle.
La résistance militaire
La proximité avec le pays oppresseur l’implantation d’une minorité étrangère en Algérie, le décalage énorme entre les forces de l’ennemi et les forces armées algériennes ont pesé lourdement sur l’évolution de la situation militaire.
L’absence de stratégie qualifiée, l’incompréhension des rôles respectifs de la ville et de la campagne dans la guerre de guérilla et du poids de la minorité européenne dans la vie politique française n’ont pas permis une analyse claire du rapport des forces et une appréciation juste des moyens de le faire évoluer en notre faveur sans gaspillage inutile de l’énergie révolutionnaire du peuple.
En méconnaissant le rôle de la violence, en préconisant les concessions à tout prix et en agissant comme si un effort de guerre accru compromettait les possibilités de solution, les partisans de la politique pure n’ont pas aidé à comprendre que la conduite de la Révolution n’était pas une question exclusivement militaire mais une question politique de programme et de perspectives.
L’esprit de combativité des djounoud, leur efficacité au niveau de l’exécution, l’initiative des cadres moyens ont su compenser ces faiblesses et limiter les conséquences de l’absence de stratégie et de commandement militaire unifié. Grâce à leur héroïsme et à leurs sacrifices, les Aurès, la presqu’île de Collo la Kabylie, l’Ouarsenis et les régions frontalières sont devenus des bastions de la Révolution et ont condamné le commandement français à en faire des « Zones interdites ».
Les succès militaires remportés au cours des années 1956 –1957, entraînent le Comité de Coordination et d’exécution issue du Congrès de la Soummam (1956) à demander aux commandements régionaux de s’organiser et d’agir dans la perspective d’une décision rapide grâce à une action massive. C’est dans ce contexte que furent mis sur pied des bataillons auxquels succédèrent aussitôt de petites unités légères ultra-mobiles tirant davantage de profit de leurs rapports avec la population, du terrain et de leur armement.
La construction des barrages électrifiés aux frontières isolées d’Algérie, perturbe l’acheminement des armes et entraîne l’installation en Tunisie et au Maroc de forts contingents armés en provenance des wilayas. Cette situation nouvelle aggrave les conditions de résistance militaire et imprime une évolution particulière aux wilayas sont abandonnées, manquent d’armes et font face aux manœuvres des services d’action psychologique qui tentent d’accroître leurs difficultés. A l’extérieur, toutes les unités arrivent après une longue lutte, à se regrouper et à imposer à la Direction, la création d’un état-major général. Les combats qu’elles ont menés ont constitué un appoint sérieux pour la résistance intérieure et obligée l’ennemi à fixer de nombreuses troupes aux frontières et à éparpiller ses forces.
La lutte politique
à l’intérieur de l’Algérie
La révolution a été jalonnée d’évènements qui constituent de riches expériences pour les militants et le peuple.
Ces événements n’ont pas eu seulement l’Algérie pour théâtre. Ils ont affecté également la France où l’émigration algérienne a constitué un barrage efficace contre toutes les tentatives de la contre-révolution et apporté une contribution précieuse sur le plan notre peuple. Tirer les leçons de ces batailles est une nécessité absolue pour la préparation des luttes futures.
Les événements du 20 août 1955.
L’insurrection du 1er Novembre 1954 avait barré la route à la voie légale et tuée toute indécision en posant brutalement devant les partis politiques algériens les questions fondamentales de la lutte révolutionnaire. Cela n’empêcha pas certains dirigeants d’alors de déployer des efforts intenses et soutenus pour confisquer à leur profit le mouvement en jouant les intermédiaires entre les masses et l’impérialisme français. Le courant messaliste, quant à lui glissa rapidement sur des positions contre-révolutionnaires. Seules la collusion avec l’ennemi, l’absence d’une clarification politique sérieuse lui assurèrent par endroits la survie.
Les événements du 20 août 1955 ? Donnèrent le coup d’arrêt à toutes les tentatives de diversion en sonnant le glas des institutions de démocratie formelle et en provoquant grâce à la pression populaire le ralliement de nombreuses personnalités. Ces ralliements renoncement à une action parallèle à celle du FLN. Les forces obscures avaient compris l’impossibilité pour elles de peser sur la vie politique du pays en dehors du FLN. Elles s’y infiltrèrent pour faire prévaloir leurs vues. L’erreur des responsables d’alors est de n’avoir pas pris en considération leurs tendances politiques réelles en leur confiant la direction d’une lutte qui s’était imposée à eux.
La grève du 5 juillet 1956.
La grève de juillet 1956 a mis en évidence l’unité du peuple algérien autour du FLN. La participation massive des petits commerçants et de travailleurs met en relief la pénétration du FLN dans les couches citadines et constitue un test de l’efficacité de l’UGTA et de l’UGEMA.
L’organisation des couches sociales selon leurs objectifs propres est une nécessité pour un mouvement révolutionnaire d’avant-garde. Seuls l’impulsion, la coordination et contrôle de l’action de chacune d’elles permettent leur mobilisation pour la réalisation des objectifs à atteindre.
La grève scolaire et la grève des huit jours ont été déclenchées dans la perspective d’une guerre de courte durée. L’engagement total du peuple et de l’émigration algérienne en France et ailleurs, la combativité des militants en ont fait aux yeux de l’opinion mondiale une démonstration éclatante de la représentativité du FLN. Politiquement la grève des huit jours a été inspirée par la croyance erronée à la possibilité d’une insurrection généralisée. Elle traduisait un excès de confiance dans les possibilités de victoire rapide. Organisée en prévision de la session de l’ONU, elle a reflété les illusions de ceux qui attendaient la solution du problème algérien d’une intervention de l’ONU ou des USA.
Un mouvement révolutionnaire doit compter d’abord sur les masses qu’il dirige. C’est en elles qu’il trouvera les ressources qui lui permettront d’aller de l’avant. L’aide extérieure quant elle est possible ne doit être envisagée que comme une force d’appoint.
Le 13 mai 1958.
Certains milieux du capitalisme français et l’armée que ces milieux orientaient selon leurs intérêts propres milieux orientaient selon leurs intérêts propres constituaient un obstacle sérieux à une solution pacifique du problème algérien. L’arrivée de De Gaule au pouvoir exprimait à la fois l’impasse où la guerre d’Algérie avait fourvoyé l’impérialisme français et l’aspiration des milieux dirigeant français à se débarrasser des contradictions internes qui entravaient leur approche des problèmes.
La politique du pouvoir gaulliste en Algérie avait un double but : affaiblir les forces militaires de la Révolution par l’intensification de la guerre et dégager à travers des réformes économiques et sociales une couche petites-bourgeoises, politiquement intermédiaire, susceptible de faire contrepoids à l’aile révolutionnaire du Front de Libération Nationale.
L’autodétermination du peuple algérien.
Depuis l’arrivée au pouvoir du général De Gaule, les dirigeants français n’ont pas cessé de vouloir réintégrer par des moyens divers l’Algérie dans le giron de l’impérialisme français. L a recherche d’une troisième force consistait à accentuer par des initiatives habiles la différenciation à l’intérieur du FLN à forger en son sein partage des richesses et du pouvoir avec l’impérialisme français. Les manifestations populaires de décembre 1960 ont obligé la négocié. Leur puissance a mis au jour les potentialités révolutionnaires immenses du peuple algérien et démontré que l’indépendance du FL N. est de n’avoir pas compris à temps que la troisième force était un phénomène social qui avait ses prolongements à l’intérieur des organismes dirigeants de la Révolution et que cette force aspirait à organiser l’Algérie au profit des couches exploiteuses et de mettre le pays à la remorque de l’impérialisme.
Dans son développement, la Révolution algérienne a bénéficié de concours nombreux. Le poids de l’aide financière matérielle et morale était un élément important d’appréciation du rapport des forces avec l’impérialisme français et ses alliés atlantiques.
L’insurrection du 1er novembre était antérieure à l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. Aussi de toutes les forces qui eurent à se ranger du côté du peuple algérien, les pays arabes se sont avéré les alliés les plus stables et les plus sûrs et ce malgré l’hostilité du monde impérialiste et la diversité des régimes sociaux. L’aide des pays arabes à l’Algérie dans le cadre de sa lutte pour la consolidation de l’indépendance nationale est un atout à la préservation duquel le Parti doit veiller avec vigilance.
Pour isoler l’Algérie, l’impérialisme français a procédé à des solutions séparées aux problèmes de l’Afrique du Nord et brisé l’unité de la lutte réalisée au prix de nombreuses difficultés.
La direction de la Révolution a tablé sur une guerre de courte durée et n’a pas accédé à une appréciation juste des rapports inter-maghrébins que seule l’unité dans l’action permettait.
L’installation sur les territoires tunisien et Marocain de fortes colonies algériennes composées essentiellement de victimes de la guerre, l’utilisation des deux pays voisins comme bases de l’A.L.N. ont fait craindre que la révolution algérienne ne repose le problème des rapports avec l’impérialisme et la nature du pouvoir au Maghreb arabe. La recherche constante d’une médiation entre le nationalisme algérien et le colonialisme français, le contrôle étroit exercé sur l’aide militaire étrangère, les faveurs accordées aux dirigeants algériens qui voulaient un compromis à n’importe quel prix trouvent leur origine dans cette crainte.
La guerre d’Algérie, a démontré que dans la situation internationale présente la convergence entre mouvements révolutionnaires et entre peuples ayant un ennemi commun n’était pas automatique.
Loin d’éclairer la nature de la résistance algérienne et le sens révolutionnaire de la revendication de l’indépendance, les partis de gauche français ont prétexté des insuffisances du FLN et l’existence de la minorité européenne pour masquer leur refus de soutenir inconditionnellement la lutte du peuple algérien. Le vote des pouvoirs spéciaux qui constitue un moment de l’intensification de la guerre contre l’Algérie, témoigne de leur tendance à subordonner la lutte du Mouvement de Libération Nationale Algérien aux jeux politiques français.
En présence de l’hostilité de la SFIO et l’absence de soutien pratique et idéologique des autres courants de gauche des réseaux de soutien en liaison avec le FLN se sont constitués en France. Ces réseaux dont la formation a succédé aux manifestations des rappelés attestent des possibilités de résistance du peuple français à la guerre d’Algérie.
Dans ses rapports avec les mouvements anticolonialistes en France, le Parti ne doit pas laisser place au ressentiment. Les nécessités de la lutte anti-impérialiste, la recherche d’alliés conséquents doivent primer sur toute autre considération.
Pour des motifs d’ordre diplomatique, l’attitude des pays socialistes à l’égard de la révolution algérienne ne s’est pas toujours exprimée clairement. La naissance du GPRA voit les pays socialistes d’Asie s’engager dans la voie d’un appui inconditionnel à l’Algérie. Les pays socialistes d’Europe les suivirent plus tard bien que sur le plan humanitaire leur aide ait été constante. Sous prétexte de ne pas mécontenter l’Occident, la direction de la Révolution n’a pas mis les pays socialistes devant leurs responsabilités car sa politique reposait sur des illusions à l’Ouest.
La politique de bascule qui consistait à menacer l’Occident d’une alliance avec les pays socialistes favorisait le développement des tendances conciliaires et servait d’alibi à l’égard des masses.
La révolution algérienne, par sa pression sur l’impérialisme français a permis l’accélération du rythme des événements en Afrique. L’accession de nouveaux Etats à l’indépendance a permis à l’Algérie de jouer aux côtés de la RAU, du Maroc, du Mali et de la Guinée un rôle appréciable et d’apporter sa contribution à l’édification d’une Afrique nouvelle orientée vers le progrès.
Pendant toute la guerre et surtout jusqu ‘en 1958, les pays occidentaux se sont rangés aux côtés de la France et ont participé dans le cadre de L’OTAN à son effort de guerre. Surestimant leurs rivalités, la direction de la Révolution n’a pas pris conscience du caractère secondaire de leurs oppositions face à la montée de la Révolution algérienne.
La Révolution et sa direction
Le Front de Libération Nationale s’est développé en tant qu’organisation politico-militaire front unique de tous les éléments luttant pour l’indépendance nationale. Jusqu’en 1956, la direction du mouvement qui n’était pas basée sur des conceptions politiques homogènes a été exercée par les initiateurs du mouvement. Les contacts épistolaires et les liaisons par l’intermédiaire d’émissaires manifestent plus l’existence d’une unité d’intention que d’une unité d’action.
Le congrès de la Soummam en août 1956 dote le FLN. ALN de structures, d’une plate-forme et d’une direction : le Comité d’exécution et de coordination et d’une instance suprême : le CNRA.
Le congrès de la Soummam se tient en l’absence des représentants de l’Aurès, de l’ouest algérien et des porte-parole du FLN à l’extérieur du pays.
La plate-forme affirmait la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur : elle développait l’idéologie nationale sans référence aux forces sociales qui déterminaient le caractère de la Révolution et prônait la théorie erronée de l’insurrection générale. La nature sociale de la direction est cependant tranchée car on assiste au retour sur la scène de dirigeants qui ne croient pas à l’efficacité de la lutte armée et qui vont être chargés de la diriger.
Malgré ses insuffisances, le congrès de la Soummam constitue la première tentative d’une conception cohérente de la Révolution mais les aspects positifs qu’il recelait en lui restent sans suite car le CCE quitte l’Algérie à la suite de la bataille d’Alger.
La sortie du CCE à l’extérieur va porter à leur paroxysme les déficiences originelles du FLN. Le CCE apparaît comme un ensemble de courants porté par la lutte des masses et des groupes armés plus que comme une direction.
Les wilayas, dans le cadre de leurs limites territoriales développent chacune une politique autonome en continuant à se réclamer d’une autorité unique qui s’avère dans la pratique plus symbolique que réelle.
L’installation à l’extérieur de la direction élargie et remaniée périodiquement pour permettre l’intégration par cooptation des éléments qui la remettaient en cause entraîne la formation d’un appareil pléthorique. Avec la création du G.P.R.A., cet appareil va croître en importance et en pouvoir indépendamment de la lutte armée et des problèmes politico-militaires qu’elle posait.
Un embryon de bureaucratie politique et militaire dont les membres proviennent de diverses couches sociales se constitue et accusent tous les traits acquis dans les conditions particulières de la lutte clandestine et de la guerre : conscience de sa fonction dirigeante, de ses privilèges hiérarchiques, d’une autorité fondée sur l’obéissance aveugle des exécutants.
Certains cadres issus de cette bureaucratie constituaient de véritables féodalités souvent en relation avec les unités dont ils avaient assuré le commandement et se rapprochaient lentement des conceptions politiques et sociales des éléments bourgeois ou à idéologie bourgeoise qui avaient accédé à la direction du FLN à partir de 1956 : alors que leur lutte était commune avec celle du peuple, leurs perspectives lui devenaient étrangères.
La structure de la direction favorisait politiquement les éléments sensibles à la pression et aux manœuvres de l’ennemi. Les formes d’organisation cantonnaient les militants et les combattants dans un rôle de secteurs, les excluaient de la participation à l’élaboration de la ligne politique.
La marge de manœuvre de la Direction était due au cloisonnement entre les forces composant la Révolution, à l’exclusivité des contacts avec la direction des wilayas à l’intérieur, à la dispersion des unités aux frontières.
Mais peu à peu, une prise de conscience se dessine et apparaît à travers deux manifestations capitales : la réunion des chefs de wilaya à l’intérieur en octobre 1958 qui reposent le problème de la direction et de son orientation, celle des dirigeants politico-militaires à l’extérieur en 1959 qui aboutit à la création d’une direction unique pour les forces de l’ALN stationnées aux frontières.
L’apparition d’un interlocuteur face au GPRA va permettre de poser de nouveau tous les problèmes de la Révolution et de dépasser le cadre initial de l’opposition de l’état-major à la politique du GPRA.
Le débat que les efforts dispersés de nombreux militants n’ont pas réussi à imposer va s’ouvrir à la veille du cessez-le-feu et déboucher sur une crise qui verra venir à la surface un courant contre-révolutionnaire.
C’est ce courant qui en refusant tour à tour la convocation d’un CNRA, la rédaction d’un programme politique, la désignation d’une direction prendra la responsabilité d’engager la course au pouvoir pour faire obstacle à l’avance de la Révolution utilisant pour atteindre ses fins le manque d’information de la résistance intérieure et son isolement ainsi que l’appareil bureaucratique forgé au cours de la guerre.
La crise du FLN ouverte en 1957 a abouti progressivement à une dégénérescence des organismes dirigeants. Le refus d’aborder le problème du contenu social de l’Algérie indépendante à influé directement sur les Accords d’Evian négociés et conclu dans la précipitation. La fuite en avant n’a pas permis pour autant l’escamotage des problèmes fondamentaux : elle a seulement rendu la crise plus violente et plus dramatique. L’adoption à l’unanimité du programme de Tripoli n’est pas un critère de démarcation entre les forces révolutionnaires et celles qui voulaient faire des Accords d’Evian une stratégie. La pratique de la direction consistait à retarder le moment où seraient pris les engagements irréversibles touchant la nature de la société après l’indépendance. Entre temps, l’opportunisme et le refus de se définir clairement s’imposaient.
L’accession de l’Algérie à l’indépendance a coïncide avec une crise interne violente. Le sabotage de l’administration et de l’économie du pays par l’OAS, l’absence d’un instrument en mesure de gérer le pays, la transformation des unités de l’ALN sous l’afflux des résistants de la dernière heure, les manœuvres politiques de l’Exécutif provisoire, le jeu des forces obscures sont autant de facteurs qui ont interféré sur la crise interne du FLN et ont porté la confusion à son paroxysme. C’est dans u tel contexte que le Bureau Politique du FLN désigné au CNRA de Tripoli émerge comme le noyau du nouveau pouvoir prend en main la direction du pays, désigne les représentants à l’Assemblée Nationale et fait procéder aux élections.
Les conditions dans lesquelles s’est déroulée la crise n’ont pas permis une décantation claire entre les forces révolutionnaires et les forces obscures.
Travailler sans relâche au rétablissement de l’Unité entre les combattants et les militants, rassembler les partisans du socialisme qui n’ont pas su se déterminer clairement est une tâche impérieuse du Parti et de ses dirigeants.
La Révolution a souffert dans son évolution de l’absence d’une direction révolutionnaire et d’un programme reflétant les intérêts des masses les plus opprimées.
Sur le plan de la direction, elle a abouti à l’émergence progressive des éléments les moins liés aux problèmes du pays, aux questions de conduite de la guerre.
L’évolution du FLN ALN a été conditionnée sur le plan structurel par les forces qui étaient militairement organisées.
La crise entre la direction et l’ALN éclate à partir du moment où celle-ci s’est organisée en force homogène s’est organisée en force homogène.
En remettant en cause la direction, elle remettait objectivement lesquelles elle comptait s’appuyer.
Elle aboutissait ainsi au besoin d’une définition plus claire des forces qui devaient déterminer le caractère de la Révolution et de l’idéologie qui devait animer leur lutte.
Fondement idéologique
De la Révolution Algérienne
Les caractéristiques
De la société algérienne
1-
La compréhension de l’état présent de notre pays, des luttes qui s’y déroulent, des contradictions à surmonter, implique une juste appréciation de ses caractéristiques.
L’Algérie est un pays arabo-musulman. Cependant cette définition exclut toute référence à des critères ethniques et s’oppose à toute sous-estimation de l’apport antérieur à la pénétration arabe. La division du monde arabe en unités géographiques ou économiques individualisées n’a pu reléguer à l’arrière-plan les facteurs d’unité forgés par l’histoire, la culture islamique et u ne langue commune.
Profondément croyantes, les masses algériennes ont lutté vigoureusement pour débarrasser l’Islam de toutes les excroissances et superstitions qui l’ont étouffé ou altéré. Elles ont toujours réagi contre les charlatans qui voulaient en faire une doctrine de la résignation et l’ont associé à leur volonté de mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme.
La révolution algérienne se doit de redonner à l’Islam son vrai visage, visage de progrès.
L’essence arabo-musulmane de la nation algérienne a constitué un rempart solide contre sa destruction par le colonialisme. La suppression brutale des institutions, l’appropriation directe des terres, des moyens d’échanges et de l’appareil étatique par une minorité étrangère implantée à la faveur de la conquête n’ont pas empêché le peuple algérien de reconstruire une vie sociale nouvelle. Elle a seulement donné un cachet spécifique aux problèmes agraire et culturel et aux questions de l’encadrement administratif et technique.
2 –
La lutte pour le triomphe des principes démocratiques a pénétré les masses, impulsé leur action et déterminé leur comportement et leurs perspectives. A travers la résistance armée à l’impérialisme français, elles ont pris conscience de leur force et de leur capacité de résoudre elles-mêmes.
3 –
L’Algérie sort à peine de l’emprise coloniale. La pais de compromis conclue à Evian aboutirait à un blocage de la révolution si les dispositions de ces accords ne sont pas réaménagées dans le sens de l’intérêt national.
Les accords d’Evian constituent le mole à partir duquel s’est exprimée la renaissance de la nation et de l’Etat algérien.
Cependant, la présence de l’armée française et plus encore la nature de nos relations financières et économiques avec la France limitent notre souveraineté et donnent un poids particulier aux phénomènes négatifs et aux agissements des couches exploiteuses nationales.
Les tâches de caractère national fixées par le Programme de Tripoli demeurent. L’impérialisme constitue encore l’ennemi principal de notre pays. Le parti doit réagir énergiquement contre la tendance de ceux qui veulent assoupir insensiblement notre volonté quotidienne, endormir la vigilance populaire et aggraver les liens de dépendance du pays. La lutte pour la consolidation de l’indépendance et la lutte pour le triomphe de l’option socialiste sont indissolublement liées. Les séparer c’est favoriser la croissance et la pression des forces hostiles au socialisme et diluer le rôle dirigeant des masses laborieuses ouvrières et paysanne dans des blocs sans principes.
4 –
L’Algérie est caractérisée par l’inégalité de développement entre les différentes régions. Cette situation héritée du passé confère une portée réelle aux phénomènes régionalistes, aux survivances féodales et à d’autres forces d’inertie. L’égalité des droits entre tous les Algériens serait un principe sans contenu si elle faisait fi développement de la base matérielle. Seule l’augmentation des richesses générales du pays et le développement des forces productives à l’intérieur des régions retardataires permettront de supprimer les obstacles à leur intégration nationale et établiront l’harmonie nécessaire à une évolution normale du pays.
5 –
La résistance nationale au colonialisme et à l’impérialisme a trouvé son appui essentiellement, dans les montagnes. Or les avantages de l’indépendance se sont d’abord manifestés dans les villes et les plaines. Il y a là une contradiction. S’attacher à la solution de cette contradiction c’est travailler à unir la paysannerie pauvre aux ouvriers des viles et des campagnes et réaliser une des conditions les plus impérieuses de la victoire du socialisme. L’accomplissement de cette tâche est d’autant plus vitale que les milieux les plus ouverts à l’idée d’une révolution sociale (ouvriers, intellectuels, etc…) furent parfois moins lucides sur les questions de la lutte nationale que d’autres couches plus traditionalistes. Le risque que connaît le pays est que des idéologues au service des couches exploiteuses se réclament de leur lucidité relative sur des questions nationalistes pour empêcher toute approche scientifique de problèmes qui sont aujourd’hui de nature révolutionnaire.
6 –
Le colonialisme a développé parmi les Algériens des habitudes de consommations sans commune mesure avec les possibilités réelles du pays. Ces habitudes aggravées par la guerre, constituent un facteur de corruption extraordinaire. Le Parti ne peut accepter, sans se couper des masses, la disparité des revenus actuellement existante. Il doit combattre avec vigueur les conceptions parasitaires nées dans les conditions d’une exploitation forcée des masses laborieuses. Le succès de cette lutte est lié à l’élimination des couches privilégiées du devant de la scène et à l’exercice des responsabilités politiques et de gestion par les masses laborieuses elles-mêmes. C’est là le moyen le plus juste et le plus efficace pour éviter de tomber dans le piège d’un pseudo-égalitarisme.
7 – Structure et tendance de la société algérienne
Dans notre pays, la structure sociale fut déterminée par le caractère qu’elle a acquis sous la domination impérialiste. Ce fait a énormément atrophié le développement des couches nationales privilégiées, tandis qu’il favorisait la prolétarisation et la paupérisation de l’immense majorité de la population.
8 –
Au bout de 130 ans de colonisation de peuplement, l’Algérie possédait à peine quelques industriels d’une certaine importance et quelques cadres supérieurs et intellectuels. Des noyaux bourgeois plus importants étaient formés par les gros commerçants et surtout par les moyens et riches propriétaires terriens. Au total, les couches bourgeoises proprement dites excédaient pas les 5°.000, soit moins de 1/40 de la population active.
9 –
La petite bourgeoisie, source potentielle d’éléments à l’idéologie antisocialiste, bourgeoise, occupait une place beaucoup plus importante dans l’agriculture, dans le petit commerce, dans l’artisanat, dans les emplois techniques et intellectuels subalternes, de bureau etc… Au total, le 1/8ème environ de la population active.
10 –
Toutefois, pour déterminer la force effective de ces couches bourgeoises et petites bourgeoises dans la dynamique de la lutte sociale, il convient de tenir compte non seulement de leur poids économique mais également de leur influence idéologique, culturelle et politique, dans un milieu paysan et ouvrier très défavorisé à cet égard.
11 –
Depuis l’indépendance, une nouvelle couche sociale en formation accélérée risque d’intervenir du côté de la poussée instinctive anti-socialiste de la bourgeoisie bureaucratique qui se forme dans les appareils de l’administration, de l’Etat et de l’économie, grâce au sentiment de puissance que lui accorde l’exercice du pouvoir.
12 –
Cette force, par sa position dans la machine de l’Etat et de l’économie peut s’avérer considérablement plus dangereuse pour l’évolution socialiste et démocratique de la Révolution que n’importe quelle autre force sociale actuelle du pays. Cela est dû au fait que l’Etat algérien a maintenu les structures administratives établies par le colonialisme, alors qu’il était appelé par le développement historique de la Révolution à assumer un rôle économique auquel les structures administratives ne convenaient pas. En effet, les structures établies par le colonialisme avaient pour but d’encadrer une économie libérale dans laquelle la fonction économique était laissée aux propriétaires des moyens de production, aux entrepreneurs et aux intellectuels de professions libérales.
13 –
C’est parce qu’elle a été amenée à assumer un rôle économique dans le cadre de structures administratives coloniales que la bureaucratie administrative et économique peut s’avérer considérablement plus dangereuse pour l’évolution socialiste et démocratique de la révolution que n’importe quelle autre force sociale actuelle dans le pays. C’est à travers elle que peut se transmettre aussi bien l’influence de l’impérialisme que celle des couches bourgeoises nationales visant à contrecarrer la politique socialiste et à la faire dévier, la saboter.
14 – La révolution socialiste
La dynamique globale de la lutte sociale telle qu’elle s’est manifestée au lendemain de la libération agit en faveur d’une ouverture socialiste de la Révolution. La majorité écrasante de la population paysanne et ouvrière vivant dans des conditions de paupérisation extrême pouvoir vers la transformation radicale de la société adopte en ce sens. Ces mesures, d’autre part, ont été accélérées par le fait de la disparition brusque de la véritable classe possédante du pays représentée par la population européenne.
15 –
C’est dans l’interaction de ces conditions objectives qu’il faut chercher l’origine du décret sur l’annulation des transactions qui a exprimé la décision du pouvoir de donner un coup d’arrêt à la croissance des forces hostiles au socialisme, en les empêchant d’accaparer le patrimoine national récupéré grâce aux sacrifices des paysans et ouvriers au cours de la guerre de libération nationale.
16 –
C’est également dans cette interaction des conditions objectives qu’il faut chercher l’origine du mouvement des « comités de gestion « constituant une continuité de la Révolution à travers les mesures des autorités politico-militaires d’après-guerre. Le mouvement encouragé, institutionnalisé par le pouvoir, a abouti à l’actuel système de l’autogestion, caractéristique principale en Algérie de l’ouverture vers le socialisme.
17 -
L’autogestion exprime la volonté des couches laborieuses du pays d’émerger sur la scène politico-économique et de se constituer en force dirigeante. Sur le plan économique, l’autogestion a posé la nécessité de l’extension de la réforme agraire et des nationalisations, tant dans l’agriculture que dans l’industrie et de la réorganisation du commerce extérieur et intérieur ainsi que celle du système bancaire. Sur le plan politique, elle pose les rapports réciproques de l’Etat, du parti, des syndicats et des masses dans une optique nouvelle qui implique le développement constant du caractère démocratique de toutes ces institutions dans leurs relations avec les masses. La démocratie socialiste indispensable doit se manifester et se concrétiser par l’existence à la base de véritables organismes démocratiques de gestions de l’économie, de véritables organismes populaires d’administration démocratiques des communes, de véritables syndicats démocratiques et d’une administration efficace contrôlée par les masses.
18 –
C’est dans l’autogestion que s’est manifesté et se manifestera le développement interrompu de la révolution nationale populaire en révolution socialiste, posant tous les problèmes économiques et politiques résultant de la transition en cours du colonialisme à l’émergence d’un état ouvrant la voie au socialisme. Dans ce processus, le rôle des travailleurs urbains à côté des travailleurs agricoles du secteur autogéré va devenir de plus en plus décisif, car les assises sociales du pouvoir révolutionnaire ne peuvent être que les masses laborieuses alliées aux paysans pauvres du secteur traditionnel et aux éléments intellectuels révolutionnaires.
19 –
La nature du pouvoir révolutionnaire est d’être le défenseur des intérêts des couches laborieuses qui constituent ses assises sociales, c’est pourquoi il ne peut manquer de se heurter aux couches privilégiées qui comprennent d’une part tous ceux qui , à quelque degré que ce soit, détiennent la propriété des moyens de production, et d’autre part, la bourgeoisie bureaucratique.
20 –
Vis-à-vis de ces couches privilégiées le pouvoir révolutionnaire doit adopter une politique fondée sur une distinction entre la propriété privée exploiteuse et la propriété privée non exploiteuse.
21 –
Le pouvoir révolutionnaire ne peut se permettre aucune pause dans la lutte contre la propriété privée exploiteuse, tant à la campagne que dans la ville. La sous-estimation de la base sociale des éléments capitalistes qui trouvent des alliés à l’extérieur du pays constitue un écueil pour l’affirmation d’une politique révolutionnaire. Les masses laborieuses à la ville comme à la campagne sont à même de vaincre les difficultés nées de la résistance et du sabotage des forces antisocialistes. Le devoir du parti et du pouvoir révolutionnaire est de leur montrer le danger de ces forces et de les mobiliser contre elles.
22 –
Envers les couches petites-bourgeoises du secteur tertiaire et la paysannerie moyenne, la politique du pouvoir révolutionnaire doit être celle de la neutralisation par la prise de toute une série de mesures qui, tout en contenant le développement bourgeois potentiel de ces couches, ne portent pas, dans l’immédiat, atteinte à leur situation et ne la dégradent pas. Au contraire, le devoir du parti sera d’expliquer à ces couches que la politique du pouvoir révolutionnaire tend à faire cesser leur exploitation par le gros capital commercial, bancaire et industriel, apportant des améliorations notables à leur situation.
23 –
La transformation socialiste des campagnes pose des problèmes particuliers, Elle doit être liée à la consolidation et au dynamisme du secteur socialiste agricole, à l’adhésion volontaire des petits propriétaires à la gestion socialiste. La petite propriété privée non-exploiteuse doit être respectée.
24 –
La lutte pour le triomphe du socialisme ne se déroule pas d’une manière harmonieuse. Seule l’action consciente des forces sociales dirigeantes, la propagation des idées socialistes peuvent permettre de surmonter les contradictions économiques, sociales et politiques qui découlent du bas niveau des forces productives, de l’arriération de la conscience sociale des travailleurs, des déformations bureaucratiques de l’appareil d’Etat, de la faiblesse de l’implantation des syndicats et du parti. Ces données objectives nécessitent une lutte constante pour le resserrement des liens avec les masses laborieuses et le déracinement des mentalités rétrogrades forgées dans les conditions de l’exploitation de l’homme par l’homme. Le parasitisme, la recherche du profit illicite et des avantages, doivent être dénoncés et combattus, leurs conséquences exposées franchement aux masses.
25 –
La nécessité de créer une pensée politique et sociale puisée dans nos valeurs propres nourrie de principes scientifiques et prémunis contre les attitudes d’esprit erronées nous fait saisir l’importance d’une conception nouvelle de la culture.
26 –
La culture algérienne sera nationale, révolutionnaire et scientifique.
1) Son rôle de culture nationale consistera, en premier lieu à rendre à la langue arabe, expression même des valeurs culturelles de notre pays, sa dignité et son efficacité en tant que langue de civilisation. Pour cela, elle s’appliquera à reconstituer, à revaloriser et à faire connaître le patrimoine national et son double humanisme classique et moderne afin de les réintroduire dans la vie intellectuelle et d’éducation de la sensibilité populaire. Elle combatte ainsi le cosmopolitisme culturel et l’imprégnation occidentale qui ont contribué à inculquer à beaucoup d’Algériens le mépris de leur langue, de leurs valeurs nationales.
2) En tant que culture révolutionnaire elle contribuera à l’œuvre d’émancipation du peuple qui consiste à liquider les séquelles du féodalisme, les mythes antisociaux et les habitudes d’esprit rétrogrades et conformistes. Elle ne sera ni une culture de caste fermée au progrès ni un luxe de l’esprit. Populaire et militante elle éclairera la lutte des masses dans le combat politique et social sous toutes ses formes. Par sa conception de culture active au service de la société, elle aidera au développement de la conscience révolutionnaire en reflétant sans cesse les peuple, ses réalités et ses conquêtes nouvelles, ainsi que toutes les formes de ses traditions artistiques.
3) Culture scientifique dans ses moyens et sa portée, la culture algérienne devra se définir en fonction de son caractère rationnel, de son équipement technique, de l’esprit de recherche qui l’anime et de sa diffusion méthodique et généralisée à tous les échelons de la société.
27 –
De là découle la nécessité de renoncer aux conceptions routinières qui pourraient entraver l’effort créateur et paralyser l’enseignement en aggravant l’obscurantisme hérité de la domination coloniale. Cette nécessité s’impose, d’autant plus que la langue a subi un tel retard comme instrument de culture scientifique moderne qu’il faudra la promouvoir, dans son rôle futur, par des moyens rigoureusement concrets et perfectionnés.
Pour le développement
d’une pensée socialiste
28 –
Loin de dépendre seulement des professions de fois socialiste, le socialisme résulte avant tout de l’affermissement irréversible de structures sociales, économiques et politiques socialistes, c’est-à-dire excluant toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme. Car par-dessus tout, les hommes sont ce qu’ils sont et non ce qu’ils disent être.
29 –
Mais le socialisme ainsi inscrit dans la réalité objective doit avoir à la fois comme indice et comme catalyseur une conscience socialiste claire, largement répandue et sans cesse radicalisée. C’est une erreur mortelle que de sous-estimer le rôle du facteur politique dans la marche au socialisme.
30 –
Par conséquent, pour assurer la socialisation et pour l’approfondir, il faut veiller à ce que l’élaboration et la diffusion de nos idées socialistes soient développées sous toutes les formes possibles.
31 –
Il faut, avant tout, imprégner la vie nationale des idées forces qui constituent les piliers de notre option socialiste et qui tournent autour des luttes anti-impérialistes anticapitalistes et anti-bureaucratiques. Par des campagnes incessantes, par des mots d’ordre appropriés il faut remplir concrètement le paysage politique algérien de slogans qui marquent les étapes de notre révolution en faisant assimiler au peuple les acquis et en l’aidant à prendre conscience des dangers et des obstacles à vaincre.
32 –
Il faut ensuite qu’au niveau de toute l’activité intellectuelle du pays (lettres, arts, etc…) le contenu du socialisme soit popularisé de façon à modeler définitivement notre mentalité. A cet égard, il convient d’insister tout particulièrement sur l’importance de l’enseignement à tous les niveaux comme instrument de formation idéologique, ce qui implique notamment une refonte révolutionnaire des programmes légués par le colonialisme et le capitalisme. Il faut encore, par un vaste réseau d’uni visités populaires par exemplaire, un effort systématique d’éducation socialiste des travailleurs soit entrepris et poursuivi à travers tout le pays.
33 –
Il faut qu’au niveau de l’encadrement politique du pays, une importance primordiale soit attachée à l’étude approfondie et institutionnalisée des problèmes du socialisme et son application en Algérie comme arme devant permettre aux militants de mener à bien la lutte révolutionnaire à travers laquelle émergera notre société socialiste.
Pour une politique
Extérieure indépendante
1 –
Deux données dominent les relations internationales : le progrès des forces socialistes et démocratiques symbolisées par l’accentuation des luttes anti-impérialistes, l’accession de nouveaux Etats à l’indépendance, le développement économique des pays socialistes et le renforcement de la lutte des mouvements démocratiques, d’une part, la réduction constante de la sphère d’influence impérialiste d’autre part.
2 –
Mai cette constatation ne doit pas nous faire sou-estimer la complexité des problèmes économiques et les ressources d’adaptation et retarder les échéances. L’arriération économique et culturelle, le décalage existant entre les possibilités révolutionnaires des pays nouvellement indépendants et la conscience politique ont permis le maintien sous des formes nouvelles de l’hégémonie des pays impérialistes. La lutte pour le dégagement structurel vis-à-vis de l’impérialisme est une condition absolue de la consolidation de l’indépendance nationale et de l’émancipation réelle des pays opprimés.
3 –
Les progrès des forces anti-impérialistes à l’échelle mondiale poussent l’impérialisme à rechercher des solutions de force pour stabiliser son hégémonie. Là est l’origine de la course aux armements et de la fabrication d’armes atomiques de destruction massive dont l’existence fait courir à l’humanité les plus graves dangers. La lutte pour l’élimination de la menace atomique, l’arrêt définitif des expériences, y compris celles qui sont souterraines donnerait tout son sens au Traité de Moscou. La sauvegarde la paix et la désarmement, nécessaires à l’élargissement de la collaboration entre les peuples créerait des conditions favorables au règlement des questions litigieuses.
Dans les pays encore dépendants, le recours à la lutte armée peut s’avérer décisif pour l’accession de ces pays à la souveraineté nationale. Pour tout mouvement révolutionnaire, l’appui à cette lutte est sacré et ne saurait faire l’objet d’aucun marchandage. La lutte révolutionnaire des peuples est l’une des garanties les plus efficaces et les plus sûres contre la tentation de l’impérialisme de se livrer à un holocauste nucléaire.
5 –
L’extension de la lutte anti-impérialiste nourrit le dynamisme des forces politiques et sociales qui, allant dans le même sens, œuvrent pour la réalisation de l’unité au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique.
Les aspirations à l’unité se situent dans une perspective historique juste. Elles traduisent le besoin de libération des masses, leur désir de mettre le maximum de forces en mouvement pour briser tous les obstacles à leur promotion. Pour faire avancer le mouvement vers l’unité, il ne suffit plus aujourd’hui de se référer seulement à des facteurs subjectifs.
L’unité entre des pays distincts est une œuvre gigantesque qui doit se poser dans le cadre d’options idéologiques, politiques et économiques communes correspondant aux intérêts des masses populaires.
Au Maghreb, dans le monde arabe, comme en Afrique les manœuvres de division de l’impérialisme, les intérêts et les particularismes constituent les principaux freins à la réalisation de l’unité qu’elles réduisent souvent à un slogan démagogique.
La tâche principale de notre parti est d’aider au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique à une appréciation juste des exigences formidables de la réalisation de l’unité. Ce travail doit se faire à l’échelon des mouvements d’avant-garde et des organisations de masses pour que soient situés d’une manière concrète les obstacles à vaincre.
Au niveau des Etats, le développement des échanges, la mise en œuvre de projets économiques communs, une politique étrangère concertée, une solidarité totale dans la lutte contre l’impérialisme sont des objectifs qui allant dans le sens des intérêts des peuples, aideront à avancer d’un pas sûr dans la voie de l’unité.
C’est dans cette perspective que la conférence d’Addis-Abeba et la conférence au sommet des Etats arabes s’avéreront positives pour la libération des peuples africains comme pour la libération du peuple de Palestine.
6 –
Le décalage entre pays sous-développés et pays industrialisés constitue un obstacle sérieux à l’affermissement de pais. La formation de blocs économiques, loin de faciliter la collaboration entre les nations sur un pied d’égalité, mène à l’hégémonie des grandes puissances sur les petits pays. Le parti doit lutter fermement contre toute tentative d’imposer à notre pays l’aggravation des rapports entre les prix à l’exportation et les prix à l’importation. Il doit s’opposer énergiquement aux manifestations égoïstes dans les rapports entre nations et combattre les tendances à se servir de l’aide économique comme d’un instrument pour atteindre des objectifs politiques.
7 –
La coexistence entre Etats aux systèmes économiques et sociaux différents est souhaitable. Le respect de l’indépendance, de la souveraineté, de l’égalité en droits, de l’intégrité territoriale et de la non-immixtion dans les affaires intérieures des autres pays est un facteur de progrès et d’intensification des échanges à tous les niveaux entre les peuples.
8 –
Le développement du socialisme en Algérie est lié aux luttes des autres peuples dans le monde. Aussi, la diplomatie de l’Etat doit-elle s’inspirer des principes de politique extérieure définis par le parti.
DEUXIEME PARTIE
Problèmes de la transition
et tâches d’édification
Du capitalisme
au socialisme
1 –
Le capitalisme industriel, dans sa phase primitive, se définit comme l’organisation de la société dans laquelle une clase est détentrice des moyens de production et dispose à son profit de la plus-value, fruit de l’exploitation des travailleurs.
2 –
Cette structure de classes, dans laquelle une minorité est propriétaire et l’immense majorité dépossédée, crée un monde où tous les rapports sont des rapports de marché. L’expression la plus parfaite de cet état de fait est l’institution du salariat. Le travailleur vend sa force de travail comme il le ferait d’un quelconque produit, et devient une marchandise soumisse aux lois de l’offre et de la demande. L’homme est ainsi dépossédé de sa substance et devient l’objet passif de l’économie.
3 –
Le capitalisme est miné par un certain nombre de contradictions. Le marché laissé à l’anarchie individuelle, soumis à la loi de la recherche du profit maximum, est rapidement désaxé. La surproduction qui résulte de l’impossibilité pour le travailleur de consommer l’ensemble de ce qu’il produit, étant donné son pouvoir d’achat, entraîne crises économiques, chômage, guerres impérialistes.
4 –
Le capitalisme moderne doit cependant être analysé à partir de catégories nouvelles. Il est impensable qu’une réalité historique soit soumise éternellement à une même analyse. A l’analyse. A l’anarchie du début s’est substitué une apparence illusoire de rationalité. Tant que les groupes concernés ne mettent pas en question un système économique et social celui-ci se suivit, inventant des solutions plus ou moins efficaces ses problèmes. Le capitalisme n’est pas condamné mort parce que ses rouages sont appelés à se bloquer un jour. Sa fin ne peut venir que de l’initiative et du combat des exploités. On ne doit pas croire que les contradictions sont des impossibilités absolues.
5 –
La tendance profonde du capitalisme mondial contemporain le conduits, à travers une concentration de plus en plus grande des forces productives, à ne plus faire de la propriété privée l’unique et fondamentale contradiction économique. Le capitalisme libéral a vécu et laisse la place à un capitalisme où l’Etat est de plus en plus partie prenante.
6 –
Les crises de surproduction classiques correspondent à une phase passée du capitalisme, non à sa phase actuelle; de même que la tendance à l’accroissement de la paupérisation et à l’extension du chômage. Le capitalisme moderne est un capitalisme d’expansion qui voit dans qui voit dans l’élévation de la consommation de masse (conçue non selon le modèle harmonieux des besoins humains mais selon le modèle de l’intérêt capitaliste) une condition de sa survie.
7 –
Cependant la société capitaliste reste une société déchirée qui fonctionne contre l’immense majorité des travailleurs qui la composent. Si la contradiction entre exploiteurs et exploités prend une forme nouvelle, elle n'en persiste pas moins, et avec elle persiste I'inégalité et I'irrationalité de la production.
8 –
La société capitalisée moderne surajoute à l’expropriation des travailleurs une structure bureaucratique qui appelle de nouvelles approches théoriques. Bâtie Selon une pyramide hiérarchisée elle laisse se développer entre le sommet (exploiteurs purs) et la base (exploités purs) toute une série d’intermédiaires nécessaires à sa marche.
9 –
Cette séparation entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent, entre ceux qui organisent de l’extérieur les plans économiques et ceux qui sont chargés de les réaliser, entraîne une prolifération parasitaire en même temps qu’une immense gabegie.
10 –
L'inhumanité a changé d’aspect. Elle était dans la période de l’accumulation primitive – exploitation physique, réduction du prolétaire à un état animal. Elle est – aujourd’hui – plus subtile enveloppée dans l’apparence d’un certain confort matériel. La société est bâtie sur le modèle d’une « machine » aux rouages infinis. Le travailleur est un fragment anonyme de l’appareil productif. Il est un exécutant à qui échappe la signification de son activité parce qu’il n’a pas accès à une vision totale de la société et qu’il est exclu de l’organisation de la gestion.
11-
Poser le problème du capitalisme en termes purement économiques et ne pas voir la contradiction entre dirigeants et exécutants, c’est se condamner à faire du socialisme une recette de l’accumulation primitive et à perdre ainsi sa signification humaine. Le socialisme n’est pas seulement une certaine organisation de la production c’est la récupération de la société par les individus qui la composent et leur libre épanouissement.
Le socialisme ne se définit pas uniquement par la nationalisation de moyens de production. II se définit aussi et surtout par I'autogestion, solution véritable à la double contradiction de la propriété privée et de la séparation maîtrise-exécution.
12 -
Au capitalisme primitif correspondait la nécessité de l'expansion coloniale ouverte. Celle-ci se caractérisait par le besoin de sources de manière premières par la recherche de nouveaux marchés et par 1'élargissement do la masse travailleuse à exploiter, afin d'entraîner une diminution du prix de la force de travail.
13 -
Au capitalisme moderne correspond le néo-colonialisme. La décolonisation a perturbé le capitalisme mais elle ne l'a pas condamné. Le développement des techniques rend moins nécessaire le contrôle des sources de matières premières. La lutte des peuples opprimés augmenta la difficulté et le coût du maintien de la domination directe. L'exploitation coloniale - d'autre part - on maintenant un état endémique de pauvreté faisait de la colonie un marché vite saturé.
An contraire le néo-colonialisme, on créant une apparence d'indépendance et un essor limité mais réel de 1'économie au profit des classes exploiteuses du pays dépendant élargit le marché. Il permet par le jeu de contrôler 1'économie des pays dépendants afin qu’elle soit complémentaire et non concurrentielle.
14 -
Une nouvelle contradiction surgit à 1'échelle mondiale, qui accroît la complexité des contradictions entre exploiteurs et exploités. C'est la contradiction qui surgit de I'accroissement de plus on plus grand des richesses à un pôle du monde, tandis que les 2/3 de la planète sont en état de sous-développement. Ce décalage entre les sociétés industrielles et les sociétés on voie de développement appelle une nouvelle formulation de la revendication révolutionnaire de l’égalité. II s'agit de poser le principe de la « récupération des richesses », perdues par le fait du brigandage et do développer le mot d'ordre « à travail égal, bien-être égal dans le monde ».
15 -
Le capitalisme on Algérie a revêtu deux formes. Une qui a correspondu à la phase coloniale et qui a vu I'accaparement des moyens de production et d'échange par 1'étranger, ainsi que I'organisation d'une véritable économie qui sous une apparence de complexité était fondamentalement une économie de comptoirs. Une autre qui correspond à la phase actuelle.
16 –
Le capitalisme national algérien se situe essentiellement dans deux secteurs de 1'économie :
- les grandes propriétés agricoles privées.
- les grandes entreprises commerciales.
La possibilité d'action politique de ce capitalisme national assez limité s'il est réduit à sa seule force et si est évitée sa conjonction avec des forces antisocialistes étrangères, résultat inévitable en cas d'affaiblissement de la dynamique socialiste.
17 –
A côté de ce capitalisme algérien, il y a une présence beaucoup plus menaçante, celle du capitalisme étranger. Celui-ci pose certains problème car l'indispensable rupture avec lui ne peut être résolue d'une manière linéaire et doit tenir compte des possibilités compatibles avec une politique socialiste. Ce qui est nécessaire, en premier lieu, c'est de neutraliser toutes ses tentatives de captation de la vie politique nationale, et de penser avec clarté la relation que I'Etat peut avoir avec les capitaux étrangers investis, en fonction de son objectif fondamental.
La période de transition
18 -
La période de transition est celle où I'organisation politique de la société prépare au socialisme à partir de l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme, de 1'établissement des bases matérielles et sociales pour un développement rapide des forces productives et d'une libération de l'activité créatrice des travailleurs. Aucun de ces aspects ne peut être privilégié aux dépens des autres car il s'agit d'un tout indissoluble.
19 -
La suppression de l'exploitation économique et l'abolition du rapport colonial et néo-colonial, I'expropriation du capital étranger dominant, la révolution agraire, la socialisation des moyens de production, qui permet d'en finir avec l'anarchie économique et rend possible une planification efficace et harmonieuse en fonction des intérêts réels de la communauté.
20 –
Ces conditions générales impliquent la construction d'un Etat populaire qui exprime la volonté des masses de construire le socialisme et qui organise la défense des conquêtes révolutionnaires en même temps qu’il anime une politique dynamique dans les relations avec les autres pays et les autres peuples.
21 -
Un tel Etat a pour tâche première de préserver les expériences socialistes en cours, de les aider à triompher des difficultés inévitables, d'intervenir dans le secteur privé pour en hâter la socialisation, de pallier I'absence de gestion directs quand celle-ci n'est pas encore possible, sans jamais perdre de vue que ce rôle gestionnaire - exceptionnel – qu’il est amené à assurer n'est qu’une étape provisoire qui prépare I'organisation autogestionnaire.
22 –
Ces conditions préalables préparent l’industrialisation maos ne résolvent pas, à elles seules, le problème. Il y a dans les pays à structure essentiellement agraire, une exigence des paysans à structure essentiellement agraire, une exigence des paysans à voir leur sort amélioré par rapport à l’ancien état de choses. Cette exigence qui se traduit par un accroissement de la consommation entraîne donc une diminution du surproduit social. Une contradiction apparaît dont la solution doit être abordée en toute clarté.
23 -
Pallier la diminution du surproduit social par la recherche d'une aide étrangère sans principe, compromet jusqu’à I'indépendance nationale elle-même. Organiser la société selon la contrainte pour obtenir de façon autoritaire un abaissement du niveau de vie c'est ouvrir la voie à une bureaucratisation qui est la négation même du socialisme.
24 –
On ne saurait confondre sans entraîner de graves crises, le taux optimum et le taux maximum de I'accumulation. Un taux optimum (qui doit être le but recherché) ne peut résulter de la contrainte subie par les travailleurs. Celle-ci entraînerait une dépolitisation, une tendance à déserter villages, villes, usines, un esprit d'irresponsabilité sociale généralisée.
25 –
Même sur le seul plan économique la recherche forcée du taux maximum n'est pas payante et se transforme en son contraire. En effet le taux de production n’est pas indépendant du niveau de consommation et le travailleur sous-alimenté n'est pas un travailleur efficient. Plus, la résistance ouverte ou larvée des travailleurs oblige à développer un appareil coercitif et une administration parasitaire qui accroissent la consommation improductive.
26 -
Un des causes qui limite I'accumulation est dans le sous-emploi qui fait qu'une importante traction de la population consomme sans produire. L'entrée de cette « armée de réserve » dans le cycle de la production économique augmentera certes le niveau de consommation, mais dans une mesure moindre que l'augmentation de la production. Le résultat, sera donc un accroissement de l'accumulation qui peut être très important.
27 -
L'ouverture des grands chantiers, la mise au travail des chômeurs du village n'est cependant pas une panacée à l’industrialisation mais un moyen économique de donner l'impulsion initiale. La solidarité, basée sur les intérêts réciproques entre nations à niveaux de développements différents mode a perspectives communes ne saurait être - non plus négligée.
28 –
On ne peut séparer le problème de la construction des structures économique du socialisme du problème des cadres techniques nécessaires. Ceux-ci sont en nombre insuffisant dans des pays que l’asservissement étranger a fait stagner. Aussi doivent-ils être préservés soigneusement en même temps qu’est promue une politique de formation intellectuelle et professionnelle accélérée.
29 –
Ce problème des cadres ne peut être isolé du contexte mondial et de l’attrait que peut exercer sur certains d’entre eux les situations qui leur sont offertes à l’extérieur ou dans le secteur privé. Certes, l’inégalité de la rémunération en faveur des cadres pose un problème non seulement par rapport à une politique d’austérité mais aussi par rapport au principe de l’égalité. Mais il faut savoir tenir compte de certaines réalités qui sont transitoires, certes, mais contraignantes.
30 –
Par contre, ce qui doit être évité c’est que le privilège technique se transforme en privilège politique et que les cadres, organisés en couche particulière organisent la société selon un modèle technocratique. Là aussi, la solution réside surtout dans l’application de l’autogestion.
31 –
Le principe essentiel de la période de transition est que les mêmes moyens ne peuvent être mis indifféremment au service de n’importe quelle fin. Il y a un rapport intrinsèque entre les instruments qu’on utilise et le résultat qu’on obtient. On ne peut développer une société nouvelle à partir de méthodes et de structures qui font partie du développement capitaliste. Or le principe de la scission de la société en sphères dirigeantes qui encadrent et les masses qui exécutent est le principe même de la société capitaliste.
32 –
Les questions de la société nouvelle sont celles-ci : « Qui contrôle et sanctionne l’obligation de travailler ? Qui établit les normes ? Qui gère la production ? ». Si les réponses organisent une séparation entre la catégorie sociale chargée de gérer le travail des autres et les producteurs, le socialisme est compromis. Seule la collectivité organisée des travailleurs peut assumer une telle tâche. Seule elle peut établir des plans qui soient autre chose que des schémas artificiels réalisables seulement sur le papier, seule, elle peut, à un problème collectif, donner une solution collective. C’est le sens de l’autogestion.
33 –
Le programme de transition est l’étape nécessaire de la réalisation des conditions matérielles et humaines du socialisme. La pénurie économique justifie la répartition selon le travail. Elle ne saurait justifier la persistance de l’exploitation sous quelque forme que ce soit.
34 –
Durant cette période il n’est nullement possible de créer immédiatement une situation générale meilleure que celle dont le pays a hérité. Il est illusoire de croire à l’abondance par enchantement. Mais la vraie difficulté n’est pas là. Elle est dans la justice et l’égalité.
35 -
Dans une telle période le problème de la rémunération et des avantages sociaux consentis aux couches dirigeantes et aux appareils de l’Etat est très important. Il serait illégitime que soit instaurée une caste privilégiée tant par les satisfactions de prestige que par le statut financier. D’autre part, les dépenses somptuaires non seulement aggraveraient les difficultés de l’accumulation mais créeraient une base à un mécontentement et à une contestation explicable.
36 –
La connaissance des perspectives du socialisme est nécessaire non seulement pour une vision globale du mouvement et une justification de l’effort mais encore parce qu’elle sert de pierre de touche dans le présent pour déceler ce qui va dans le sens du progrès et ce qui, au contraire, est dégénérescence. Chacune des caractéristiques de la société future doit être préparée dans les combats présents.
37 –
L’autogestion est le principe même de cette société. En elle se noue la fin de l’exploitation, la compréhension par chaque travailleur de son activité car la fonction économique et la fonction politique deviennent inséparables ; l’intéressement direct du producteur à sa production, c’est-à-dire le contraire même du salariat. En elle se réalise le début du règne de la liberté.
Les tâches économiques
de l’édification socialiste
1 –
L’examen des problèmes soulevés conduit à penser que l’ensemble doit être étudié à la lumière des trois thèses suivantes :
a) Unité de la politique et de l’instrument de socialisation ;
b) Nécessité d’améliorer l’utilisation des possibilités existantes et d’élargir en même temps le potentiel productif du pays ;
c) Choix des modes de financement du développement et de l’entretien compatible avec l’option socialiste.
En conséquence, les points traités à la suite de ces trois thèses fondamentales seront examinés dans les perspectives définies par les principes généraux ainsi énoncés.
2 –
La situation actuelle de l’Algérie est caractérisée par l’existence dans le domaine industriel et commercial d’un secteur de production socialiste et d’un secteur de production de type capitaliste.
Dans le domaine agricole, elle est caractérisée par l’existence d’un secteur moderne autogéré, d’une minorité de gros et moyens possédants et d’une grande masse de petits fellahs.
En dehors du déséquilibre existant entre le secteur socialiste et la paysannerie pauvre, il existe un autre déséquilibre entre le secteur socialiste et le secteur capitaliste du fait que ce dernier dispose de tous les éléments nécessaires à son bon fonctionnement (système bancaire, transports, approvisionnement, commercialisation, cadres, etc…) alors que le secteur socialiste réduit le plus souvent aux simples unités de production, est obligé de faire appel au secteur capitaliste pour assurer sa survie.
Cette contradiction est renforcée par le fait que le secteur capitaliste trouve parfois des appuis auprès de certains fonctionnaires chargés officiellement d’apporter leur aide au secteur socialiste.
Pour remédier à cette situation il est indispensable de donner au plutôt au secteur socialiste les moyens qui lui font défaut pour se développer harmonieusement.
Cela signifie qu’il faut doter entre autres le secteur socialiste de son propre système bancaire et de ses organismes d’approvisionnement et de commercialisation. La création de tels organismes n’est pas en elle-même suffisante. Il faut que soient institués aux côtés des directions techniques des conseils d’administration composés de représentants politiquement qualifiés des entreprises en autogestion.
L’ensemble de ces mesures devrait permettre de faire du secteur socialiste le véritable moteur de la vie politique et économique du pays et d’amoindrir progressivement le rôle et l’influence du secteur privé.
Dans une seconde étape il doit devenir possible au secteur socialiste de prendre totalement en main les principaux leviers de la vie les plus brefs délais. Alors seulement ce que nous avons appelé unité de la politique et de l’instrument de socialisation ne s’appliquera plus au seul secteur socialiste en butte aux attaques d’un secteur capitaliste, mais à la totalité de la vie économique et politique du pays.
Nécessité d’améliorer l’utilisation
Des possibilités existantes en même temps
qu’on élargit le potentiel productif du pays
3 –
Partout le développement économique dépend davantage de la formation d’hommes qualifiés que de l’accumulation de richesses matérielles. En Algérie, cette loi se trouve renforcée par le fait que le pays a hérité d’une masse de richesses matérielles adaptées aux besoins et aux possibilités du groupe social privilégie que représentait la minorité européenne.
Il s’agit de mettre le peuple algérien en mesure d’entretenir et d’utiliser pleinement ce potentiel en fonction de besoins actuels du pays. Faute de parvenir à ce but, tout effort d’équipement pourrait être partiellement ou totalement neutralisé par un déséquipement qui résulterait soit de la destruction ou de la non-utilisation des possibilités existantes, soit de l’utilisation partielle des installations nouvelles.
La lutte contre toutes les formes de gaspillage, pour l’augmentation de la productivité à partir des moyens existants et donc pour l’investissement intellectuel sous toutes ses formes, représente une des tâches fondamentales du parti et de l’Etat ; il s’agit en effet, d’un des plus sûrs moyens d’assurer un développement rapide.
4 – Choix des modes de financement du développement et de l’entretien
compatibles avec l’option socialiste
L’option socialiste de développement implique que l’ensemble des investissements doit être, aussi rapidement que possible, financé par des ressources internes, c’est-à-dire par un prélèvement sur le revenu national. Ce prélèvement ne pourra assurer un rythme de développement suffisant que si le travail fourni par chaque Algérien dépasse largement sa consommation.
L’aide étrangère doit être considérée comme un palliatif, un simple appoint venant s’ajouter à l’effort national. Une acceptation aveugle de celle-ci compromettrait l’indépendance économique et politique du pays. Ceci sans parler des effets monétaires qui tendent à annihiler partiellement l’effort d’équipement que développement les circuits engendrés par l’aide étrangère.
5 – Agriculture et réforme agraires
La mise en autogestion des terres de colonisation a permis de fêter les bases de la construction d’un pays socialiste et de relancer la production agricole au lendemain de l’indépendance, mais n’a pas permis de résoudre le problème des terres détenues par les grands propriétaires algériens.
LES TACHES ECONOMIQUES
La réforme agraire, pour tenir compte de ses aspects politiques, économiques et sociaux est une opération dynamique, qui doit être généralisable dans le cadre de la modification profonde des rapports entre l’homme et le sol et des structures sociales.
A ce titre, il s’agit davantage d’une révolution agraire à réaliser par la conjonction des moyens matériels et humains, notamment par la mobilisation des masses.
La réforme agraire se doit de tenir compte de l’aspiration des fellahs à la propriété des terres dont ils ont été trop longtemps frustrés. Cependant, un simple redistribution apparaîtrait comme une entreprise antiéconomique, si elle n’était complétée par des mesures débouchant sur un dépassement de cette forme d’appropriation. Dans un premier stade l’organisation d’un système coopératif semble le meilleur moyen de déposer cette forme d’appropriation et de permettre un renforcement de la productivité générale; d’autant qu’une tradition communautaire séculaire favorise une telle évolution.
Ce système coopératif doit être ouvert à tous les petits paysans qui y trouveront les moyens de jouer un rôle de plus en plus important dans la vie et le développement économique du pays. Il s’agit en effet d’intégrer progressivement cette masse extrêmement importante que constitue la petite paysannerie à l’ensemble des activités nationales.
Il est évident que l’amélioration des conditions d’existence des masses rurales est tout à la fois l’objectif essentiel et une condition importante du développement économique et social du pays.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que ce système coopératif représente, en tout état de cause, une forme d’organisation plus rudimentaire par rapport à l’organisation socialiste qu’est l’autogestion. Le but visé doit être la transformation progressive de ces coopératives en organismes d’autogestion. Pendant la période de coexistence des deux systèmes, le parti et le gouvernement doivent veiller à ce que le passage à l’autogestion qui exclut la contrainte, soit pour le paysan une promotion.
6 – L’industrialisation
Les structures industrielles léguées en Algérie par la colonisation sont très peu développées. Il s’agit essentiellement d’ateliers, de petites industries alimentaires et quelques complexes de moyenne importance (verreries d’Afrique du Nord, Acilor, etc…) voués, pour leur approvisionnement, au bon vouloir du marché français. Contrairement à ce qui s’est produit dans le secteur agricole, seule une petite partie de cette faible implantation industrielle a été placée en autogestion. Cette situation d’infériorité, jointe aux moyens d’action dont dispose un capital étranger particulièrement intéressé par l’industrie, rend le secteur autogéré particulièrement vulnérable. Ce secteur a en effet à se défendre contre des forces beaucoup plus puissantes que celles qui s’opposent au développement du secteur autogéré agricole.
Il apparaît donc que la défense, la consolidation et le développement du secteur autogéré industriel suivant les thèses développées aux paragraphes 2 et 3 du présent chapitre, doivent occuper au premier chef le parti et le gouvernement.
Or, le développement du secteur industriel autogéré suppose non seulement l’orientation et la transformation progressive du secteur industriel privé mais la création par l’Etat d’entreprises industrielles nouvelles.
Il faut donc définir les critères qui doivent inspirer l’action du planificateur dans le choix des entreprises industrielles nouvelles qui sont à créer.
Il s’agit essentiellement de :
- Créer autant d’emplois nouveaux que la rentabilité générale des entreprises le permet ;
- Alimenter la consommation intérieure, ce qui signifie diminuer les importations de biens de consommation et éventuellement augmenter les exportations de ces mêmes biens. Ceci doit avoir également pour conséquence d’offrir à la production agricole des débouchés nouveaux et donc une base de développement ;
- Mettre en place les complexes susceptibles de jeter les bases de l’implantation d’une industrie lourde en Algérie. Cependant la réalisation de tels complexes commande la recherche d’un marché suffisamment vaste pour que la rentabilité soit assurée. Une telle implantation doit donc être envisagée non dans le simple contexte algérien mais dans un contexte géographique plus vaste dans lequel l’Algérie aurait la possibilité de s’intégrer sans renoncer pour autant à ses perspectives socialistes.
Ce problème de la rentabilité doit également occuper l’esprit du planificateur lorsqu’il envisage de créer des entreprises destinées à alimenter le marché national : la réalisation d’unités de production trop étroites et donc destinées à traîner un insurmontable handicap est à proscrire.
Il reste maintenant à envisager deux formes particulières de création d’entreprises : les sociétés d’économie mixte et les sociétés nationales.
Une société d’économie mixte doit être analysée en fonction des intérêts réels qui se trouvent associés en son sein.
Si l’Etat représente les intérêts d’une bourgeoisie nationale, la société d’économie mixte servira de point d’articulation entre les intérêts de cette bourgeoisie et les intérêts impérialistes. Si par contre, l’Etat représente les intérêts réels du peuple dont il a la charge, l’association avec les groupes privés étranger ne se fasse qu’à l’occasion d’investissements dépassant dans tous les cas les possibilités de l’accumulation nationale.
Il faudra tout d’abord que la zone d’activité de la société d’économie mixte se situe en un secteur non vital pour l’ensemble de l’économie nationale, c’est-à-dire en un secteur qui ne se situe pas au point de départ d’activités essentielles.
De leur côté, les sociétés nationales, s’il s’avère utile d’en créer, doivent obéir aux lois et aux principes de la société socialiste et non aux lois du marché capitaliste. La constitution de sociétés anonymes des pays capitalistes pourrait ouvrir la voie à l’extension du capital privé à l’intérieur de ces sociétés. Seuls des établissements publics dotés de l’autonomie de gestion peuvent offrir toutes les garanties nécessaires.
7 – Distribution et commercialisation
Les réseaux de distribution et de commercialisation indispensable à la commercialisation et au développement du secteur socialiste restent à créer en Algérie, l’expérience des Magasins Pilote Socialistes n’ayant eu d’autre but que le lutter contre la spéculation.
Ainsi que nous l’avons expliqué à la thèse 2 du présent chapitre, la mise en place de ces réseaux doit être effectuée dans les p lus brefs délais ; afin de rendre plus efficace la lutte à poursuivre contre la spéculation et afin de donner au secteur socialiste tous les moyens nécessaires à son approvisionnement et à l’écoulement de ses produits.
Dans un premier temps, la mise en place de coopératives de commercialisation et de consommation peut constituer un moyen efficace de pallier les insuffisances du système administratif. Mais on ne doit pas perdre de vue que les coopératives, de même que les sociétés d’économie mixte, les sociétés nationales ou le capitalisme d’Etat lui-même est dominé par les forces socialistes ou par les forces de la réaction.
En fait, les formules techniques d’organisation ne peuvent jamais être considérées comme des solutions portant en elles-mêmes l’idéal socialiste. Il peut s’agir soit d’une étape, soit d’un moyen de bloquer l’évolution vers le socialisme ; tout dépend de la pensée politique qui préside à l’adoption de ces formules.
Il est même des cas où des solutions, qui peuvent apparaître techniquement satisfaisantes, ne peuvent jouer en fait qu’un rôle négatif, ainsi en va-t-il pour le commerce extérieur.
La prise en main de ce secteur essentiel par l’Etat socialiste doit intervenir aussi rapidement que possible.
Si la nationalisation du commerce extérieur doit être effectuée par étapes, une des premières étapes doit consister en la prise en main de cette forme d’activité par le secteur socialiste pour les produits qu’il exporte ou qu’il a besoin d’importer. Mais la réorganisation et la diversification des échanges constituent un but immédiat.
A partir de là, la nationalisation totale du commerce extérieur apparaîtra comme la résultante du renforcement et du développement du secteur socialiste.
8 – Le système Bancaire
Les banques privées, qui furent un des principaux moyens d’action de l’économie coloniale, subsistent encore dans leur quasi-totalité dans l’Algérie indépendante. Ces banques contrôlent encore, directement ou indirectement, la totalité de l’économie du pays et exercent des pressions menaçantes sur l’ensemble du secteur socialiste.
L’absorption par le secteur socialiste de l’ensemble des établissements de dépôts et de crédit et donc la mise à sa disposition de l’épargne nationale doit représenter un des buts fondamentaux de l’action du parti et du gouvernement.
En attendant que ce but soit atteint, il est indispensable de créer au plutôt des établissements susceptibles d’assurer aux entreprises du secteur socialiste, tant agricoles qu’industrielles, les facilités financières qui leur sont nécessaires sans que la mise à leur disposition de ces facilités représente des chargés de trésorerie insupportables.
9 – Développement de l’infrastructure
L’infrastructure recoupe le dualisme de l’économie et le déséquilibre régional. L’action du parti et du gouvernement doit tendre, par la multiplication des voies de pénétration en direction des régions déshéritées, à aider à les sortir de leur isolement et à assurer de ce fait leur participation à toutes les transformations en cours. Elle doit également dans des délais assez rapides aboutir à la nationalisation des moyens de transport.
10 – Développement du tourisme
Le développement de l’infrastructure conditionne, par ailleurs, le développement du tourisme. L’Algérie possède de grandes potentialités et une grande variété en matière touristique qu’il convient d’exploiter pour les besoins du tourisme interne et de celui en provenance de l’extérieur.
Il convient de souligner l’importance du tourisme en tant que secteur économique productif de par ses effets sur la balance des paiements et sur le problème de l’emploi.
D’autre part, le développement de l’artisanat national, source de revenus au profit des régions rurales et de relèvement possible de la technique de production, reste conditionné par le développement du tourisme.
11 – Nationalisation des richesses minérales et énergétiques
C’est là un but à long terme. Dans les conditions actuelles, l’utilisation prioritaire pour les besoins du pays des ressources minérales et énergétiques déterminera dans une large mesure son développement. C’est dans ce secteur principalement que l’exploitation en économie mixte avec participation majoritaire de l’Etat peut permettre la formation de cadres techniques et la création de conditions favorables à une prise en charge future.
12 – La planification
Le développement économique du pays est tributaire de la planification. Celle-ci est appelée à combler le retard accumulé. Mais elle n’est pas une panacée. Mal conçu, non fondée
sur des bases structurelles et économiques réelles, elle aggrave le retard par rapport au pays industrialisé.
La planification implique trois sortes de conditions qui sont inséparables : les conditions techniques, les conditions économiques et les conditions politiques.
- Sur le plan technique, la planification est liée à la connaissance exacte de l’état du pays, des nécessités régionales, des besoins prioritaires et à la vérification permanente du fonctionnement du Plan pou qu’en soient corrigés les défauts. L’exactitude de l’information est un problème fondamental car les bureaux ont une tendance à l’autosatisfaction et à la croyance qu e l’élaboration théorique équivaut à la réalisation concrète. Cette circulation de l’information ne peut se faire sans la participation directe des travailleurs intéressés au plan.
- Sur le plan économique, la planification exige la mobilisation et la centralisation du surplus économique, c’est-à-dire de ce qui dans la valeur de la production dépasse ce qui est nécessaire à la consommation des travailleurs. Cette mobilisation et cette centralisation peuvent prendre deux formes complémentaires : entre les mains de l’Etat pour les entreprises qui relèvent directement de sa gestion d’une part ? Entre les mains du secteur autogéré et des coopératives de production d’autre part.
Elle exige un contrôle de la fiscalité et une politique d’austérité afin que soient limitées les dépenses en consommation de certaines couches sociales déterminées, influencées par des habitudes de vie étrangère.
Elle exige une utilisation des surplus de façon que les travailleurs voient très rapidement les effets de la planification faute de quoi celle-ci restera un but extérieur qui n’appellera pas leur effort.
Sur le plan politique, la planification implique :
- L’indépendance réelle faute de quoi la détermination des priorités reste abstraite ? l’économie du pays restant tributaire des planifications étrangères ;
- Une politique socialiste, qui fasse du plan quelque chose dans l’intérêt général et non dans l’intérêt de groupes sociaux limités.
- Une politique démocratique. Il n’y a pas de Plan possible sans la participation consciente et le concours actif des travailleurs. Ceci est d’autant plus vrai dans les pays sous-développés où les moyens étant réduits, chaque effort de la population est d’une importance décisive. Cette participation doit se faire non seulement pour la défense de la planification contre ses adversaires, non seulement pour le contrôle de l’exécution, mais aussi et surtout pour l’élaboration du plan. C’est pourquoi, on ne peut séparer les organismes de planification et les organismes d’autogestion.
Le contrôle par en haut des élaborations lointaines, l’absence d’intéressement des travailleurs sont la condamnation à mort de la planification socialiste et l’acte de naissance de la prolifération bureaucratique.
Cependant, il n’est pas nécessaire d’attendre l’élaboration d’un plan parfait. Il est possible en partant de données actuellement connues de fixer des buts chiffrés aux différents secteurs de l’économie en attendant de réaliser les conditions d’une planification à long terme.
Dans ce cadre, le parti, les syndicats, les conseils communaux de l’autogestion, les coopératives de production peuvent jouer un rôle décisif.
La réalisation Des aspirations
Des masses populaires
1 – L’amélioration du niveau de vie et la formation professionnelle
Comme le fait bien ressortir la formule « de chacun selon ses capacités à chacun selon son travail » les problèmes de l’emploi et du niveau de vie occupent une place centrale dans l’organisation de la société socialiste.
Le socialisme implique :
Que chacun contribue par son travail au développement du pays et a l’édification d’une société plus humaine. Il implique également que le travail soit la seule source de revenus et que ces revenus tendent le plus rapidement possible à se rapprocher de façon à réaliser progressivement l’égalité sans laquelle le socialisme perd son sens.
Le plein emploi est donc à la fois une nécessité sociale et un facteur de développement économique. Il doit être envisagé sous l’angle de la production et de l’épanouissement des hommes.
Sources de gaspillage des forces productives autant que de misère sociale, le chômage est à combattre avec la plus grande énergie.
Cette tâche ne peut être menée à bien par le seul moyen de la réforme agraire ou de grands projets industriels. Pour faire face à la fois au chômage considérable légué par la colonisation et la guerre qu’aggrave une forte démographie, seule est efficace la méthode qui dans le cadre général de la planification, s’appuie sur l’initiative créatrice des masses. Convenablement mobilisé dans une lutte contre la nature, le peuple trouvera lui-même le moyen de multiplier les travaux utiles.
Cela suppose :
- Une décentralisation qui permet le développement de l’initiative populaire au niveau communal.
- Une aide suffisante du parti et de l’Etat aux organisations politiques et économiques de bases dans leur lutte pour la réalisation du plein emploi.
Sur ces bases peut se déployer une campagne permanente d’investissement travail sous diverses formes :
- Travaux de sauvegarde des multiples éléments du patrimoine national qui dépérissent faute d’entretien.
- Petites industries rurales se développant à partir de l’agriculture et de l’artisanat local.
Il est nécessaire que soient mis en œuvre les moyens propres à arrêter un mouvement d’émigration qui constitue une anomalie singulière pour un pays engagé dans la voie de la révolution et qui par conséquent à besoin d’utiliser sa main-d’œuvre qualifiée, facteur essentiel du développement économique.
Pour ouvrir aux possibilités d’emploi, de développement et de promotion humaine, de larges perspectives, il est indispensable de faire de la formation professionnelle, une des pierres angulaires de notre politique socialiste.
Il faut d’abord rompre totalement avec la conception classique de la formation professionnelle qui faisait de celle-ci une solution réservée à ceux qui se voyaient interdire l’enseignement général réservé aux privilégiés. Il n’y a de solutions sérieuses que dans la généralisation réelle d’un enseignement de base, au moins primaire, auquel viendrait faire suite la formation professionnelle proprement dite. Celle-ci aurait alors lieu dans toutes les branches d’activité et se ferait sous la forme d’une éducation permanente effectuée dans le métier ou dans les instituts spécialisés et les universités du travail. Ainsi, le citoyen commencerait très tôt une activité productive, et pourrait se perfectionner continuellement.
Le plein-emploi et l’investissement intellectuel qui visent à l’épanouissement d’une société de travailleurs libres et conscients n’atteindront leur but que si dans la répartition du produit de ce travail on s’achemine vers une égalité réelle.
Dans la pratique, c’est l’écrasement progressif de l’échelle des salaires qui concrétisera notre option socialiste.
Mais les inégalités étant au départ trop criardes, il faut ajouter à cela une législation sociale protégeant l’ouvrier et le paysan pauvre dans tous les domaines.
Dans l’immédiat, il faut unifier les régions de sécurité sociale et étendre cette protection au secteur agricole autogéré et coopératif ainsi qu’aux petits paysans, petit commerçant et artisans. Il faut appliquer aux travailleurs et aux fonctionnaires le même régime d’allocations familiales unique pour l’ensemble des salaires qu’ils soient ouvriers ou fonctionnaires.
2 – La santé publique
Les structures sanitaires héritées du colonialisme ont été conçues en fonction des besoins de la classe dominante, c’est-à-dire principalement du colonisateur. L’implantation du corps médical correspondait à celle de la minorité dominante, ce qui créait un déséquilibre entre les villes et les campagnes d’une part, entre les régions côtières et l’intérieur du pays d’autre part. Le départ du personnel européen a encore aggravé ce déséquilibre.
Dans le cadre d’une planification sanitaire, il convient :
- De centraliser tous les services de santé existants afin d’assumer le nécessaire gratuité des soins que doit précéder une réforme de la sécurité sociale.
- D’élargir aux représentants du personnel hospitalier, médical et paramédical les commissions administratives et de les associer ainsi à la gestion des hôpitaux.
- D’éliminer les barrières qui existent entre l’assistance médico-sociale et les hôpitaux, ce qui permettra l’installation de structures hospitalières.
- D’arrêter l’afflux des consultants et des malades vers les centres hospitaliers urbains :
. En portant l’action sanitaire à domicile.
. En insérant l’unité sanitaire dans le douar même.
. En multipliant les équipes sanitaires mobiles.
. En développant l’infrastructure dans le monde rural.
L’instauration d’un carnet sanitaire obligatoire permettrait de suivre et de contrôler le malade.
La prévention de la maladie doit conduire à organiser de vastes campagnes de prophylaxie, exigeant ainsi la mobilisation de tout le personnel disponible (médecins, étudiants, techniciens sanitaires). Les programmes d’enseignement doivent être orientés en fonction de cette nécessité.
L’application du service civil médical est une étape préliminaire à la nationalisation totale de la médecine. Elle devra s’accompagner d’un travail d’explication pour amener les médecins à souscrire à cette exigence d’intérêt national.
Corrélativement, la nationalisation du commerce pharmaceutique s’impose. Cette nationalisation débutera par la suppression des organismes parasitaires pour aboutir à l’installation des agences pharmaceutiques d’Etat.
L’ensemble de ce programme impose une formation intensive des cadres. Si la formation classique doit tendre à algérianiser rapidement la médecine et à donner au pays les milliers de médecins, les enseignants et le personnel paramédical et gestionnaire dont il a besoin, un cycle de formation accélérée pour les différentes disciplines médicales sera organisé. Tout en veillant au maintien du niveau supérieur des études, on pourra ainsi par un système de stages de perfectionnement, améliorer le niveau de cycle accéléré et permettre au plus doués d’accéder à l’enseignement supérieur.
3 – L’enseignement et la lutte contre l’analphabétisme
Pour assurer la promotion sociale et culturelle du peuple et pour donner au pays les cadres dont il a besoin dans tous les domaines, la liquidation de l’analphabétisme et le développement de l’enseignement constituent des impératifs absolus.
Les établissements scolaires à tous les degrés doivent être ouverts à tous les citoyens et en premier lieu aux enfants des travailleurs des campagnes et des villes. La scolarisation totale est un objectif immédiat.
Sans scolarisation massive, sans la formation de cadres moyens et supérieurs suffisants, il sera difficile de prendre rapidement en main les rouages de l’économies nationale.
Les étudiants qui accéderaient à l’enseignement primaire est une réalisation de l’indépendance. L’arabisation de l’enseignement demeure cependant une œuvre de très longue haleine et une tâche des plus délicates car elle requiert des moyens culturels modernes et ne peut s’accomplir dans la précipitation.
L’extension des méthodes d’éducation de masses et la mobilisation de toutes les énergies pour lutter contre l’analphabétisme permettra a tous les Algériens d’apprendre à lire et à écrire dans les délais les plus rapides.
La lutte contre l’ignorance intéresse tout le pas. Elle exige la participation de larges masses populaires. Le parti est l’animateur de cette action qui sera « le premier devoir national » Du nord au sud, de l’est à l’ouest chaque maison chaque quartier chaque douar ou mechta chaque village chaque ferme chaque usine chaque chantier sera un lieu de travail où l’on apprend collectivement ou individuellement pendant toute l’année. L’alphabétisation se fera sur place. Tous les moyens devront être utilisés pour garantir le succès de cette vaste entreprise.
4 – L’habitat la reconstruction
Une politique de l’habitat est soumise à trois impératifs essentiels ;
a) La nécessité que les travaux demandent à la population soient directement productifs, non seulement par la distribution des salaires qu’ils entraient, mais aussi par la création de biens et services collectifs.
b) L’impossibilité de fournir à assez brève échéance des logements acceptables à tous les ménages, car une telle initiative épuiserait les ressources nationales.
c) La nécessité de ne pas sacrifier l’avenir au présent et d’insérer les travaux d’urgence dans un plan de telle manière que l’expansion urbaine soit canalisée, organisée, prévue et non anarchique.
La construction est une tâche ardue. Les efforts doivent être portés sur l’établissement d’un plan économique utilisant toutes les potentialités y compris les initiatives individuelles et collectives de construction de logements, mais veillant à éviter les implantations anarchiques, parasitaires, faciliter l’accession à la propriété pour les besoins personnels et familiaux de logements notamment par la formule de la location-vente.
5 – Le reclassement des anciens Moudjahidine
Le problème des anciens moudjahidine constitue un des problèmes les plus s »rieux et les plus difficiles à résoudre dans des délais rapides.
Les conditions qui ont caractérisé l’accession du pays à l’indépendance et les crises politiques n’ont pas permis que s’effectue harmonieusement, la reconversion.
Faute d’avoir été appliqué, les lois régissant l’assistance aux anciens moudjahidine et invalides n’ont pu avoir les effets escomptés.
Les droits de l’ancien moudjahed ne peuvent être acquis qu’à travers une politique cohérente de reconversion. Sa rééducation, son alphabétisation, sa formation professionnelle et son reclassement constituent des moyens puissants pour donner à ce problème une solution satisfaisante. Cependant, l’invalide reclassé gardera dans tous les cas sa pension.
L’assistance médicale aux pensionnés et invalides doit être gratuite. Les emplois que lui réservent des textes de loi, en attendant la révision de la fonction publique, doivent être dégagés dans toutes les administrations.
6 – Les orphelins
La politique qui doit être menée pour régler le problème de l’enfance assistée (300.000 orphelins dont 30.000 complets) doit relever non d’intentions louables, mais de méthodes à mettre au point et à uniformiser.
Il faut planifier les moyens et coordonner tous les organismes s’occupant de l’enfance. Cette coordination se fera à travers la création d’un conseil national de l’enfance sous l’égide du parti.
7 – Les veuves de guerre
La pension ne suffit pas à répondre aux véritables besoins de la veuve de guerre.
La formation professionnelle et la promotion sociale pour la veuve sont des moyens susceptibles d’amener son insertion dans le circuit productif.
La veuve de guerre doit bénéficier de la priorité dans l’aide accordée à la campagne dans le cadre de la reconstruction en ville, dans la répartition des logements. Elle a droit à l’assistance médicale gratuite.
8 – Le rôle de la femme algérienne
Pendant des siècles la femme algérienne a été maintenue dans un état d’infériorité que tendaient à justifier des conceptions rétrogrades ou des interprétations erronées de l’Islam. Le colonialisme a aggravé cette situation de notre société en provoquant un repli sur soi qui était une réaction normale d’autodéfense. La guerre de libération a permis à la femme algérienne de s’affirmer et de prendre aux côtés de l’homme des responsabilités et une part active à la lutte.
A la veille de l’indépendance, le programme de Tripoli proclamait : « La participation de la femme algérienne à la lutte de libération a créé des conditions favorables pour briser le joug séculaire qui pesait sur elle et l’associer d’une manière pleine et entière à la gestion des affaires publiques et au développement du pays. Le parti doit supprimer tous les freins à l’évolution de la femme et à son épanouissement et appuyer l’action des organisations féminines. Il existe dans notre société une mentalité négative quant au rôle de la femme, sous des formes diverses tout contribue à répandre l’idée de son infériorité.
« Les femmes elles-mêmes sont imprégnées de cette mentalité séculaire. Le parti ne peut aller de l’avant sans soutenir une lutte permanente contre les préjugés sociaux et les conceptions rétrogrades. Dans ce domaine le parti ne peut se limiter à de simples affirmations mais doit rendre irréversible une évolution inscrite dans les faits en donnant aux femmes des responsabilités en son sein » Mais aujourd’hui encore le poids du passé risque de freiner l’évolution dans ce sens. Il faut réaffirmer ces principes essentiels qui guideront l’action du parti dans ce domaine cette action devant nécessairement être longue, étant donné le niveau actuel de la société algérienne.
L’égalité de la femme et de l’homme doit s’inscrire dans les faits. La femme algérienne doit pouvoir participer effectivement à l’action politique et à la construction du socialisme en militant dans les rangs du parti et des organisations nationales et en y assumant des responsabilités. Elle doit pouvoir mettre de même son énergie au service du pays en participant à l’activité économique, assurant ainsi par le travail, sa véritable promotion.
9 – La jeunesse
C’est un des problèmes les plus urgents et les plus importants de l’heure. L’Algérie est un pays jeune en sa jeunesse à connu le brassage, les déplacement, l’effondrement des valeurs traditionnelles, qui résultent de la guerre et de la Révolution. Une telle jeunesse bien organisée serait un véritable ferment qui, utilisé à bon escient, intégré à la construction du pays, imprégné de l’idéal socialiste, peut d’un incalculable apport. Mais livrée à elles-même elle soulèvera à des degrés imprévisibles de nombreuses difficultés.
Pour donner à cette jeunesse tous les moyens de s’épanouir et de se préparer à jouer son rôle, il est nécessaire :
- De former rapidement des cadres : responsables de colonies de vacances, directeurs de centres et de foyers, moniteurs, instructeurs responsables de brigades de travail… qui permettront de canaliser et d’orienter des énergies créatrices.
- De développer l’équipement sportif et culturel, particulièrement en milieu rural, et de multiplier l es centres de loisirs dirigés.
- D’unifier les mouvements dans un ensemble cohérent de sorte que les spécialisations n’aboutissent pas à des formations disparates et soient complémentaires dans un cadre commun.
L’importance des problèmes soulevés par la protection de l’enfance, la formation et l’encadrement des jeunes, nécessite la création sous l’égide du parti d’un Conseil national de la jeunesse avec ses prolongements dans les départements. Ces conseils auront pour rôle de coordonner les efforts, de répartir les moyens disponibles en fonction des urgences, de recenser les besoins de concevoir et de faire réaliser des programmes d’action et d’équipement.
10 – L’émigration algérienne
Les causes de l’émigration algérienne en Europe, et plus particulièrement en France, sont étroitement liées au niveau de développement de notre pays. L ‘émigration peut être atténuée ou freinée mais cessera qu’avec la disparition de ses causes principales.
L’histoire du mouvement national et de la guerre de libération a montré le rôle dynamique joué par l’émigration algérienne en Europe. Organisée, elle a de tout temps, constitué une force politique importante et a été d’un appoint non moins important dans la lutte anticolonialiste et anti-impérialiste du peuple algérien.
Il s’agit aujourd’hui pour le parti et le gouvernement d’accroître les moyens de faire jouer pleinement son rôle à l’émigration algérienne. De ce fait l’organisation, l’encadrement et la formation politique suivant notre option socialiste des Algériens en Europe sont autant d’impératifs. C’est dans la mesure où tous les Algériens en Europe vivent intensément la révolution socialiste réalisée en Algérie qu’ils peuvent demeurer en état de mobilisation constante et participer aux tâches d’édification.
C’est ainsi qu’ils peuvent mettre en échec toutes les tentatives de la contre-révolution qui voudrait faire d’eux une masse de manœuvres et un tremplin.
En matière économique et technique les Algériens émigrés peuvent également apporter beaucoup, et leur volonté de contribuer au développement économique du pays doit être encouragée. Leur épargne et leur qualification technique doivent être un facteur important d’industrialisation. Le parti doit utiliser toutes les possibilités qui lui sont offertes et trouver lui-même les moyens d’aider tous les Algériens à acquérir la formation professionnelle et technique souhaitable.
A N N E X E
La situation économique et sociale au lendemain de l’indépendance
L'Algérie subit le poids de deux séries de problèmes : ceux nés de la colonisation et ceux nés de la guerre et de l’indépendance, Ces problèmes expliquent la situation actuelle et commandent dans une large mesure I'action nécessaire qu'il conviendra de mener dans tous les domaines pour réaliser I'option socialiste. Leur concomitance constitue en même temps un facteur de complications et un élément d'accélération de l'éclatement des structures héritées de l'époque coloniale. Le véritable problème réside dès lors dans la rapidité avec laquelle les structures nouvelles seront mises sur pied en substitution des anciennes pour éviter les déséquilibres dont les risques les plus grands sont représentés par la perte de le substance économique et la mise on relief démesurée des aspects sociaux.
1- Problèmes nés de la colonisation
Le Colonialisme à, au cours de la domination sécuritaire, façonné l’économie algérienne on fonction d'une part de l’économie française et, d’autre part, de privilèges propres à la colonisation.
En raison de ce système et d'un arsenal de moyens de répression politico-économique le peuple algérien fut contenu dans un cadre de sous-développement général.
Quatre grandes caractéristiques de l'économie algérienne découlent directement de la colonisation :
Un sous-développement non résolu
Ce sous-développement se traduit par la combinaison des données suivantes: le poids de l'agriculture dans l’économie nationale, la faiblesse de l'industrialisation, le sous-emploi et la faiblesse du revenu individuel des populations surtout rurales et la diffusion restreinte des techniques modernes.
a) Le secteur agricole emploie 65 à 70 pour cent de la population active tout en ne fournissant que 40 pour cent de la production nationale et 22 pour cent du revenu national. Ceci traduit la faible productivité de ce secteur où la masse la plus importante de la population n'a pas dépassé le stade des rapports inférieurs de production de I'homme avec le sol.
b) En dépit de ses possibilités naturelles, I'Algérie est faiblement industrialisée - Avant I'indépendance, elle possédait 200 000 emplois industriels pour 11 000 000 d'habitants (soit moins de deux emplois pour 100 habitants, alors que la moyenne des pays industriels européens est d'un emploi industries pour 8 à 9 habitants).
c) La faiblesse du revenu national par habitant est la conséquence directe du sous-emploi. Le sous-emploi est permanent. Dans les campagnes, le fellah ne donne à la terre qu'une moyenne de 100 journées par an, alors qu'il pourrait en donner environ 250. Dans les villes, le taux de chômage représentait avant les bouleversements de I'indépendance 45 pour cent.
Cette situation fait apparaître le chômage comme le problème national le plus important à résoudre. De plus, le sous-emploi entraîne deux mouvements spontanés de correction: le gonflement parasitaire du secteur des services et l’émigration professionnelle notamment vers la France.
d) Le développement économique suppose l'utilisation rapide et optimum des techniques modernes. L'obstacle à la diffusion de ces techniques est constitué par la faiblesse du revenu et par l'analphabétisme.
L'analphabétisme sévissant dans les campagnes comme dans les villes, ne permet pas I'accession de la part la plus importante de la population aux professions modernes. De ce fait, cette population ne fournit pas non plus un nombre suffisant d'élèves d'enseignement supérieur, et l'Algérie manque de cadres administratifs et économiques.. Elle constitue donc une masse non préparée à la diffusion de techniques modernes.
L'utilisation des techniques modernes nécessite des biens d'équipement industriel et un niveau d'instruction suffisant.
Un dualisme économique exacerbé
C'est La conséquence structurelle la plus marquante du régime colonial qu'a connu I'Algérie. En effet, ce dualisme caractérisé par la coexistence de deux systèmes économiques: l'un évolué, l'autre retardataire sans relation entre eux, présente un triple aspect. Il est intersectoriel sectoriel et territorial.
L'industrie et l'agriculture algériennes sont isolées l'une de l'autre comme en témoignent les chiffres ci-après. L’industrie en Algérie ne consomme que 25 pour cent de la production agricole (53 pour cent dans les pays industriels européens) - Par contre la consommation de biens industriels par l'agriculture ne représentait que 8 pour cent de la valeur de la production agricole (14 pour cent dans les pays industriels européens).
Cette non-intégration s’explique par la situation actuelle de l’agriculture retardataire où les dépenses d'investissement et d'exploitation sont très faibles et où l'autoconsommation absorbe la plus grande partie de la production. Le fellah n'ayant rien à offrir, n’ayant pas d'argent pour acheter, ne peut être ni fournisseur ni client des autres secteurs de l’économie.
Le dualisme sectoriel le plus apparent se trouve dans le domaine agricole en raison de l'existence du secteur moderne, fournissant 60 pour cent du produit agricole et tourné vers une économie de marché et du secteur retardataire tourné vers une économie de subsistance.
Il s’ensuit que l'agriculture moderne située sur les terres les plus riches, est capable par l'accumulation du capital, d'investir, d'utiliser les techniques modernes, de profiter de plus values alors que l’économie retardataire, n'apporte qu'une faible contribution au revenu national et reste incapable d'investir par elle-même.
Il faut donc tenant compte de cette situation, agir de telle sorte qu’en maintenant le niveau de rentabilité du secteur moderne en attendant de l’élever assurer la promotion du secteur retardataire et viser enfin de compte à l’homogénéisation de l'agriculture.
Enfin, l’Algérie souffre d'un dualisme économique territorial caractérisé essentiellement par l'existence sur le littoral des zones économiques développées qui constituent de véritables enclaves contrastant avec Le sous-développement du reste du territoire. Ces enclaves ne trouvant pas des débouchés intérieurs suffisants, ont tendance à établir leurs liaisons avec le pays industrialisé, et on particulier avec la France. Les entrepreneurs y ont volontairement ou non, un comportement étranger.
Les zones, situées au nord, dans les conditions les plus favorables à l'implantation européenne et ouvertes vers la France, constituent des pôle d'appel et d'attraction des populations et des richesses au détriment de l'intérieur du pays.
Ces déséquilibres - mesurés en revenu moyen par habitant - ont actuellement déjà graves. On peut estimer qu'en prenant pour base 100 la moyenne du revenu algérien individuel, un habitant du département de Batna, n'aura que 30, celui du département de Tlemcen 70 celui d'Oran 200, celui d'Alger 275. soit entre Batna et Alger, une disparité de 1 à
9 - Une économie dominée
La dépendance de l'économie algérienne par rapport à l’économie française résulte du pacte colonial. L'indépendance politique n'entraîne pas ipso facto la disparition de cette domination, seule une patiente restructuration peut obtenir une indépendance économique. La dépendance économique apparaît sous diverses formes, elle est principalement une dépendance commerciale, une dépendance technique, une dépendance financière et une dépendance humaine.
C'est sans doute dans le domaine commercial que cette dépendance est la plus évidente : la France absorbait plus de 80 pour cent des exportations de I'Algérie. A l'inverse, la part la plus importante des importations algériennes provient du marché français. Ces échanges se soldaient dans le passé par un déficit important cru détriment de l'Algérie (ce qui expliquera en partie la dépendance financière).
Si la structure du commerce extérieur de I'Algérie révèle sa dépendance économique, l'analyse des conditions de ses échanges conduit à le souligner encore. Ces exportations, essentiellement constituées en biens agricoles ou en matières premières, sont directement concurrencées par celles identiques de pays méditerranéens voisins. Certaines d'entre elles le vin en particulier, ne possèdent actuellement aucun autre débouché équivalent possible en dehors du marché français.
Cette dépendance est rendue plus attrayante par le régime préférentiel dont bénéficiera l'Algérie en quantité, en valeur, autant d’obstacles à une diversification géographique rapide du commerce extérieur.
Le second aspect de la dépendance économique algérienne est souvent négligé, alors qu'il est un des plus importants. La dépendance technique résulte du fait que l’équipement actuel de l’Algérie est d'abord un équipement français, et qu'à moins de désinvestissements importants les pièces de rechange et les équipements complémentaires seront nécessairement commandés sur le marché français dans tous les secteurs où l'équipement français est prédominant.
La dépendance financière de l'Algérie, s'affirme parallèlement à sa dépendance commerciale, tant dans le que dans le domaine des finances privées et dans celui des règlements en devises étrangères domaine des finances publiques.
Si la balance commerciale connaît actuellement un certain équilibre, celui-ci n'est pas forcément durable. Tout nouveau solde négatif important appellerait nécessairement une contre-partie destinée à compenser les transferts extérieurs qu'il occasionne, ou une réduction du déficit commercial par une diminution draconienne des importations ou une augmentation des exportations.
Par ailleurs, les services, les transferts de bénéfices des exportations et des épargnes des particuliers, la recherche de la sécurité ont toujours engendré un fort mouvement de capitaux privés dans le sens Algérie-France qui aboutit à un drainage de l'épargne algérienne.
Pour faire face à un solde déficitaire des transferts privés avec la France, l'Algérie a toujours bénéficié d'un solde excédentaire de transferts publics en provenance de ce pays, ce qui est a l'origine de la dépendance financière.
Cette dépendance financière a engendré une dépendance monétaire de caractère institutionnel : la libre transférabilité des monnaies entre la France et l'Algérie actuellement contrôlée.
Les compensations privées sont légales. Les exportateurs algériens n'étaient pas tenus de rapatrier les produits de leurs exportations sur le reste de la zone franc, un règlement général des soldes étant assuré par des conventions passées entre banques centrales ou trésors. Il n'y a pas de marché monétaire en Algérie.
Les banques et les particuliers plaçaient leurs disponibilités sur le marché français où ils trouvaient les moyens de trésorerie dont ils avaient besoin. Cette dépendance et accentuée par les liens financiers étroits qui relient les établissement bancaires d’Algérie à ceux de France dont ils sont les filiale.
La dépendance algérienne, vis-à-vis de la France est enfin caractérisée par une dépendance humaine. Le manque de cadres nécessaires à l’édification d'un Etat moderne et d'une économie industrielle pose le problème de l'assistance technique étrangère.
Si cette dépendance humaine apparaît également flagrante en ce qui concerne les mouvements migratoires le marché du travail français fournissant un débouché traditionnel pour La main-d’œuvre non employée on Algérie, elle apparaît plus utile lorsque l'on examine les comportements des agents économiques publics et privés.
Même depuis l'indépendance, les administrations gardent sans doute en vertu d'une vitesse acquise - une propension à orienter leurs rapports économiques vers l’étranger et souvent vers la France alors que leur demande pourrait être satisfaite en Algérie. Cette propension sera encore plus grande en ce qui concerne le secteur privé, même national, surtout si l'on se rapporte à l 'utilisation de l'épargne.
Une économie vulnérable
La dépendance de l'économie algérienne a entraîné par voie de conséquence sa vulnérabilité. Celle-ci réside dans la structure des échanges extérieurs dans les relations financières et dans l'héritage d'une administration lourde, non adaptée et an demeurant vidée de sa substance au lendemain de l'indépendance.
La vulnérabilité économique extérieure de l’Algérie
Le commerce extérieur de l'Algérie constitue une cause de vulnérabilité essentielle de son économie parce qu'il représente une part trop importance du produit intérieur et qu'en outre il est suffisamment diversifié. Si l'on examine ses exportations elles comportent un nombre limité de produits dont les marchés sont des marchés d’acheteurs (ainsi le vin 28 pour cent des exportations-le pétrole 45 pour cent, les agrumes 14 pour cent et les minerai de fer 3,3 pour cent). La plus importante de ces produits est expédiée sur le marché français où elle reste fixée par les surprix importants dont elle bénéficie.
Les importations proviennent également pour la plus grande part du marché français sur lequel elles constituent une contre-partie nécessaire à l’écoulement des produits algériens. De sorte que 80 pour cent du commerce extérieur algérien se réalise avec la France.
Dans le passé, le déficit de la balance commerciale de l’Algérie à l’égard de la France, s’appréciait à la fois sur le plan interne et sur le plan externe.
Sur le plan externe, il se manifeste par une dépendance financière directement liée à la structure de la production et des échanges et la liberté des transferts.
En effet, en l’état actuel de sa production et de ses échanges, l’Algérie exporte très peu hors de la zone franc. Elle est donc tributaire pour l’instant du fonds commun des devises de la zone franc où elle ne puisse d’ailleurs que dans la limite du compte droit de tirage doté et réapprovisionné par la France.
Cette dépendance dans le domaine des finances extérieures est renforcée par le fait que les avoirs francs de l’Algérie sont considérés comme les francs internes non convertibles et que toutes les transactions sur les devises se font sur le marché des échanges français dont elles suivent la réglementation.
Sur le plan interne, la vulnérabilité financière de l’économie algérienne n’est pas moins grande, elle résulte d’une part :
- De l’inadaptation de la consommation aux besoins pensés due en particulier au poids des infrastructures des transferts sociaux et du train de vie de l’Etat d’autre part :
- De l’implantation de la consommation aux besoins d’investissements.
Le système administratif hérité de la période coloniale pouvait contribuer un peu à l’édification d’une économie véritablement nationale et indépendante.
D'abord, sur le plan du personnel, la presque totalité de l'administration était de nature purement coloniale. Ce n'est que poussée par la guerre d'indépendance que la France fit occuper des postes administratif à des Algériens le plus souvent on rupture de ban avec la révolution. L'appareil administratif, prolongement de l'administration française avec tout ce qu'elle a de lourd et de bureaucratique ne correspondait pas aux réalités algériennes et encore moins à la nécessaire reconversion de l'ensemble des structures socio-économiques.
De plus, cet instrument qui a été vidé de sa substance par le départ massif des fonctionnaires français a été seulement reconstitué. Il n'est pas encore pourvu de toutes les qualifications et de toute la souplesse d'intervention, nécessaires. Cependant le vide administratif qui constituait un grand danger a pu être évité.
La vulnérabilité de l’économie se présente aussi dans le découpage territorial. Le cadre départemental algérien a été longtemps caractérisé par un découpage nord-sud on trois départements, dont les limites séparatives sont perpendiculaires à la côte. Ce découpage est caractéristique de l’économie de comptoir. Il favorisait la constitution naturelle d'enclaves économiques devenant autant de zones d’attraction démographiques, phénomène d'autant plus grave et néfaste à l'Algérie que celle-ci est soumise à un climat sec et que toute dépopulation d'une zone ne se traduit pas seulement par un dépeuplement mais également par la transformation en désert du territoire abandonné.
11- Problèmes nés de la guerre et de l’indépendance
L'Algérie est un des rares pays africains ayant accédé à l'indépendance avec d'aussi profonds bouleversements dans ses structures sociales. La guerre qui a duré 7 ans et demi a provoqué surtout dans le monde rural, des destructions humaines et matérielles dont l'ampleur fait poser les problèmes plus que jamais en termes de reconstruction et de démocratie économique.
Sous l'effet de la violence inouïe de la répression menée par les forces armées colonialistes, les victimes ont atteint un nombre considérable à travers un éclatement du contexte socio-économique du peuple algérien. De sorte que tout on provoquant des flux migratoires sans précédent dans l'histoire de l'Algérie, la guerre a marqué d’une empreinte psychologique nombre d'Algériens qui posent de véritables problèmes de réadaptation. C'est cependant dans ces bouleversements et dans le prix élevé payé pour l'indépendance qu'il faut chercher l'incitation véritable à l'option socialiste. En effet, si l'insurrection du 1er novembre 1954 devait poser le problème politique de l'Algérie et viser surtout à l'indépendance, la durée de la guerre et les sacrifices considérables consentis par le peuple algérien faisaient préciser les aspirations populaires sur le plan économique et social.
Le bouleversement des populations
L'éclatement de la guerre d'indépendance a surpris totalement opinion extérieure et particulièrement l'administration coloniale. Cela explique qu'on on ait méconnu dans un premier temps le caractère national et profondément populaire et que les forces colonialistes se soient essentiellement préoccupées de la destruction des unités combattantes.
Mais à partir du moment où il apparut clairement que celles-ci étaient difficiles à atteindre du fait de leur extrême mobilité et aussi du soutien agissant des masses, les colonialistes sont passés à un moyen qu'ils pensaient être plus radical, celui qui consistait à tenter de séparer l'organisation politico-militaire de son élément naturel, le peuple.
C'est en effet du peuple que nos combattants tiraient l'essentiel de leurs moyens : le recrutement, le ravitaillement le renseignement, le refuge, les moyens financiers, la diffusion du matériel de propagande, la liaison. Autrement dit le mouvement insurrectionnel révolutionnaire enfonçait ses racines profondément parmi l'ensemble des Algériens. Donc, pour atteindre son objectif, l'armée colonialiste était amenée à porter des coups sur tout ce qui pouvait être un support de l'Armée de Libération Nationale.
C'est ainsi que les opérations militaires et policières provoquèrent des bouleversements de populations que peu de pays ont connus. Le simple énoncé de ces bouleversements suffirait à en marquer l'ampleur :
- plus d'un million de chouhada
- 300.000 combattants ayant connu le maquis
- près de 3 millions de regroupés arrachés à leurs foyers et à leurs villages pour être parqués dans des centres crées spécialement à cet effet, assimilables à de véritables camps de concentration où en plus de leur déracinement ils étaient soumis à des conditions de vie atroces.
- 400 000 détenus ou internés.
- 300 000 réfugiés principalement en Tunisie et au Maroc.
- 700 000 émigrés des campagnes vers les villes.
Cela signifie que la guerre a mis en mouvement et frappé l'ensemble du peuple algérien et que très rares sont de ce fait les familles qui n'ont pas été atteintes.
Cette constatation explique ce qui est dit plus haut : la Révolution algérienne est essentiellement populaire. Les conséquences de ces bouleversements sans précédent, celles du moins que nous pouvons d'ores et déjà tirer posent de redoutables problèmes.
Et d'abord celui des veuves, des orphelins de guerre et des invalides, c'est-à-dire des centaines de milliers de personnes auxquelles il faut assurer un minimum vital. Par ailleurs bon nombre d'anciens djounoud de détenus, de réfugiés et de regroupés posent des problèmes de réadaptation, de reclassement et de recasement urgents.
De très nombreux jeunes qui ont grandi dans la guerre et qui ont été soumis à des campagnes d'intoxication ont été besoin d'être rééduqués. De plus les études ayant été perturbés des retards peuvent être constatés aujourd'hui à tous les niveaux de notre enseignement.
Enfin le rythme accéléré d'organisation des populations crée une situation alarmante dont les incidences économiques et sociales sont extrêmement importantes. On a évalué à 731 000 le nombre de ceux qui sous la pression de la guerre ont été contraints de quitter les campagnes pour les villes entre 1954 et 1960 Le mouvement s’est encore aggravé depuis : 800000 personnes entre 1960 et 1963 alors que 45000 seulement émigraient en sens inverse.
Pour la plupart ces populations sans revenus créent un sous-prolétariat dans les villes et rendent plus aigu encore le problème du chômage. Elles provoquent un accroissement des dépenses sociales d'équipement et de distribution au détriment de l'industrialisation.
De plus en passant des campagnes aux villes, elles changent de mode de vie, et provoquent un accroissement des dépenses sociales d'équipement et des besoins globaux en bien de consommation.
Sur le plan de l’habitat, les logements abandonnés par les Européens ne suffisent plus, il faudrait prévoir 75000 logements nouveaux par an dans les, villes en plus de 65 000 à prévoir dans les campagnes.
Il convient de souligner aussi que la prise de possession des logements vacants a pour conséquence un important désinvestissement dû à l'insolvabilité du grand nombre des occupants.
Sur le plan plus général toutes ces populations déplacées réfugiées, regroupées, internées ont eu à souffrir longtemps de la sous-alimentation et leur élimination des années durant des circuits économiques et surtout des activités productives n'a pas été sans rejaillir sur l'ensemble du développement du pays et d'en provoquer une baisse du niveau de vie de la grande masse.
C'est par millions que les Algériens sous-alimentés soumis des années durant, aux bombardements incessants de villages, de régime concentrationnaire et à la torture, présentent des déficiences graves. Cette situation a encore aggravé considérablement l'indice déjà élevé de morbidité. Ceci souligne le caractère aigu posé par le problème sanitaire surtout dans ces campagnes que les médecins n’ont pas cessé de déserter. Sans parler des traumatismes et des déséquilibres mentaux qui a eux seuls, nécessiteraient une mobilisation de services spécialisés bien plus importants que ceux que nous possédions.
Les destructions matérielles
D'autres problèmes ont été crées par les destructions matérielles. On a dénombré 8000 villages qui ont été rasés complètement, ce qui donne une idée de l'importance que devait revêtir notre programme de reconstruction.
Sur des milliers d'hectares, les forêts ont brûlé, alors que notre pays avait déjà besoin d'être largement reboisé. D'immenses étendues particulièrement dans les zones montagneuses, ont subi les effets de la «politique de la terre brûlée» et offre encore le spectacle de la désolation.
Pendant des années des terres ont été laissées en friche et des arbres fruitiers sans l'entretien indispensable qui devait les protéger et les empêcher de périr. Ajoutons à cela que les nécessitées de la guerre révolutionnaire ont conduit à la destruction d'importantes superficies de cultures arbustives.
Notre cheptel ovin est passé de 7 millions à moins de 3 millions de têtes. Quant au cheptel bovin il a été pratiquement réduit à néant. A ce point que le problème de la reconstitution du cheptel est une des préoccupations majeures des services de l'agriculture.
Des routes ont été détruites ou se sont détériorés faute d'entretien, ainsi que nombre d'ouvrages d'art. Ces destructions et détériorations ont été si importantes qu’elles ont nécessité des travaux ayant déjà absorbé la plus grande partie du budget des Ponts et Chaussées durant l’année 1963.
Enfin sur les frontières, d'immenses zones minées continuent d'être encore meurtrières. Et il faudrait sans doute longtemps pour que les travaux de déminage soient menés à leur terme.
A toutes ces destructions faites dans le cadre des opérations militaires s'ajoutent celles auxquelles se sont livrés les criminels de l'OAS dons les villes. En citant ces actes odieux qui ont été l'incendie de la bibliothèque universitaire et la destruction de certains blocs opératoires d’Alger, notons simplement que les plasticages ont endommagé des centaines de bâtiments dont nombre d'écoles.
Le plan de Constantine
Le plan de Constantine, inspiré de l'idée que l'insurrection armée algérienne n'était que l'expression violente d'aspirations économiques et sociales et qu'il suffirait d'améliorer les conditions de vie de la population pour réussir à la détacher du FLN, a visé en fait à créer les conditions objectives d'un système néo-colonialiste prenant appui d'une part sur la fraction d'Algériens privilégiés dont il assurait la promotion, d'autre part sur la minorité française. Il s'agissait de renforcer en Algérie les structures capitalistes par d'importants investissements, surtout dons la grosse industrie et même d'encourager l'élargissement du support français en essayant par exemple de fixer les soldats démobilisés.
Parmi les problèmes posés par ce plan, il en est d'importants qu'il convient de signaler :
- la création d'un besoin de développement qui n'était possible qu'au prix d'un déséquilibre extérieur et d'une aide financière masquant la véritable situation. Le rythme de développement prévu par ce plan ne pouvait être suivi par une Algérie indépendante soucieuse de se dégager rapidement de l'aide extérieure.
- Le développement d'une infrastructure très lourde dont l'entretien nécessite d'importants investissements.
- L'Industrialisation prévue par le Plan de Constantine conçue de manière à renforcer la dépendance de l'Algérie par rapport à l'industrie française devait en principe permettre la création de 115000 emplois et constituer ainsi une solution au problème du chômage. Ces prévisions ne sont pas réalisées. D'abord parce que la majeure partie des demandes concernant des extensions d'entreprises déjà existantes. Ensuite parce qu'on a négligé ou écarté les industries susceptibles de créer un maximum d'emplois.
- Enfin ce plan a accentué la disparité entre les villes et les campagnes et a influé sur la structure de notre budget d'équipement qui devait en effet en tenir compte pour éviter un désinvestissement important.
Le départ de la minorité européenne et ses conséquences
Le départ massif des Européens (9/10 sur 1 million) provoqué par la victoire du Mouvement de Libération, s'il a eu d'importants aspects positifs en ce sens qu'il a permis la concrétisation plus rapide de nos options socialistes et de notre indépendance politique, a créé cependant du fait de la position dominante de cette minorité dans l'activité économique et sociale du pays, des problèmes qui n'ont pas tous été résolus.
1- Le manque de cadres
La population active européenne en Algérie était évaluée à 300.000. Sur ces 300.000, on comptait 33.000 chefs d'exploitation 15000 cadres supérieurs et professions libérales, 100000 cadres moyens et employés, 35000 ouvriers qualifiés. soit près de 200000 personnes occupant des positions ou des emplois nécessitant de la technicité et un niveau d'instruction supérieur à la moyenne.
Leur départ a posé des problèmes de formation professionnelle, d'assistance technique et de gestion économique, le personnel algérien ne pouvant en assurer la relève que de façon incomplète, étant donné son manque de qualification. Ces lacunes sont particulièrement sensibles dans la catégorie des cadres supérieurs et moyens et des ouvriers qualifiés.
Le manque de cadres a provoqué une baisse de rentabilité sur le plan économique. Il a aggravé les problèmes de to santé publique et de l'enseignement.
Une telle situation imposait l'établissement d'un programme de formation professionnelle et technique de caractère prioritaire et un recours à l'assistance étrangère permettant de faire la soudure pendant les premières années.
Mais cette assistance technique n'était pas sans limites :
- D'une part la présence de nombreux étrangers à des postes importants risquait d'avoir pour effet une dénationalisation de la direction des affaires.
- D'autre part, les hauts salaires versés à ces techniciens en faisaient une catégorie privilégiée, d’où un écart social parfois difficilement supporté.
2 - Perturbation du marché intérieur
La consommation de la minorité européenne était estimée à 40% de la production locale et 60% des biens importés. Le départ de cette minorité a libéré en principe 36% de la production locale, en particulier dans le secteur des services et 54% des importations de biens de consommation (industries alimentaires, textiles, produits métallique et chimiques).
La production locale libérée nécessite une nouvelle organisation de la commercialisation, mais celle-ci se heurte non seulement à l'absence de circuits rodés, mais aussi à l'insuffisance du pouvoir d'achat encore aggravée par le poids des charges fiscales. Jusqu’en 1954, en effet 53,7% des impôts étaient payés pour les Algériens et 46,3% par les Européens. Aujourd'hui la charge est de 97,9% pour les Algériens dont les revenus, à quelques exceptions près, sont faibles.
3 - La fuite des capitaux
La fuite des capitaux ayant précédé et accompagné le départ des Européens a amené une baisse des impôts, (banques et CCP) de l'ordre de 110 milliards auxquels il faut ajouter la masse des créances impayées qui représente environ 20 milliards. De ce fait les circuits commerciaux se trouvent bloqués d'une part par les dettes laissées par les Européens, et d'autre part, par les difficultés que rencontrent les entreprises algériennes à payer les exportateurs étrangers.
La première conséquence directe de cette fuite de capitaux est l'étranglement du crédit qui se répercute d'une part sur les prix; ne pouvant acheter à crédit, entreprises et commerçants sont obligés de vendre leurs marchandises le plus vite possible et aux prix les plus élevé, et d'autre part, sur l’équipement et la production : le recours à l'autofinancement étant limité, les investissements sont faibles et la demande intermédiaire restreinte.
La deuxième conséquence sur l'économie de la fuite des capitaux est l'auto alimentation de ce phénomène. En effet, la baisse d’activité économique qui en est résultée a provoqué un climat de défiance qui entretient le mouvement de fuite des capitaux.
Enfin la fuite des capitaux privés et sa répercussion sur la baisse de la masse monétaire oblige le crédit public à prendre le relais du crédit privé. Or les besoins de l’économie en investissements indispensables sont importants et estimés à ;
60 milliards pour l'agriculture ;
40 à 50 milliards pour l'industrie ;
30 à 35 milliards pour le commerce ;
20 à 25 milliards pour des prêts divers.
Ces problèmes sont rendus d'autant plus difficiles à résoudre que le crédit des établissements publics français a disparu avec l'indépendance, d’où l'apparition de difficultés pour financer l’équipement et pour assurer le maintien des échanges extérieurs.
4 - La récession
A partir du moment où il apparaissait clairement que la guerre ne pouvait déboucher que sur l'indépendance les premiers signes de récession ont été enregistrés. Le mouvement s’accéléra à la fin de l’année 1961 et se poursuivit à un rythme de plus en plus rapide.
Le départ massif des entrepreneurs français qui ont ainsi abandonné plus de 40% des terres de la colonisation ainsi que la quasi totalité des petites entreprises industrielles et artisanales de l'intérieur la disparition de centaines de milliers de consommateurs à haut niveau de vie et la fuite des capitaux, ont achevé de paralyser l’économie algérienne au lendemain de l'indépendance.
La première conséquence en fut une baisse générale des investissements et une diminution des importations en biens d'équipement, d'où Le rétrécissement de la demande de biens intermédiaires et la limitation de la distribution de revenus.
La seconde a été un important chômage industriel et des difficultés pour remettre en marche l'appareil de production vacant.
Conclusion
Au lendemain de l’indépendance, le pouvoir révolutionnaire a donc hérité d'une situation dont les traits essentiels étaient :
1- Un sous-développement caractérisé par :
- L'extrême faiblesse de l'industrie;
- La forte population active employée dans l'agriculture;
- Le sous-emploi et le chômage;
- L'analphabétisme aggravé par les difficultés d'une scolarisation convenable, difficultés créée par le manque d'enseignants ;
- L'absence de cadres techniques.
2- Une économie étroitement dépendante de l'ancien colonisateur, désarticulée; vulnérable et de surcroît désorganisée et paralysée par le départ des chefs d'entreprises et des techniciens français, une économie aussi sur laquelle pesait le poids des investissements réalisés dans le cadre de plans colonialistes et néocolonialistes (cf. Plan de Constantine).
3 - Une aggravation des problèmes sociaux par la suite :
- Du départ des médecins français et du sabotage de certaines installations sanitaires :
- de l'augmentation du taux de chômage consécutif à l'arrêt des entreprises abandonnées et a la récession.
- De l'accroissement du nombre des déshérités auxquels sont venue s'ajouter les orphelins et le veuves de guerre ainsi que les anciens moudjahidine invalides.
- De l'accélération de l'exode rural.
Cette situation devait imposer :
- De réactiver les entreprises adonnées et de surmonter les difficultés énormes de financement et d'encadrement ;
- De former rapidement des cadres algériens et de rechercher on attendant une assistance technique étrangère ;
- D'éliminer progressivement les disparités régionales pour ralentir sinon enrayer l'exode rural.
- De diversifier nos échanges ;
- De consacrer une partie importante des ressources disponibles à améliorer le sort des déshérités ;
- De favoriser dans toute la mesure du possible les investissements productifs.
Il faudra des années d’efforts soutenus pour résoudre tous les problèmes nés de la colonisation et de la guerre.
TROISIEME PARTIE
Les instruments de la réalisation
Le partie et les
organisations de masses
1 -
A la veille de l’indépendance de peuple algérien, après une langue guerre de libération se devait de choisir le système le plus adéquat à ses caractéristiques pour organiser sa vie sociale, économique et politique. Le problème du contenu de la lutte libératrice et de la continuité de l’esprit du 1er novembre 1954 sur le plan économique et social, était au grand jour.
2 -
Le programme de Tripoli qui sanctionne le choix du partie unique répand à la volonté profonde des masses laborieuses, soucieuses de préserver les acquis de guerre de libération et d’assurer la continuité de la révolution.
En recouvrant l’indépendance, les combattants et peuple avaient perçu le danger qu’il y avait à se dessaisir de la vigilance de l’époque de la lutte armée, en laissant le terrain libre aux jeux nétastes du multipartisme à travers les lesquels forces du capital et de la réaction, les ennemis du peuple finissent par mettre la main sur le pouvoir économique.
3 -
Le multipartisme n’est pas un critère de la démocratie ni de la liberté. Il correspond à une certaine étape du développement de la société divisée en classes opposées et de l’hétérogénéité de chaque classe et constitue une réponse que cette société invente pour faire à ses contradictions et sans les résoudre, les atténuer et tenter de les intégrer.
4 -
Le multipartisme dans le cadre d’un régime capitaliste n’est possible qu’à partir du moment ou les intérêts fondamentaux des classes dirigeants sont assurés contre tout risque grave. C’est le secret de la démocratie bourgeoise. Dans ces conditions le multipartisme permet à tous les intérêts particuliers de s’organiser en différant groupes de pression visant à faire échec à l’intérêt général, c’est-à-dire à l’intérêt des travailleurs. Cette dispersion non seulement empêche l’effort collectif, mais encore crée un terrain favorable à la prolifération de faux problème et aux manœuvres de ceux qui voient dans la société nouvelle la fin de leurs privilèges.
5 -
Dans les pays engagés dans la voie du développement socialiste, le multipartisme érigé en principe de démocratie politique peut avoir pour signification de favoriser les difficultés objectives qui rendent plus aisés que partout ailleurs les mystifications collectives, la démagogie, l’entretien de mécontentements artificiellement gonflés et l’irresponsabilité sociale. Les groupes de pression étrangère voient facilitées leurs possibilités d’intervention et leurs manœuvres tendant à paralyser les mesures qui vont à l’encontre de leurs intérêts d’exploiteurs.
L’option pour le parti unique ne suffit pas à engendrer un pouvoir d’essence révolutionnaire immunisé contre toutes les déformation.
Si le multipartisme dans les conditions de l’exploitation assure le maintien «démocratique » du pouvoir par le capital, le parti unique, présente, lui, un danger d’un autre ordre et non moins grand : la confiscation du pouvoir révolutionnaire au profit d’une caste.
6 –
Le choir du parti unique doit se faire dans une clarté et uns précision qui éliminent toute équivoque quant a ses objectifs, ses composantes sociales, et le principe do son fonctionnement.
Faute de quoi, les risques sont grands de déboucher, tôt ou tard. Soit sur une dictature petite-bourgeoise soit sur la constitution d'une couche bureaucratique faisant de l’appareil, l’instrument de ses intérêts particuliers soit enfin sur un régime de dictature personnalisée faisant du partie simple organe do police politique.
7 –
Les problèmes de la composition sociale du parti unique et de sa forme d’organisation ne peuvent être résolus sans qu'il soit tenu compte des enseignements de l’histoire de notre peuple. L’union de toutes les tendances qui fut l’instrument irremplaçable de la lutte armée doit être reconsidéré on fonction des objectifs et des perspectives de la révolution socialiste. Une telle union a fait son temps. Son maintien s'identifierait à la recherche de la confusion et du compromis malsain. Les prob1émes nouveaux ont fait surgir des contradictions internes irréconciliables.
8 -
Ce que nous enseigne l’histoire de notre peuple c'est aussi l’importance de la démocratie. Toujours dérogation aucune le parti doit faire confiance aux masses. Un passé encore récent a montré qu’elle était un gardien bien plus constant et plus assuré des intérêts du pays que les institutions qui se réclamaient d’elle. Le parti doit être pensé de telle manière que, expression fidèles. Le peuple, il n'entre jamais en contradiction avec lui.
9 -
Le caractère du parti d’avant-garde n’est pas un état qui une toit obtenu, ne se perd plus. Il exige un perpétuel effort sous peine de dégénérescence. L’aptitude à tirer, à un moment donné de l’histoire une analyse juste concernant le combat du peuple et à lui ouvrir les perspectives de son développement ne constituent pas un brevet définitif de pureté révolutionnaire et d »efficacité politique.
Un parti d’avant grand doit sans cesse saisir la signification de ce qui naît et se développe, pour en tirer les enseignements politiques nécessaires. Il doit rester un organisme vivant et non se transformer en un appareil sclérosé ou ce qui meurt étouffe ce qui vit.
10 -
L’évolution du FLN depuis novembre 1954 est significative à cet égard. A la veille de l’indépendance sa direction n’avait pas préparé la situation nouvelle. De ce tait, elle est devenue un obstacle aux mutations indispensables.
La reconversion au lendemain de l’indépendance se fit d’une manière empirique et dans la confusion. Une fois de plus c’est l’intervention directe des masses et des éléments révolutionnaires les plus avancés qui contribuèrent à clarifier la situation et à donner une direction irréversible en Algérie : la direction socialiste. L’apparition de cette revendication socialiste sur la scène politique algérienne a donné naissance à un clivage prévisible. Les éléments hostiles à cette transformation se détachant progressivement du parti sous l’effet de la nouvelle orientation.
11 -
Il faut donc éviter de construire un appareil qui exprimant un départ l’aspiration des masses se mette ensuite à vive d’une vie indépendante. Le parti révolutionnaire sera ou la majorité dirigera effectivement au lieu de se contenter de désigner les dirigeants et ou elle se prononce en connaissance de cause sur des problèmes qui sont les siens et à sa mesure, au lieu de trancher dans les congrès des questions dont elle est tenue éloignée le reste du temps.
12 -
Une des conditions fondamentales de cette perspective démocratique est que l’organisation s’articule sur les collectivités directement liées à la production et à l’activité économique essentielle : l’usine, l’entreprise, le terme autogérée. Ainsi est évitée la coupure entre économie et politique, entre problèmes quotidiens concrets et problèmes généraux de la société ; ainsi est évitée la dépolitisation, résultat de l’éloignement des centres de décision.
13 -
Le FLN ne doit être ni un parti de masse, formule qui présente le danger de la dilution de la responsabilité, de l’action négative des représentants petits-bourgeois sur les autres couches de la population, ni un parti d’élite composé d’intellectuels et de professionnels politiques coupés du peuple et de la réalité. Il doit être un part d’avant garde profondément lié aux masses, tirant toute sa force de cette liaison. Mû par les impératifs de la révolution socialiste et l’intransigeance vis-à-vis de ses ennemis.
14 -
Un tel parti crée une conception nouvelle démocratie. Il ne s’agit plus du formalisme Bureautique. Il s’agit d’une démocratie ou la volonté générale des travailleurs s ‘exprime dans toutes son ampleur parce que la marche de la société est directement influencée par les décisions prises pour résoudre les problèmes quotidiens. Cette synthèse d’une démocratie directe partout ou elle est matériellement possible et d’une centralisation strictement contrôlée par la base permettra un renouvellement infini de l’organisation une adaptation aux situations nouvelles et une extrême souplesse.
15 -
Cependant si tous, ces impératifs commandent de veiller, scrupuleusement à ce que les composantes sociales du parti soient essentiellement à base de producteurs, d’ouvriers des villes et des compagnes, la nécessité d’organiser, d’encadrer toutes les couches sociales constitue une préoccupation de tous les militants.
16 -
Il ne saurait être possible pour un parti d’avant-garde d’acquérir les capacités de mobiliser, guider et orienter les masses en se comprimant dans le cloisonnement, en rejetant toutes les autres couches sociales qui, sans jouer un rôle moteur dans la direction de la révolution, ne sont pas moins un facteur non négligeable dans la recherche de l’adhésion du peuple à sa politique.
17 -
Par conséquent il doit veiller au renforcement et au développement des organisations de masses indispensables au succès de son action. Ces organisations de masses indispensables au succès de son action. Ces organisations ont toutes concentration des énergies visant à l’efficacité, et de l’épanouissement du centralisme démocratique. Dans la société à démocratie formelle les syndicats les organisations sont l’expression de groupes d’intérêts multiples et contradictoires. Dans la société à vocation socialiste la diversité des organismes répond simplement aux particularités propres à chaque catégorie de la population et à la nécessité de multiplier les possibilités d’action du parti dans son travail de mobilisation des masse.
18 -
Le syndicalisme est en régime capitaliste, essentiellement revendicatif, il a, par delà la revendication économique, une perspective politique.
Dans un régime ou le pouvoir appartient aux ouvriers et aux paysans, la perspective ne peut être la même, et la contestation peut prendre une signification contre révolutionnaire dangereuse. Mais une telle situation ne peut résulter que d’une défaillance du parti.
Le rôle des syndicats est un rôle de participation directe à la vie économique. C’est dans le syndicat que surgit le mieux l’initiative des travailleurs quant à l’organisation de leur travail : fixation des normes, du rythme, études préparatoires au plan, etc.…
Les organisations syndicales sont ainsi appelées à impulser de la base au sommet les solutions que les travailleurs envisagent tant sur le plan de la gestion de leur unité de production que sur le plan de la gestion de leur unité de production que sur le plan de la planification. Elles ont à veiller scrupuleusement à l’intéressement matériel des producteurs à la production et à leur promotion sociale et culturelle.
19 -
Les syndicats, s’ils n’ont pas un objectif revendicatif de classe, ont cependant un rôle très important dans la lutte contre les formes de bureaucratisation qui pourraient surgir. Croire qu’une société nouvelle puisse échapper à toutes les conditions est utopique. Seule la démocratie socialiste empêche ces contradictions de se transformer en antagonismes.
20 -
Dans la période de transition les syndicats ont des tâches essentielles par rapport au secteur privé. En premier lieu, une tâche de vigilance à l’égard des attaques ouvertes ou sournoises contre le secteur socialiste. En second lieu, une tâche de défense des intérêts ouvriers dans ce secteur. En troisième lieu, une tâche de vigilance à l’égard des attaques ouvertes ou sournoises contre le secteur socialiste. En second lieu, une tâche de porta-grande pour l’élargissement du secteur socialiste.
21 –
La place qu’occupent les fellahs dans la vie de la nation constitue une obligation pour le parti d’aider à la création rapide d’unions de fellahs et de leur accorder tout son attention pour en terre un organisme vivant en rapport avec les besoins de la révolution socialiste dans les compagnes. Ainsi sera organisée la couche la plus déshéritée, base de la victoire sur le colonialisme et instrument puissant de la défense du socialisme et de l’accumulation en vue de l’industrialisation.
L’union des fellahs aidera à l’extension définitive de la réforme agraire, à l’intégration des petits paysans dans des coopératives qui leur permettant d’accéder aux méthodes de développement modernes.
22 -
L’existence de plusieurs mouvements de jeunes risque d’aboutir à des orientations contraires et pas toujours conformes à la ligne du parti. La jeunesse algérienne brassée pendant la guerre de libération doit rompre aujourd’hui tout cloisonnement et être organisée dans un rassemblement national sous une direction unique et sous l’impulsion du parti. Les organisations de la FLN de l’UNEA et des SMA doivent constituer un seul mouvement respectant l’apparat de chacune d’elles.
23 –
Les militantes du parti doivent s’atteler à organiser les femmes et animer l’UNFA dont le rôle est de faire rayonner et triompher la politique du parti qui tend à la libération effective de la femme en l’associant à toutes les tâches de construction du pays.
24 -
Les anciens détenus et internés politiques et les anciens moudjahidine qui ont consenti le plus de sacrifices pour la guerre de libération, risquent de ne pas jouer pleinement dans le cadre d’organisation particulière, le rôle qui doit être le leur. C’est ou sein du parti que leurs adhérents pourront le mieux mener une activité constructive conforme à leurs droits et à l’intérêt général du pays.
25 -
Le peuple algérien a besoin de forger l’instrument de la construction et de la défense du socialisme.
Il revendique une organisation cohérente armée sur le plan idéologique qui puisse assumer une telle tâche. Pour cela, fidèle à cette vocation démocratique qui a aminé chacune de ses initiatives, il souhaite un parti qui soit perpétuellement attentif à ses besoins et à ses aspirations. Un tel parti ne peut être composé qu’avec les éléments issus directement des secteurs les plus avances de la révolution, et qui restent liés à ce peuple dont ils sont chargés d’exprimer les aspirations et les perspectives.
Les militants d’avant-garde seront les serviteurs des intérêts du peuple. Ils savent qu’être militant n’est ni un privilège social ni une promotion économique ni un statut de prestige mais une responsabilité, une fonction toujours soumise au contrôle des masses.
L’Etat
1 –
Le parti a dégagé les grandes lignes de principes qui sont à la base des institutions étatiques dans la constitution doivent être considérée comme des références à un texte fondamental du parti.
Les références à cette constitution doivent être considérées comme des références à un texte fondamental du parti.
La conception de l’Etat algérien a été dégagée dans la constitution. L’Etat, instrument de gestion du pays est animé et contrôlé par le parti qui doit assurer son fonctionnement harmonieux et efficace. L’option socialiste comporte la nécessité de construire un Etat de type nouveau, expression des intérêts des paysans et des ouvriers.
2 –
L’état n’est pas la simple soumission de la minorité à la majorité. C’est un corps qui impose au nom des intérêts des masses laborieuses sa loi aux privilégiés. Aussi longtemps que subsisteront des noyaux capitalistes et le désir de l’enrichissement privé un contrôle organisé doit s’exercer sur les citoyens pour ce que ceux-ci ne dilapident pas le patrimoine national. Au cours de la période qui s’ouvre, l’Etat constitue un puissant facteur d’unité et un moyen de lutte efficace contre les tentatives de porter atteinte, sous une forme ou sous une autre, à l’intégrité du territoire national.
3 –
Actuellement, la réalisation des objectifs de la révolution socialiste passe nécessairement par la prise en main réelle, la transformation profonde et le contrôle effectif de l’appareil de l’Etat tant dans ses structures, que dans ses hommes, par le parti.
4 -
La tâche d’animation et de contrôle de l’Etat par le parti a été rendu difficile par le manque de définition des rapports parti-Etat et l’Etat embryonnaire de la direction et des structures du part. Cette situation a fait que celui-ci a vu son pouvoir politique passer à l’état, pouvoir qui a une tendance à se diluer dans l’administration. Une difficulté supplémentaire et nécessairement déterminante provient du fait qu’il est impossible pour un parti d’animer et de contrôler un Etat dont les structures et les composantes sociales et humaines ne correspondant pas pleinement à sa politique.
5 -
Le pouvoir de l’Etat est côté le reflet de la volonté populaire exprimé par des élections. Mais d’un autre côté, ce pouvoir d’Etat s ‘exprime à travers des organes de gestion bureaucratique sur lesquels s’exercent des contraintes diverses. C’est dans ce secteur bureaucratique qu’essayeront de se réfugier les intérêts, habitudes et routines menacés par la révolution.
6 -
Le fonctionnement de l’appareil étatiques, ses tâches gigantesques de destruction des structure capitalistes et colonialistes et construction d’une société socialiste exigent la recherche, le développement et l’encouragement de la technicité par la révolution.
Nous devons nous battre pour doter la révolution du maximum de techniciens et revaloriser l’apport technique dans la réalisation des objectifs socialistes. Mais une appréciation saine et objective de technique ne doit pas entraîner la sous-estimation du politique qui doit animer, modeler et contrôler la technique.
Les postes-clés de toutes les branches de l’appareil étatique doivent être dévolus à des militants dont la formation politique, une haute et vigilante conscience des intérêts de la révolution constituent des garanties indispensables pour le parti et les masses laborieuses. Il est impératif que les nominations des cadres de toutes les branches de l’Etat soient soumises à l’appréciation du parti.
7 -
La révision du statut de la fonction publique doit être accélérée afin que soient inscrits dans les textes et dans les faits les critères nouveaux de la révolution et que l’appareil de l’Etat soit aéré par des conceptions et des hommes exprimant l’Algérie socialiste. Agent de l’Etat, le fonctionnement doit devenir le serviteur des masses laborieuses. La réforme des textes doit accompagner d’une réduction politique qui doit faire de l’agent de l’Etat un lien avec les masses et non pas un pouvoir au-dessus d’elles.
8 -
Le parti trace les grandes lignes de la politique de la nation et inspire l’action de l’Etat. La réalisation du programme du parti est garantie dans le cadre de l’Etat par la participation de ses militants aux institutions étatiques et notamment aux postes d’autorité.
Mais pour ne pas être absorbé par l’Etat le parti doit s’en distinguer physiquement. A cet égard, la majorité des cadres du parti au niveau des différentes direction devront être en dehors des organismes de l’Etat et se consacrer exclusivement aux activités du parti. Ainsi sera évité le danger d’un étouffement du parti et de sa transformation en auxiliaire de l’administration et en instrument de coercition.
Ces principes doivent être inscrits dans les faits à propos de l’Exécutif de l’Etat c’est-à-dire le gouvernement, dont le chef doit être également à la tête du part.
9 -
Le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire de ses représentants à l’assemblée nationale qui vote les lis contrôle l’action gouvernementale.
Le rôle prépondérant du parti au sein de l’assemblée nationale va du choix des conditions à la députations au contrôle de leur activité avec possibilité de leur déchéance.
10 –
L’option socialiste le fonctionnement harmonieux de l’autogestion la nécessité de donner aux collectivités locales des pouvoirs réels impliquent une refonte administrative radicale dont le but doit être de faire de la commune la base de l’organisation politique économique et sociale du pays.
Outre ses fonctions administratives, sociales et culturelles la commune doit disposer des pouvoirs lui permettant de procurer les conditions de développement et d’amélioration de la situation culturelle au sein de la commune d’orienté le développement économique d’orienter une part du revenu réaliser dans la commune vers la satisfaction des besoins économiques et sociaux d’adopter les intérêts généraux de la société et de stimuler enfin le progrès des organisations économiques et celui de la productivité du travail.
Pour augmenter son efficacité l’organisation doit prévoir au sein de la représentant des citoyens une représentation particulière de l’ensemble des producteurs (autogestionnaires, ces opérateurs etc…)
Le conseil communal doit exprimer sous l’impulsion du parti et le contrôle de l’Etat les problèmes et les tâches de construction sur le territoire de la commune dans le cadre de l’option socialiste.
11 –
La justice doit comme les autres structures étatiques héritées du colonialisme, subir une profonde refonte dans ses textes, ses structures et ses composantes sociales et humaines ainsi que dans ses sources qui doivent être puisées dans notre patrimoine et être conformes aux exigences de la révolution socialistes.
Elle doit se débarrasser des procédures lourdes et instances trop nombreuses de l’appareil judiciaire actuel conçu à l’origine comme instrument au service des privilégiés.
La justice doit être un instrument de défense des intérêts de la Révolution et non un instrument au service des privilégiés. Dans son fonctionnement, elle doit être un outil déduction des masses et non de coercition. Si l’application de la loi demeure nécessairement du ressort d’argents de l’état ayant une formation juridique adéquate nous devons recourir au système des tribunaux populaires, élus, à l’échelle communale.
L’électorat des jurées, voire même des juges d’instances doivent être institués.
Une refonte de l’organisation judiciaire et de la procédure doit permettre la liquidation d’une justice lente et onéreuse.
La loi doit faire place aux juridictions spéciales pour la défense de la révolution.
La défense, sa garantie et ses charges doivent être instituées conformément à la justice sociale.
La justice socialiste doit constituer une garantie supplémentaire pour l’application de la constitution qui condamne la torture et tout atteinte physique ou morale à l’intégrité de l’être humaine.
12 -
La sécurité de l’état exige des instruments spécialisés. Les services doivent être centralisés à l’échelle gouvernementale. Ils doivent agir dans le cadre de la constitution et de la loi et sous le contrôle du secrétaire général du parti du secrétaire général du parti.
13 -
L’armée de libération a constitué un important facteur de la victoire du peuple algérien sur le colonialisme français.
Composée de militants, l’ALN s’est manifestée non seulement comme un instrument de combat mais aussi comme un défenseur des transformations révolutionnaires engendrées par la lutte armée.
Née de L’ANP est une des composantes de l’Etat qui ne constitue pas un legs du colonialisme comme les autres instruments étatiques existants. Ses problèmes et ses difficultés proviennent de son histoire durant la guerre de libération et de la nécessité de sa reconversion au lendemain de l’indépendance. Cette reconversion a pour objectif la constitution d’un instrument adopté à des tâches étatiques, politiques, économiques et sociales, animé par des mœurs révolutionnaires forgées dans la guerre.
L’ANP est un des instruments de la défense de la révolution.
Cette dernière ainsi que ses conquêtes, ne peuvent être défendues si l’on ne dispose pas d’une force capable de la défendre. L’ANP instrument au service du peuple et aux ordres du gouvernement est avant toute une école du citoyen et des militants. Le parti est chargé de l’éducation politique de l’armée.
La recherche des méthodes de combat, des structures et des technicités nécessaires à une armée moderne ne doivent en aucun cas se faire indépendamment des expériences de la guerre de libération comme elle ne doit pas provoquer une sous-estimation de l’encadrement politique-militaire.
L’ANP doit contribuer à la production, à la mise en place et de l’entretien des grandes infrastructures.
Sa vocation sociale doit se manifester notamment dans les tâches de formation professionnelle et d’assistance aux populations des régions déshéritées et sous-équipées.
L’ANP doit aider à la formation militaire des militants et citoyens groupés dans des milices populaires (voir statuts des milices populaires) pour la défense de la révolution.
La définition de la politique militaire, des impératifs d’implantation et des grands mouvements sont du ressort du gouvernement dans le cadre des directives du parti.
A N N E X E
Les statuts du Parti
Chapitre I
Art. 1 : Le parti FLN est l’organisation d’avant-garde du peuple algérien sa devise est : « La révolution par le peuple et pour le peuple ». Issu du peuple, il est la force qui le dirige et l’oriente. Son but est l’édification d’une société d’où sera bannie toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme, d’une société socialiste.
Art. 2 : Le parti du FLN titre sa force des masses paysannes et ouvrières, des intellectuels révolutionnaires et il est le guide du peuple dans le combat pour l’indépendance totale, le socialisme, la démocratie et la paix liée à l’exigence de la libération des peuples.
Chapitre II
LES MEMBRES, LEURS DEVOIRS ET LEURS DROITS
- Militants
Art. 3 : Peut être militant du FLN tout Algérien ou Algérienne qui, en vertu des présents statuts, adhère à l’une des cellules de base du FLN.
Art. 4 : Pour être admis dans le parti du FLN, il faut :
a) Etre de nationalité algérienne et avoir 18 ans révolus.
b) Avoir participé sans défaillance à la guerre de libération nationale dans le cadre de l’organisation FLN ALN.
c) S’engager à militer activement et à acquitter régulièrement ses cotisations.
d) Se conformer à l’orientation socialiste du parti.
e) justifier d’une bonne moralité
Art. 5 : L’admission a lieur dans les cellules du parti. Elle est soumise à la ratification du comité de Kasma.
Art.6 : La qualité de militant du FLN est incompatible avec l’appartenance à une autre organisation politique.
- devoirs du militant
Art. 7 : Tout militant du FLN a le devoir :
a) De respecter scrupuleusement l’art. 4 des présents statuts.
b) De connaître le programme et l’orientation de FLN.
c) D’appliquer les décisions du FLN et de se soumettre à la discipline du part.
d) De lutter pour le triomphe des objectifs de la révolution socialiste.
e) D’approfondir sa connaissance des principes du socialisme et de son application en Algérie, d’utiliser toutes les possibilités qui s’offrent à lui pou élever constamment son niveau politique, idéologique et culturel.
f) D’assurer les responsabilités qui lui sont confiées et de militer activement au moins dans une organisation nationale existant dans le pays.
g) De servir d’exemple par son patriotisme, son travail, son dévouement et de taire preuve de vigilance.
h) De pratiquer la critique et l’autocritique comme méthode d’amélioration constante du travail du part.
i) D’œuvrer et de veiller constamment à la cohésion et à l’unité du parti et par là-même à l’unité de toutes les forces révolutionnaires de la nation.
j) De combattre le régionalisme, le sectarisme et le travail fractionnel sous toutes ses formes.
Art. 8 : Tout militant qui a aura pas répondue à ses obligations statutaires peut faire l’objet de sanctions allant jusqu’à l’exclusion du parti par l’organisme auquel il appartient. Toutefois, l’exclusion n’est effective qu’après la décision du conseil de discipline et la ratification de l’échelon immédiatement supérieur à l’organisme auquel il appartient.
· Droits du militant
Art. 9 : Tout militant du FLN a le droit :
a) D’être élu militant organisme de direction du parti, auxquels il appartient ;
b) D’élire les organismes de direction du parti, auxquels il appartient ;
c) De critiquer librement, dans le cadre des instances régulières du parti les erreurs ou insuffisances de tout organisme ou membre du parti quelles que soient ses responsabilités et ses fonctions.
d) De contribuer, au sein de l’organisme auquel il appartient à l’élaboration de la politique du parti et de participer aux discussions et au voie.
e) D’adresser tout rapport ou document par voie hiérarchique aux organismes supérieurs.
f) De participer à la discussion chaque fois qu’une décision concernant ses activités doit être prise et d’assurer sa défense personnellement ou par l’intermédiaire d’autres militants devant les organismes chargés de juger ses activités ou son comportement.
Art.10 : Tous les militants sont égaux au sein du FLN. Le responsable quelle que soit sa place dans la hiérarchie, est soumis aux même devoirs et jouit de même droits que les militants de base.
- Adhérents
Art. 11 : Est adhérant du FLN tout algérien ou algérienne qui, en vertu des statuts du FLN s’engage à combattre pour le triomphe des objectifs de la révolution socialiste et qui est parrainé par deux membres du parti.
Les adhérents sont organisés dans les cellules d’adhérents doit être un militant éprouvé.
Les adhérents jugés optent sont versés sur proposition du responsable de cellule et ratification de l’autorité immédiatement supérieure dans les cellules de militants.
Les adhérentes ne sont ni électeurs ni éligibles au sein du parti. Ils sont soumis aux même obligation que les militants.
Chapitre III
Paragraphe - I –
Principe de fonctionnement et structures du FLN
Art. 12 : Le parti du FLN est régi les règles du centralisme démocratique, principe de fonctionnement qui allie la démocratie réelle pour chacun de ses membres à la nécessité d’une direction centralisée et à la discipline. Ses principes sont :
a) Election des organismes de direction à tous les échelons du parti par les assemblées générales, les conseils et le congrès.
b) La responsabilité des directions élus démocratiquement devant leurs mandants avec présentations de comptes rendus régulières.
c) La discussion libre à tous les échelons des problèmes posés. Cette discussion se déroule sur la base des principes librement acceptés lors de leur adhésion. Après la discussion, la minorité se soumet à la décision de la majorité et doit l’appliquer même si elle n’est pas encore convaincue.
d) Les décisions ou résolutions prises par les organismes supérieurs du parti doivent être exécutées et appliquées par tous les organismes intérieurs qui le composent ainsi que par tous les membres, même au cas, ou une partie des membres ou des organismes ne les approuvent pas.
e) Le respect de la hiérarchie est obligatoire.
f) La critique et l’autocritique sans considération de personne dans tous les organismes du parti sont de règle. Elles constituent une méthode d’amélioration du militant, donc du renforcement du parti. Plus généralement : la reconnaissance des erreurs et défauts est le signe non de la faiblesse mais de la force et de la stabilité du parti.
Paragraphe – II –
Structures territoriales
Art. 13 : La base territoriale naturelle du parti du FLN est le territoire national algérien.
Sa structure organique comprend :
§ La cellule organisée sur une base territoriale et d’entreprises, la cellule d’entreprise ayant un rôle d’animation et de vigilance.
§ L’adhésion au parti se fait à partir de la cellule de quartier ou de village.
§ La fédération
§ La Kasma.
Paragraphe – III -
Structures organiques
Art. 14 : Dans le cadre de la ligne du parti, les organismes du parti ont toute initiative dans les questions locales.
Art.15 : La structure du parti est la suivante :
a) Pour chaque quartier ou village l’assemblée de cellule le comité de cellule.
b) Pour la commune le conseil fédéral, le comité fédéral.
c) Pour la région le conseil fédéral, le comité fédéral.
- La cellule
Art.16 :
a) La cellule est l’organisme de base et le centre d’activité principal. Les nouvelles cellules se constituent en accord avec le comité de Kasma. Elles sont soumises à la ratification du comité fédéral.
b) La cellule doit recruter ses membres essentiellement parmi les travailleurs de villes et des compagnes. Elle se compose de 20 à 50 membres. Le rôle de la cellule exige de ses membres des qualités indispensables, qui font de chacun un bâtisseur de l’édifice socialité. Elle est le lien avec les masses.
c) La cellule élit démocratiquement le comité de cellule. Le comité de cellule dirige le travail de la cellule, le parti entre ses membres et élit son responsable. Le comité de cellule est responsable devant la cellule. Il est révocable par la cellule réunie en assemblée générale, convoquée spécialement à cet effet en présence d’un membre de l’échelon supérieur.
Art. 17 : Les devoirs de la cellule sont :
- L’accomplissement, la propagation des décisions du parti au sein de la population par une explication systématique, la diffusion de la presse et les publications du part.
- La formation et la culture des membres du parti et des travailleurs de l’entreprise.
- La mobilisation des masses dans l’accomplissement des tâches d’édification du pays.
- L’étude et la défense des objectifs de la révolution socialiste.
· La Kasma
Art. 18 : La plus haute instance du parti à l’échelle de la Kasma est le conseil de Kasma.
Le conseil de Kasma est constitué par les responsables de cellules. Il discute de tous les problèmes posés par le parti. Il entend et ratifie les rapports du comité de Kasma. Il choisit dans son sein le comité de Kasma.
Art. 19 : Le comité de Kasma exécute les directives des instances supérieures et les décisions du conseil de Kasma. Il élit le responsable de Kasma. Il dirige tout le travail du parti sur son territoire. Il réunit le conseil de Kasma en principe tous les mots.
Art. 20 : En matière d’organisation le comité central et le bureau politique tiendront compte des particularités de certaines régions.
· La fédération
Art. 21 : La plus haute instance à l’échelle de la région est le conseil fédéral. Il est composé des responsables de Kasma. Le conseil fédéral se réunit obligatoirement avant et après chaque session du comité central. Des conseil fédéraux extraordinaires peuvent être convoqués par le comité fédéral à la demande de la moitié des Kasmas de la fédération.
Le conseil fédéral élit le comité fédéral, en présence d’un membre des instances supérieures.
Art.22 : Dans l’intervalle de deux conseils fédéraux, le comité fédéral est l’organe supérieur du parti à l’échelle d’une ou plusieurs régions.
Il élit, parmi ses membres, le responsable fédéral chargé de la coordination.
Art. 23 : Le comité fédéral exécute les directives du bureau politique et les décisions du conseil fédéral. Il dirige le travail du parti dans la région. Il est responsable devant le conseil fédéral et le bureau politique.
Paragraphe - IV –
Rôle du Parti au sein de l’ANP
Art. 24 : Le travail politique du parti au sein des unités de l’ANP se fait par le département politique de l’armée, directement contrôlé par le bureau politique.
La politisation de l’armée doit tenir compte de ses conditions spécifique notamment en ce qui concerne la discipline et l’unicité du commandement.
Chapitre IV
A – Le congrès
Art. 25 : le congrès national est l’instance suprême du FLN. Le congrès national se réunit en session ordinaire tous les 2 ans, en session extraordinaire à la demande des 3-5 des membres du comité central ou de la majorité des conseils fédéraux.
La convocation du congrès, son ordre du jour et le rapport moral seront communiqués à l’organisation au moins deux mois à l’avance.
Art. 26 : Le monde de représentation est fixé par le comité central, les déléguées de la base sont élues.
Art. 27 : Le congrès national est souverain.
a) Il entend et sanctionne les rapports du comité central ;
b) Il définit la doctrine, la politique du parti sur toutes les questions se rapportant à l’édification du pays.
c) Il adopte et modifie les statuts
d) Il élit le secrétaire général du parti.
e) Il élit le comité central dont il fixe le nombre.
Art. 28 : Toutes les décisions du congrès sont prises à la majorité absolue, au scrutin public pour les élections et à main levée pour toutes autres questions.
B) – Le comité central
Art. 29 : Le comité central est l’organe suprême du parti de FLN dans l’intervalle de deux congrès :
§ Il décide la création des divers organismes du parti ;
§ Il est responsable de l’exécution des décisions du congrès ;
§ Il contrôle la gestion des finances du part.
Art. 30 : Le comité central est composé de 80 membres titulaires et de 23 membres suppléants élus par le congrès national à la majorité simple.
Art. 31 : Le comité central se réunit en session ordinaire tous les quatre mois, en session extraordinaire soit à la demande des 3/5 de ses membres soit à la demande du bureau politique.
Art. 32 : Il vote son règlement intérieur.
Art. 33 : Il désigne, sur proposition du bureau politique, des militants appelés à remplir des fonctions, des responsabilités gouvernementales, parlementaires et aux poste-clefs de l’état.
Art. 34 : Les membres suppléants participent aux travaux du comité central mais ne prennent pas part au voie.
C - Le bureau politique
Art. 35 : Le bureau politique :
a) Exécute et applique les décisions prises par le comité central devant lequel il est responsable.
b) Dirige le parti du FLN dans les intervalles des sessions du comité central.
D – Le Secrétaire Général
Art. 36 : Le secrétaire général est élu par le congrès. Il propose au comité central les membres du bureau politique. Il dirige, coordonne et contrôle l’activité du bureau politique.
E – Finances du parti
Art. 37 : Les ressources financières du parti proviennent des cotisations et d’autres versements
F – Discipline du Parti
Art. 38 : Le respect de la discipline prévue dans le règlement intérieur du parti est une obligation pour tous ses membres. Les décisions en son sein.
Art. 39 : Tout acte d’indiscipline entraîne des sanctions conformément au règlement intérieur.
G – Des modifications
Art. 40 : Le congrès est seul habilité pour réviser ou modifier les présents statuts.
QUATRIEME PARTIE
RAPPORT DU SECRETAIRE GENERAL ET RESOLUTIONS FINALES
Le Rapport
Du Secrétaire Général du parti
Chers frères chères sœurs,
Le congrès tant attendu est enfin réuni. Depuis l’annonce de sa tenue, les militants, comme l’ensemble de notre peuple, ont retrouvé enthousiasme et espoir.
S’il sentaient la nécessité d’un congrès. Ils sentait également que le choix du moment signifiait la possibilité, la certitude de surmonter les contradictions du passé.
Jusqu’à ce jour nous avons vécu surtout sur la lancée révolutionnaire de nos masses, sur leur spontanéité. Nos structures étaient dictées par des préoccupations de circonstance et non élaborées d’une manière rationnelle. En ce sens, le présent congrès constitue un point de départ.
Un congrès constitutif
L’heure de la confrontation tant souhaitée est donc arrivée. Ce congrès est premier débat large auquel participent un aussi grand nombre de responsables et de militants. Bien mieux, par le moyen des réunions publiques organisées à travers le territoire national, c’est l’ensemble du peuple qui y été associé. C’est là un fait unique dans l’histoire de la vie politique algérienne et rare dans l’histoire du mouvement révolutionnaire universel.
Le débats précédents sont restés tributaires des conditions particulières dans lesquelles se déroulait la lutte. La guerre et la clandestinité faisaient que seul un groupe restreint de cadres pouvait y participer. il on a été ainsi du Congrès de la Soummam on 1956. comme du dernier Conseil National de la Révolution qui s'est tenu é Tripoli au cour de l'été 1962. Si je cite de Congrès de Soummam et to CNRA de Tripoli, c'est dessein Tout au long de la guerre de libération, ce sont les deux moments ou on a essayé le plus de codifier la Révolution, de lui tracer un cadre d’évolution.
Ce Congrès est un Congrès constitutif dont I'objet principal est de moraliser une situation. Se serait manquez de bon sens, de réalisme que d’en attendre la solution de tous les problèmes du pays. C'est I'effort qui suivra ce Congrès qui décidera de tout. Aujourd’hui il s'agit de réamorcer le processus de relance de la révolution de jeter les jalons d'une marche constante, organisée, pensée vers le socialisme.
Le fractionnement et le cloisonnement qui ont existé dans le passé entre les différents secteurs de la révolution, l'absence d’un cadre organique homogène faisant participer les militants à la direction des affaires politiques ne permettaient pas que dans sa composition ce congrès traduise les aspirations des militants à une démocratie total et intégrale. Les assises actuelles constituent cependant un préalable à l’existence et à l’épanouissement d’une vie démocratique au sein d’un parti porteur de l’idéal socialiste.
Il y a un an à peine ce Congrès ne pouvait se tenir il tallait d'abord résorber les contradictions accumulées prendre des mesures révolutionnaires pour permettre aux militants authentiques par delà malentendus passagers, de se retrouver. Dans une atmosphère infestée par les faux problèmes on ne peut se retrouver pour, construire. Accepter une confrontation dans la confusion c’était accepter de sacrifier les intérêts du peuple, prendre le risque de voir proliférer sous le couvert do slogans attrayants, des tendances contradictoires inspirées par des intérêts de groupes nationaux ou d'agents de I'étranger. Ainsi que par des ambitions personnelles.
Aujourd'hui il on va autrement. Dans I'action révolutionnaire, les militants authentique se sont retrouvée comme I'attestent la composition de la commission de préparation du congrès et le résultat de ses travaux. Aux bout de quatre mois, des militants ayant vécu des situations et des expériences différentes ont commencé à parler un langage commun.
C'est un fait qui est important. Car dans La lutte contre les ennemis du socialisme, contre ceux qui veulent prendre la place des rentiers, je veux parler des gens qui font La contrebande des idées, les militants se sont une fois de plus reconnus contre I'attente, le vœu et les manœuvres des ennemis de la révolution.
La conviction socialiste qui reste leur dénominateur commun et l'intérêt des masses de notre pays se sont affirmés avec vigueur. A ceux qui ont su se hisser an niveau des exigences nationales, refuser d'emprunter les chemins faciles de l'individualisme, il nous faut rendre un fervent hommage car ils ont tenu par-dessus tout demeurer des révolutionnaires au service du peuple.
Ils ont pu élaborer un programme dont nous pouvons légitimement être fiers et qui est déjà considéré on Afrique et dans Le monde comme une contribution positive au développement de la pensée socialiste.
Notre Congrès doit, pour rester fidèle à I'esprit constructif qui anime notre peuple, être serein. Il ne peut être question d'ouvrir tous les dossiers de la révolution. Le subjectivisme, les réactions sentimentales et les passions sont de mauvais conseillers. surtout quand il s'agit de questions engageant Le présent et I'avenir do tout un peuple. Nous nous devons de comprendre qu'il taut des perspectives dans La critique comme dans I'activité créatrice. Encore une fois. je le répète. il s'agit avant tout de moraliser une situation de créer par I'enrichissement du Programme de Tripoli La mise on place de structures démocratiques et l'élection des responsables à tous le niveaux, les conditions do surmonter les antagonismes du passé.
Le sens de notre action
Le Congrès a lieu dans un contexte politique particulier car il marque les succès et La justesse d'une orientation politique qu'aucune ombre au tableau ne peut masquer ou dissimuler. Mesurons. pour nous on rendre compte. Le chemin parcouru depuis les accords d'Evian. Souvenons-nous que ces accords avaient codifié les rapports de dépendance, lié les transformations fondamentales, des structures du pays particulièrement les structures agraires, à l’accord du colonisateur d'hier. Grâce à la politique du gouvernement, à sa décision d'aller dans le sens des perspectives générales tracées par le Programme de Tripoli, notre dégagement à l'égard de l'impérialisme est aujourd’hui plus accentué. L'appareil administratif du pays a été remis en marche. Tout cela ne s'est pas accompli sans heurts, sans erreurs et sans tâtonnements, j'aurai d'ailleurs I'occasion d'en reparler tout à I'heure on abordant les conditions dans lesquelles se construisent notre société socialiste, I'Etat et Ie Parti. je voudrais cependant souligner la continuité et l'esprit de suite qui ont animé le pouvoir révolutionnaire depuis la prise on main du pays.
Il est temps de mettre un terme aux divagations do ceux qui assimilent chaque pas ou avant de la révolution a de I'Improvisation. C'est là une critique non fondée, inspirés par les organes de presse hostiles à notre peuple et à notre expérience et véhiculée en Algérie par les éléments contre révolutionnaires ou confusionniste. L'empirisme qui a caractérisé nos initiatives n'a jamais impliqué l'absence de principes ou d'une ligne de conduite fermement révolutionnaire. Les mesures qui ont été prises ont été dictées d'une manière générale, par la situation réelle dans laquelle se trouvait notre pays.
Cet empirisme orienté n'a pas entraîné l'abandon du socialisme mais au contraire a tendu vers lui on rendant les étapes moins douloureuses et pourtant rapides.
Qu'on on juge.
Le rappel succinct do nos principales actions démontre que notre politique a obéi à des principes directeurs comme elle s'est nourrie de I'expérience des autres pays.
Entre le décret du 23 octobre 1962 annulant l'achat, la vente ou la location des biens vacants et le décret du 18 mars 1963 consacrant le retour au patrimoine national des terres abandonnées par les colons, il y a une unité profonde.
Examinons d'abord ces deux initiatives apparemment indépendantes l'une de l'autre.
La première mesure empêchait le transfert des biens abandonnés, par les Français aux gros propriétaires fonciers algériens, à la bourgeoisie nationale et aux profiteurs de guerre. Elle empêchait cette couche de privilégiés de s'enrichir davantage, d'élargir sa base économique et par conséquent d'accroître sa puissance politique. Elle Permettait ainsi d’inverser le rapport des forces en faveur des couches laborieuse, contrairement au phénomène enregistré dans l’autre pays ou l’indépendance nationale a permis aux plus riches de s’enrichire d’avantage, de corrompre des hommes politique ou des fonctionnaires et d’accaparer le pouvoir.
La seconde mesure détruisait en parie l’un des piliers de l’impérialisme et du néo-colonialisme. Elle ouvrait la voie a la consécration de l’initiative des travailleurs occupant les fermes ou les usines de leurs anciens maîtres et assurant la continuité du travail et la production.
L’autogestion se trouvait ainsi inscrit dans les faits les décrets des 22 et 28 mars allaient lui donner une base légale et juridique et assurer l’émergence d’un secteur socialiste dans une économie jusqu'alors entièrement fondée sur l’appropriation privé des moyens de production.
Toute notre politique a été dominée par le souci constant de créer les conditions favorables à l’édification socialiste, sans provoquer un effondrement de notre économie, générateur de troubles sociaux. Ainsi, dans le domaine agraire, la compagne labours et la compagne-moisson qui ont mis en valeur l’aide technique et financière de l’état aux petit paysans individuels, les compagnes de reforestation sont des faits sans précédant dans l’histoire de note pays. Les nationalisations des grands domaines puis la reprise en main des dernières terres des colons en octobre 1963, sont autant d’initiatives se complétant les unes les autres et tendant toutes à restructurer sur les bases nouvelles l’agriculture algérienne et à faire de nos paysans, des producteurs libérés des entraves de la nature et de l’exploitation des hommes. Dans les autres secteurs de notre économie, les nationalisations ont été également importantes. Citons pour mémoire les compagnies de transport, les tabacs et allumettes, Acilor et les verreries d’Oran, les lièges et l’alfa et aujourd’hui encore, les minoteries et fabriques de pâtes alimentaires.
Dans cette orientation, le peuple algérien et particulièrement les masses laborieuses ont su tout de suite discerner un souffle nouveau, une manière de résoudre progressivement leur problèmes.
Le facteur humain a été ignoré ou sous-estimé tant par les techniciens français restés en Algérie que par les espères que nous avons consultés. Leurs pronostics prétendument scientifiques étaient sombres. On nous affirmait qu’il était impossible de labourer un million d’hectares, de conserver le conserver le vignoble, d’agrumes, enfin d’éviter la famine. On est allé jusqu'à nous recommander, pour freiner la dégradation inévitable de notre agriculture, de maintenir en place les colons français et de retenir à tout prix les Borgeaud, de calan et autres Germain, en las associant à l’état dans le cadre de sociétés mixtes agricoles, comparables à celles du secteur industriel.
Contrairement à ces prévisions pessimistes, nous avons labouré trois millions d'hectares au lieu d’un million. Notre production loin d'avoir baissé de 30 à 40 % comme les experts Ie président, a augmenté, grâce à une bonne pluviosité sans doute, mais aussi au dynamisme et à la conscience des masses laborieuses et des petits fellahs. De même, Ie départ des colons n'a ni tué Ie vignoble ni empêché la vinification de se faire convenablement.
Notre première année d'indépendance a été une année, non de misère, mais de prospérité. Ce magnifique résultat a été rendu possible par I'effort de tous, et soulignons-le, I'aide désintéressée apportée aux travailleurs agricoles par les volontaires des villes : les mécaniciens qui ont remis en état les installations, les comptables, etc....
La solidarité entre les hommes sur cette terre encore fraîchement arrosée du sang des martyrs s'est manifestée d'une manière éclatante. Elle exprime et la fois I'adhésion des masses populaires à la politique du FLN et leur active participation et I'édification socialiste du pays.
Le succès triomphal de la compagne pour le Fonds national de solidarité qui a permis. de venir on aide aux sinistrés du Sud et de mener une action sociale on faveur des déshérité des régions économiquement retardataires, des cireurs, dos mendiants et de ceux qu'un leg, encore lourd hélas, condamnait à être des hommes diminués, on fait foi. Notre but est de faire disparaître les lézardes de nos murs. Nous, ne serons pas totalement fibres tant qu'il y aura dans notre pays des hommes encore agenouillés.
C'est pourquoi, notre effort sur le plan social a été considérable. Nous sommes I'un des rares pays à consacrer le onzième du budget à la santé publique. Notre action on faveur de I'enfance déshéritée a permis d'obtenir des résultats que peu de pays ont atteint après plusieurs années d'effort. Les enfants de nos chouhada comme ces petits cireurs qui avant I'indépendance faisaient partie du décor algérien pour la grande satisfaction des touristes ont trouvé aujourd’hui dans des centres confortables des moyens d'existence et de formation qui leur donnent toutes les chances d'être parmi les meilleurs bâtisseurs de la société nouvelle.
Ce que nous voulons pour nous, nous le voulons également pour les autres. Nous I'avons démontré par nos actes Notre appui indéfectible à Cuba, quel qu'en fut le prix, notre aide financière et matérielle à l'Angola, au Mozambique, à la Guinée dite « portugaise, et à I'Afrique du Sud que notre soutien constant à tous les mouvements de libération, expriment notre fidélité au principe intangible du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et notre intransigeance à I'égard de I'impérialisme et du colonialisme.
La libération des pays encore dépendants en Afrique, est une condition de la Liberté, de l’unité et de la promotion du continent africain. C'est ce que nous avons contribué à faire valoir à Addis-Abeba. La nécessité de I'unité africaine a été inscrite dans la charte de I'OUA à laquelle nous avons su demeurer fidèles même lorsqu'il s'est agi du conflit qui nous a opposé au Maroc.
C’est que notre option en faveur de I'unité africaine est une option fondamentale. Car nous sommes convaincus que notre indépendance et notre développement sont étroitement liés l'indépendance et au développement de tout le continent africain. De même que tous les pays africains sont directement concernés par le succès, de notre révolution. Cette communauté d'intérêts, source d'enrichissement mutuel, vient renforcer les affinités déjà existantes.
Notre ligne politique qui tendait avant tout l’élimination des ingérences étrangères et de I'impérialisme, nous a conduit également à jouer un rôle positif à la réunion du sommet arabe ou nous avons aidé au rapprochement entre pays frères engagés dans une même lutte contre la menace sioniste.
Cette lutte contre Israël nous avons contribué à la redéfinition .non comme une lutte à caractère racial, mais comme un combat légitime des Palestiniens contre les envahisseurs étrangers qui les ont chassés de leurs foyers. La création d'Israël est une entreprise de même nature que la tentative des racistes français de réaliser Algérie une sorte d'Union Sud-africaine, ou une minorité d'Européens domine et exploite tout un peuple. Comme on Union Sud-africaine le racisme est virulent on Israël, non seulement à l'égard des Arabes musulmans ou chrétiens mais également à l'égard des juifs non-européens. L’état d’Israël que certains s’évertuent à présenter comme un pays progressiste. est également un agent actif de pénétration impérialiste, surtout on Afrique. En faisant valoir I'idée que le combat contre Israël était un combat do type colonial contre I'impérialisme et le racisme, nous avons contribué a susciter des prises de conscience et une évolution des esprits dans le monde et à gagner de nouveaux soutiens a la juste cause de nos frères palestiniens.
On a été d'autant plus enclins à nous écouter que la révolution algérienne exclut tout racisme. Ce n’est pas chez nous qu’on empêche les Chrétiens et les juifs de pratiquer leur culte. Notre Constitution fixe comme l'un des objectifs; fondamentaux à la lutte contre toute discrimination, notamment celle fondée sur la race et la religion « Ainsi, notre révolution engagée dans la voie du socialisme, demeure fidèle au hadith du prophète
« Il n y a aucune supériorité d l'Arabe sur le non-arabe, ni du Blanc sur le Noir, sinon par la piété ».
Alors qu'il on va tout autrement dans certains pays qui prétendent nous donner des leçons.
Notre proposition d'élargir le groupe afro-asiatique aux pays latino-américain est une autre illustration de notre effort créateur. Cette dimension nouvelle permettra d'accroître les forces de progrès et de paix dans le monde.
Ces forces conjuguées joueront un rôle décisif dans la politique mondiale et notamment dans la recherche de la paix qui ne saurait demeurer la seule affaire des grandes puissances.
Mais tout on étant sincèrement désireux d'apporter tout notre concours à la consolidation de la paix mondiale et a I'instauration de la coexistence pacifique, nous n'acceptons pas que des problèmes essentiels soient escamotés.
C'est pourquoi, on saluant I'accord de Moscou comme un premier pas dans cette voie nous affirmons que loin d'être incompatible avec la lutte pour la paix mondiale, le combat libérateur des peuples contre le colonialisme et le fascisme, on est un élément essentiel. Le péril atomique doit être écarté car il signifie la destruction de I'humanité. Cependant il n'a pas supprimé la différenciation entre guerres justes et injustes.
Notre action sur le plan diplomatique s’inscrivait donc dans le cadre d'une politique dynamique, indépendante et désintéressée Et cela nous a valu une plus grande audience.
Chers frères, chères sœurs.
Dans le feu de I'action se sont forgées les conditions d’une reconstruction doctrinale qui redonnera, nous on sommes sûrs, un visage nouveau à notre pays. Grâce à cette action, les problèmes sont devenus plus clairs, les choix plus simples. Aujourd’hui, il est possible d'envisager le FLN comme un parti homogène tirant sa force d'une base essentiellement paysanne et ouvrière, et de mettre on place des structures appropriées à notre option socialiste. C’est là I'objet du nouveau programme.
Pourquoi un nouveau programme ?.
Le programme de Tripoli qui était notre Charte a eu le mérite essentiel de situer clairement et pour la première fois, les forces sociales qui déterminaient le caractère de notre révolution. Il nous et permis aussi d'approfondir sur le plan idéologique notre connaissance de la révolution et de délimiter les forces d’inertie qui s'opposaient à notre marche on avant. II a servi de cadre de référence à notre approche des problèmes nationaux et internationaux. Mais depuis son élaboration et sa mise on pratique, des données nouvelles sont apparues; des pas réels on avant ont été enregistrés. Ainsi I'autogestion, fruit de l'initiative Populaire, est devenue une réalité vivante, un fait de la vie quotidienne.
L'appareil d’état est entre nos mains; nous I'avons expérimenté, nous avons apprécié son apport et ses limites. il nous fait donc enrichir le Programme de Tripoli et donner une formulation concrète a nos aspirations.
Le nouveau Programme fixe les buts de I'action consciente des militants et ces masses laborieuses de notre pays. Il fixe en même temps les voies et les moyens de leur réalisation : ceux qui chercheraient à y trouver une réponse à tous les problèmes philosophiques n’ont pas une conception juste de ce qu’est un programme. Ce n'est ni un traité de philosophie, d’économie ou d’histoire, ni un code de recettes pratiques pour la solution de tous les petits problèmes.
Un programme trace un cadre d'action. Ce qui est essentiel, ce n'est pas chaque affirmation prise en soi mais la ligne générale qu'il développe. Cette ligne doit être claire pour tous. Elle se résume en ceci :
- Une économie nouvelle,
- Un Etat nouveau,
- Un Parti nouveau.
Un programme n’est pas un dogme. une chose figée donnée une fois pour toutes cuir la pratique peut permettre de l'enrichir de le rectifier. Mais cet enrichissement, ces rectifications doivent toujours aller dans le sens d'un progrès, dans le sens de la consolidation des mesures prises on faveur des masses laborieuses. Dans le Programme de Tripoli, nous portions de la planification de l'Economie avec la participation des travailleurs à sa gestion. Nous ne pensions pas alors déboucher aussi rapidement sur l'autogestion qui à été, dans d'autres pays, le fruit d'une lente évolution s’étalant sur de nombreuses années.
C'est que l'initiative populaire et les conditions particulières de notre accession à l'indépendance ont constitué des facteurs d'accélération et précipité le choix d'un système qui répond en même temps qu'à la réalité, à l'aspiration des masses laborieuses.
Le programme qui vous est présenté est celui d'un parts au pouvoir. il ne contient pas seulement ce que le parti veut réalisé mais ce qu'il a déjà réalisé en partie. C’est à travers son étude qu'on pourra connaître nos succès et nos erreurs. ce qui est appelé dans notre pays à grandir et d s'affermir et ce qui est appelé à disparaître à mourir. Ce qui mourra, c'est l'exploitation de I'homme par l'homme et toutes les mentalités rétrogrades qu’elle charrie avec elle : le vol, le pillage, la recherche des privilèges et du profit il licite, il faut donc connaître les thèses et l'esprit qui les animent. La condition essentielle d'une révolution est d'être faite non seulement par le peuple mais également pour le peuple. C'est une vérité de base en. Algérie. Quiconque s'en écartera connaîtra nécessairement la désaffection populaire. La participation la plus large et la plus profonde des masses algériennes a assuré la marche de la révolution et l’empêché de s'enliser dans les ornières de la compromission. Elle seule peut assurer son avenir. Notre devoir est de lui apporter I'unité et la clarté que symbolise un parti révolutionnaire.
Le destin de notre peuple ne doit pas se décider à travers des luttes et des discussions sur la meilleure façon de diriger le peuple. Notre mot d'ordre central est le suivant : « Pas de révolution par procuration. Tout par le peuple, tout pour le peuple »
A ce sujet, j’aimerais faire une mise au point sur le problème qui n'a que trop faussé nos débats et qui exprime beaucoup plus une mentalité féodale et une tendance à se mettre au-dessus du peuple qu’autre chose. II n'y a pas d'historiques. Les seuls historiques se sont Ceux-1à qui ont versé généreusement leur sang pour la libération . Didouche, Ben M'Hidi, Ben Boulaid, Zabana. Lotfi. El Haoues, Bouguerra, Amirouche et tant d'autres noms glorieux. Les seuls historiques sont ceux-1à qui aujourd'hui à la sueur de leur front et dans I'anonymat, travaillent patiemment reconstruire le pays Pour reprendre une expression que des hommes induits en erreur ont utilisée contre moi, je dirai : « II n'y a qu ‘un seul héros, le peuple ». Tant il est vrai que le plus grand des héros ne peut rien sans le peuple. Ce ne sont pas la pour nous des mots vides de sens, Nous l'avons démontré concrètement en confiant aux paysans et aux ouvriers la gestion des moyens de production, en permettant aux producteurs lors du congrès du secteur autogéré agricole et du congrès autogéré industriel de débattre eux-mêmes de leurs problèmes et d'y apporter les solutions adéquates ...
Mais si la participation des masses est une condition nécessaire à leur prise de conscience, celle-ci trouve dans la lutte sous toute sa forme l’instrument privilégié de leur épanouissement. Ne pas montrer au peuple son ennemie en dénonçant leurs manœuvres ne pas de mobiliser contre eux, c’est rendre plus difficile I'exercice du rôle dirigeant des forces socialistes, la prise de conscience des masses grâce à la butte idéologique contre les conceptions erronées est 1'élément sans lequel les dirigeants les plus clairvoyants et les plus révolutionnaires ne peuvent rien entreprendre de positif. Si la lutte contre les idéologies réactionnaires n'est pas menée d’une manière impitoyable, les masses les plus radicales restent impuissantes.
En Algérie, le caractère nécessairement populaire de notre socialisme déroule de l’histoire même du mouvement national. L'échec des compromis qui tendaient à stabiliser les rapports sociaux au profit des couches privilégiées témoigne de la puissance et la vigilance de nos masses. Chaque fois qu’une direction s'embourgeoisait et abandonnait la défense des intérêts du peuple, elle croulait sous la pression des militants les plus avancés et les plus liés au peuple, même quand ces militants représentaient une minorité.
La maturité politique de nos masses, leur soif de justice et d'égalité, leur haine de l'oppression appellent une démocratie authentiquement, populaire c'est-à-dire fondée en premier lieu sur la suppression de I'exploitation de I'homme par l'homme.
Le FLN à ses débuts, a exprimé toutes les caractéristiques du peuple algérien. II a été I'héritier et le continuateur des pionniers de la lutte anti-impérialiste, d’Abd El Kader à l'étoile Nord-Africaine et au Parti du Peuple Algérien dont les militants tels que Kahal Arezki, Asselah, Cherafa Brahim, Laimeche, Belouizdad ont ouvert par leur dévouement et leurs sacrifices la voie à l'insurrection du Premier Novembre 1954.
Notre Révolution Socialiste
Notre révolution a été dès sa naissance démocratique et populaire au sens le plus large du mot. En occupant les terres et les usines vacantes, les paysans et les ouvriers de notre pays ont créé les bases objectives d'un socialisme en Algérie dans la logique de l'esprit qui a animé les premiers résistants. Une fois encore, le peuple a esquissé lui-même la voie qui permettait de dépasser les faux problèmes et les fausses querelles. En donnant une forme consciente à l'initiative populaire par les décrets de mars, le pouvoir s'est identifié à la révolution et s'est dressé résolument sur le chemin de ceux qui rêvaient de se partager le gâteau.
Grâce à l’action des masses, nous avons compris la nature des erreurs et des déviations des directions qui ont présidé jusqu'alors aux destinées du peuple algérien. Et c'est pour cette raison que nous avons analysé notre histoire en fonction de notre option socialistes. Aujourd'hui il est nécessaire de continuer dans la perspective ouverte par des masses laborieuses pour aboutir à une société fondée sur les principes socialistes. c'est-à-dire impliquant
La répartition juste des richesses,
- La répartition égale de la culture,
- Le pouvoir aux producteurs.
Ces principes dont I'application est liée au développement et aux progrès du pays ne sont pas à rejeter aux calendes grecques, mais doivent exister- à l'état embryonnaire dans chacune des mesures que nous serons amenés à prendre. Toute mesure partielle doit nous mener de l'avant car nous ne devons pas oublier une vérité élémentaire : le succès d'une mesure n'est pas indépendant des forces sociales en présence. II n'est pas indépendant du rapport de forces sur le terrain entre les partisans du socialisme d'une part, les partisans ouverts ou déguisés du capitalisme d'autre part. La lutte pour le triomphe du socialisme sera longue et difficile. Il n'y a que les bavards et les irresponsables pour croire qu’on peut passer par un coup de baguette magique, d'une économie déficiente, encore fortement marquée par les conséquences du régime colonialiste, d’une économie socialiste. Tout pas nouveau en avant a pour point de départ les conditions économiques, sociales et culturelles héritées du passé. Ignorer ces conditions, c'est verser dans I'irresponsabilité politique et sociale et se condamner à une vaine agitation. Quelles sont donc ces conditions ? Le rapport additif au programme qui traite de la situation économique et sociale au lendemain de l'indépendance est suffisamment éloquente à ce sujet, je me limiterai donc à un certain nombre d'observations que j'aurai d'ailleurs l'occasion de reprendre en examinant les problèmes de I'Etat et du Parti.
L’héritage du passé
Au moment de la formation du premier gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire, le pays se dégageait à peine du chaos. L'activité économique du pays était encore paralysée : des usines fermées ou sabotées; le trafic maritime arrêté ; les circuits de distribution coupés, etc. ..., Avec l'afflux des ruraux et des regroupés vers les villes, le chômage s'aggravait. La chute brutale de l'encadrement technique agissait d'une manière négative sur la productivité comme sur le maintien du potentiel de production. L'exportation de capitaux battait son plein, les entrepreneurs mettaient - à profit la situation politique encore confuse pour désinvestir, ne pas renouveler leurs stocks et transférer la contre-partie de leurs biens en France. Sur le plan monétaire il y avait une véritable crise de liquidité aggravée par le fait qu'il y a eu des cessations de paiement de la part des Européens. Le volume de la monnaie circulant dons les banques qui assuraient la plus grande partie des échanges entre entreprises, était de 60 pour cent du chiffre de décembre 1961. En plus de tout cela l'Etat ne percevait plus ses droits et voyait ses ressources s'amenuiser. Par ailleurs, des cadres politiques se sont retirés de l'activité militante pour se consacrer à leurs propres affaires. Un état d'esprit caractérisé par la recherche du gain et de la jouissance matérielle se taisait jour. La marche de I'administration était freinée par des règles complexes, le cloisonnement entre les administrations et les rivalités entre les services. Tous ces phénomènes négatifs avaient pour toile de fond une base économique faible, sous-développée dépendante de la France, un pouvoir politique assaillit par les clans mais décidé à assurer le redémarrage des activités de production dans l'industrie et dans l'agriculture à remettre en marche l'administration, à créer les conditions politiques de le non-intervention étrangère et à clarifier la situation intérieure pour relancer la révolution.
Dans les taches que nous nous sommes assignées, nous pouvons dire que nous avons réussi.
Nos difficultés et nos limites ont des bases objectives. Nos erreurs sont celles d’hommes qui avancent et qui rectifient en cours de route. Nous marchons au rythme de nos paysans et de nos ouvriers qui dons les moments tragiques de I'histoire de notre pays ont su demeurer les gardiens vigilants de son patrimoine. Nous n'avons jamais prétendu être des faiseurs de miracles. Ce rose ne nous sied guère, il revient de droit aux professionnels de la mystification.
La contradiction entre les besoins et les possibilités matérielles ne s'atténuera que lorsque notre économie atteindra un haut niveau de développement, à l'heure actuelle, l'existence de forces hostiles au socialisme est inévitable. Ces forces ne peuvent être supprimées d'une manière autoritaire ou par des mesures administratives. Tant que, nous n'avons pas extirpé définitivement les racines du capitalisme, l'ennemi intérieur gardera une base d'appui. Nous devons donc nous appuyer fermement sur les paysans et les ouvriers, consolider leur alliance, renforcer leurs positions sociales et combattre sans merci le contre-révolution représentée par des groupes tels que le FFS, le PRS et autres, ainsi que le libéralisme abstrait véhicu1é par les couches moyennes et certains intellectuels.
C'est là le rôle de I'Etat et du Parti.
L'Etat
Avant d'aborder la question de l'Etat, de sa nature et de l'importance de son rôle dans la destruction des structures capitalistes et l'affermissement de structures socialistes, il nous faut faire un certain nombre de constatations qui rendront nos appréciations ultérieures plus objectives.
Premièrement
Nous n'avons pas de traditions étatiques. Cette situation est une conséquence de la forme de domination qu'à connue notre pays. En Tunisie et au Maroc, le colonialisme a, lors de sa pénétration, conservé I'Etat national. Il s'est contenté seulement de doubler chaque département Tunisien ou marocain d'un département français correspondant.
De ce fait, de nombreux cadres tunisiens et marocains ont acquis une expérience du pouvoir. Il faut ajouter d'ailleurs que le mouvement national, dans les deux pays frères, a trouvé un appui important chez les fonctionnaires et les cadres supérieurs de I'Etat. Au lendemain de I'indépendance de ces deux pays, le problème de la relève s'est posé en termes relativement simples. Les militants étaient déjà, en partie, au volant de la machine de I'Etat et l'élimination des éléments compromis avec le colonialisme s'est faite sans grand tapage. II n'en a pas été de même en Algérie ou le mouvement national a faiblement marqué le milieu des fonctionnaires algériens Ceux-ci étaient d'ailleurs limités à quelques exceptions près dans des tâches mineures.
Deuxièmement
Au cours de le guerre de libération. les efforts déployés en matière de formation de cadres n'étaient pas orienté d'une manière systématique en fonction de I'indépendance du pays.
Troisièmement.
L'assistance technique étrangère occupe une place importante dans la vie de I'Etat, particulièrement au sein des catégories A et B des fonctionnaires.
Quatrièmement
Certaines régions du pays sont totalement sous-administrées.
Ce sont la des données de base pour comprendre que le problème de l'épuration de l'administration qui doit être considéré en termes strictement politiques ne peut être pensé d'une manière simpliste. Pendant toute une période le problème essentiel est celui du contrôle politique de l'administration et de sa refonte à la lumière de nos options. C'est dans le feu des batailles que 1'Etat nouveau mûrira et se perfectionnera. C'est dans la défense des intérêts des ouvriers et des paysans, dans la lutte contre les privilégiés qu'il se forgera. A cet égard, il faut combattre sans répit la tendance de ceux qui affirment que la construction de 1'Etat est un préalable à la révolution. Une telle vole est fausse. Elle aboutirait, si on la prenait, à remettre le pouvoir entre les mains de ceux qui actuellement possèdent la culture et l'expérience politique, c’est-à-dire en gros, aux éléments liés à la bourgeoisie. Il faut donc dénoncer la théorie de la construction préalable de I'Etat, démontrer aux masses que c'est la théorie des confiscateurs.
Notre Etat appartient aux travailleurs et à tous ceux qui se prononcent pour le socialisme. C'est grâce à son rôle et à la mobilisation des masses que seront écrasés les ennemis du socialisme.
Dans notre tache de construction de 1'Etat, notre but essentiel doit être de diminuer au maximum la distance entre les gouvernants et les gouvernés, d'associer au maximum les citoyens et particulièrement les producteurs aux taches de direction et de conception. L'autogestion agit d'ailleurs dans ce sens. Il faut également réduire et simplifier les rouages de I'Etat, réagir vigoureusement contre le formalisme bureaucratique des administrations centrales à 1'égard des administrations locales, et des administrations en général à 1'égard des administrés. Le formalisme fait des ravages.
Quand quelqu'un se rend dans un bureau, on s'adresse souvent à lui comme à un expert. Peu d'Algériens moyens, par exemple. savent comment remplir leur fiche d'impôts ou de sécurité sociale. Dans de nombreuses localités, le receveur des contributions est seul pouvoir le faire. Dans un pays ou le niveau culturel est bas. le formalisme des administrations est le meilleur moyen de faire proliférer les écrivains publics et autres professions parasitaires.
Par ailleurs, il est temps de régler d’une manière judicieuse la répartition du travail entre les organes centraux et les communes en tirant toutes les conséquences de l'application de I'autogestion.
Cependant notre volonté de diminuer la distance entre gouvernants et gouvernés ne doit pas nous faire sous-estimer le rôle de I'Etat. Le nouveau programme n'est pas très explicite à ce sujet. L'Etat n'est pas la simple soumission de la minorité à la majorité. C’est un corps qui impose au nom des intérêts des masses laborieuses sa loi aux privilégiés. Aussi longtemps que subsisteront des noyaux capitalistes et le désir de l'enrichissement privé, une contrainte organisée doit s'exercer les citoyens pour que ceux-ci ne dilapident pas le patrimoine national et ne s'approprient pas une part démesurée du fonds de consommation. Sur le plan de l'Etat nous avons trois tâches urgentes :
1) Entamer une première réorganisation des communes par I'intégration des comités d'animation socialiste aux conseils populaires communaux et faire procéder aussitôt aux élections communales,
2) Exercer un contrôle rigoureux à 1'égard des organismes de I'Etat;
3) Installer au niveau du Bureau politique un service dont le rôle serait de recueillir toute suggestion ou critique émanant des militants ou du peuple, ce qui permettrait de réparer les erreurs, de mettre fin aux abus de pouvoir, aux sabotages et à l'ostracisme dont sont parfois victimes des militants authentiquement sociales.
Du Parti
Je passe maintenant à la question du Parti C'est le point plus important de nos travaux. Au sortir de la guerre de libération. Le FLN était constitué de courants disparates mus par des orientations différentes. L'absence d'un cadre organique régulier avait réduit en fait sa vie intérieure à celle des organismes dirigeants. Aujourd'hui, il se présente, grâce aux mesures révolutionnaires prises par le pouvoir, sous un jour nouveau. Sa refonte et sa transformation se sont fait au travers des batailles politiques successives. Elles ne se sont pas accomplies sans convulsions. L'intervention des masses et des militants à chaque foie, permis de surmonter les difficultés.
Aujourd’hui, il n'est pas question pour nous de ressusciter la forme passée du FLN mais de construire à partir de ce qui existe un outil apte à détendre et à promouvoir d'une manière conséquente, le socialisme. Certes, aucune recette ne peut donner le socialisme si l'Algérie ne le porte pas en elle. il n’en demeure pas moins vrai cependant que notre société a besoin d’un moteur. Ce moteur, c'est te Parti unique, un parti conscient des intérêts des masses laborieuses, un Parti décidé et qui donne sa signification réelle à toutes les initiatives populaires. Pour renforcer sa liaison avec les masses laborieuses, le Parti doit avoir une appréciation juste de ses rapports avec elles. Nos militants doivent éviter d'apparaître comme des conseillers car ils incarnent la partie la plus consciente du peuple, ils ne doivent pas se substituer de lui mais s'instruire auprès de lui et tendre toujours à le faire agir aussi directement que possible. L'autoritarisme et I'esprit de suffisance sont é combattre avec la dernière énergie car ils affaiblissent le rôle du Parti et facilitent les agissements des forces hostiles au socialisme.
C'est ici le lieu de dire que si I'unicité du Parti est une condition essentielle du succès, elle ne va pas sans dangers. Il faut que nous soyons particulièrement vigilants à ce sujet et que nous empêchions le Parti de devenir un instrument docile, bon pour la claque, un gouvernement de béni-oui-oui, ou un monstre qui asservirait le peuple. Pour éviter de tels dangers, il faut que s'imposent dans les faits les méthodes démocratiques qui garantiront d'une part la liberté de discussion et de critique au sein des organisations du Parti et d'autre part un dialogue permanent avec les masses.
Dans le combat pour I'application du socialisme, une ligne juste ne suffit pas. Il n'y a pas de succès spontané. Tout se réalise dans une lutte acharnée pour l'application de la ligne du Parti. Le refus de tenir compte des conditions subjectives et objectives, de se livrer à un travail lent et patient de persuasion débouche inexorablement sur I'isolement du Parti. Ceux qui se réclament en permanence de leur passé pour se mettre au-dessus des masses, donnent une fausse idée du Parti, détruisent les bases de son discipline et limitent son audience. Notre devoir est de les aider à corriger leurs erreurs, de leur montrer que militer est une servitude et non un privilège. Main pour rompre avec les méthodes du passé, développer l'esprit de responsabilité chez les militants et les cadres, I'organisation démocratique du Parti sur la base de nouveaux statuts revêt une importance primordiale.
Le principe d'organisation du Parti est le centralisme démocratique. Cela signifie que :
1. Tous les organismes de direction aux différents échelons du Parti sont élus;
2. Les organismes de direction aux différents échelons du Parti doivent recueillir l’opinion des organisations inférieures;
3. Les organisations inférieures rendent compte de leurs activités aux organisations supérieures,
4. Le principe de la direction collective régit les organismes dirigeants. Mais ce principe reste lié à la responsabilité individuelle;
5. les membres du Parti, doivent se soumettre aux organismes du Parti, la minorité à la majorité, les organismes inférieurs organismes supérieurs: tous les organismes du Parti doivent soumettre au congrès national et au Comité central.
D'autres questions relatives aux statuts doivent retenir notre attention d'une manière particulière. Il s'agit de 1'élargissement de la cellule, de la composition sociale du Parti, du rôle des cellules d'entreprises, de la cohésion du Parti.
Jusqu'alors notre vision du Parti d'avant-garde était restée limitée. L'importance de la cellule comme noyau décisif de la liaison entre le Parti et les masses nous échappait. C’est pourquoi I'organisation du Parti s'identifiait à celle qui existait dans la clandestinité : cellules comportant un nombre restreint de membres, foisonnement des hiérarchies entre la base et le sommet. Cette situation constituait incontestablement un frein sur l’initiative de la base, donnait la prépondérance aux appareils. Il en va autrement désormais.
Les organisations de base seront les chevilles ouvrières du Parti.
La composition sociale du Parti soulève des questions de principe. Le projet de statuts exige qu'un membre du Parti n’exploite pas le travail d'autrui. Avec les progrès de 1'édification réalistes, l’exploitation du travail d'autrui refluera Mais il existe encore chez nous des exploiteurs et I'esprit d'exploitation. Notre Parti ne peut tolérer sans risquer la dégénérescence et I'embourgeoisement que les exploiteurs pénètrent ses rangs.
Le projet de statuts stipule également que le Parti dot tirer sa force des paysans et des ouvriers. Cela va de soi. Le vandalisme vise d'abord à la libération de ces forces sociales. C'est leur organisation démocratique, leur action au sein du Parti qui feront sa force.
An cours de cette année, 11 faut avoir pour règle générale de n'accepter au Parti que les adhésions de paysans pauvres et d'ouvriers pour renforcer le travail du Parti au niveau de la production. Dans ce cadre, les cellules d'entreprises auront un grand rôle. à jouer. Mais pour éviter que les membres du Parti à I'usine ne se substituent aux syndicats et ne les transforment en simples courroies de transmission, nous leur avons assigné des tâches d'animation et de vigilance, l’action sur les plans économique et social restant du ressort du syndicat.
Dans la mesure où les membres du Parti à l'entreprise assument exclusivement des tâches politiques, ils doivent surtout militer dans le quartier et aider au développement des activités du Parti. Les militants doivent donner l'exemple par leur dévouement et leur abnégation à 1'égard du peuple.
La cohésion du Parti, son unité sont nécessaires à son rayonnement. Le Parti ne se développe pas indépendamment de son entourage, car il ne vit pas en vase clos. Les aspirations des diverses couches sociales, les tendances bureaucratiques cherchent donc inévitablement à trouver une expression politique en son sein.
De ce fait, 1'élaboration de I’opinion du Parti ne doit pas exclure la discussion. Mais l'application des décisions du Parti et la préservation de son unité dépendent également de 1'éducation de ses membres, II nous faut étudier pour mieux diriger, accentuer le travail idéologique à tous les échelons, mettre à nu et combattre les courants hostiles au socialisme. Le bureaucratisme et I'absence d'éducation, voilà les principaux ennemis de la cohésion du Parti. Il y a aussi le carriérisme et l'opportunisme. Il faut prendre des mesures rapides pour chasser de nos rangs les carriéristes et les opportunistes, ceux qui utilisent le Parti à des fins personnelles.
Les militants du Parti doivent remplir certaines conditions pour être dignes du peuple qu’ils veulent servir. Ces conditions nous ramènent à la constatation qu'une révolution réellement au service du peuple, ne peut être dirigée fidèlement et jusqu'au bout que par des hommes qui s'intègrent à lui et vivent sa vie.
Une de nos principales tâches est de fixer un maximum de traitement pour les militants et les cadres du Parti dans notre organisation comme dans 1'Etat. nous faut répondre aussi aux exigences de tous les militants en prenant la décision de demander aux cadres du Parti une déclaration sur les biens possédés ou acquis depuis novembre 1954. Cette décision devra s’étendre à tous les responsables de I'Etat, et quelque échelon que ce soit. Le succès de notre révolution dépend aussi de la valeur des cadres du Parti. Il est donc indispensable que nos cadres soient les meilleurs militants, forgés dans la lutte et ayant atteint un haut degré de lucidité et de conscience révolutionnaire.
Les organisations
de masses
Il nous reste, avant de passer en revue certains problèmes importants contenus dans le programme, à examiner la question des organisations de masses et de 1'Etat dans leurs rapports avec le Parti.
II nous faut d'abord noter le rôle primordial des syndicats paysans et ouvriers dans la construction du socialisme.
Jusqu'ici présent, nous n'avons pas accordé une attention suffisante à leurs problèmes. Mieux, dans beaucoup de milieux, on les a assimilés purement et simplement au reste des organismes de masses.
C'est là une conception fausse. D'ores et déjà nous devons mobiliser tous les travailleurs membres du Parti, leur expliquer 1'importance des syndicats et la nécessité d'y adhérer. La valeur du travail accompli par les syndicats dépend de la défense des intérêts économiques et culturels des travailleurs et aussi de leur aptitude à favoriser I'augmentation de la production et de la productivité.
Les organismes du Parti doivent demander l'avis des membres du Parti qui militent aux syndicats chaque fois qu'ils auront à examiner des problèmes concernant les masses ouvrires. Le rayonnement de la politique du Parti dans les syndicats est étroitement lié à la capacité de nos militants de résoudre les problèmes concrets posés par les ouvriers. Ce n'est pas le prestige du Parti que donnera une audience à nos militants dans les syndicats, c'est leur travail qui doit accroître le prestige du Parti. Il faut en finir avec les méthodes que consistent à s'imposer d'en haut et de faire des syndicats line simple courroie de transmission. Il faut conquérir la place par une lutte patiente et obstinée, une explication constante de la justesse de la politique du Parti. Le Parti doit choisir ses responsables syndicaux parmi les éléments qui travaillent. Eux seuls peuvent trouver un contact rapide avec les larges masses ouvrières, à l'heure actuelle, la tâche principale des syndicats est d'aider à la consolidation du secteur autogéré et de s'occuper en priorité des ouvriers saisonniers.
En plus des syndicats qui expriment les besoins des ouvriers, la jeunesse du FLN et I'Union Nationale des Femmes Algériennes représentent un potentiel révolutionnaire qu'il serait vain de sous-estimer.
Par son importance numérique et son dynamisme, la Jeunesse est la force vive du pays. La JFLN se doit de I'impulser, de l'entraîner dans les tâches d'édification à travers le volontariat. Elle constitue pour notre Parti le meilleur moyen de transmission des traditions révolutionnaires de notre pays et de notre peuple.
Si la tendance à opposer les jeunes aux vieux n'est pas juste, la tendance à écraser les jeunes sous le poids des arguments d'autorité est également de rejeter. Si nous travaillons trop de précipitation, si nous cherchons des comprendre I'origine des aspects défectueux de la jeunesse pour y porter remède, avec elle et non en dehors d'elle, nous aurons dans quelques années une génération de militants d'un genre nouveau la génération des bâtisseurs du socialisme.
Il en va de même pour l'Union des femmes. La libération de la femme n'est pas un aspect secondaire qui se rajoute à nos autres objectifs. Elle est un problème dont la solution est un préalable à toute espèce de socialisme. La situation de la femme fait d'elle une farce révolutionnaire inépuisable. La guerre l'a suffisamment démontré. Il ne s'agit pas pour nous de mettre seulement la femme sur un pied d'égalité avec I'homme sur le plan du droit, il faut aussi et surtout la faire participer pleinement tous les aspects de la vie. Notre Parti ne doit pas accepter que la société algérienne soit amputée de moitié. Dans le cadre des valeurs morales de notre peuple, l’UNFA doit rassembler les femmes, progresser et se soustraire I'influence des salonards et des dames-patronnesses. Elle doit devenir une force vivante, animée par des militantes jeunes, des travailleuses de la campagne et de la ville rompue à la lutte systématique contre les préjugés sociaux qui tendent à faire de la femme un être mineur.
Rapports
entre I'Etat et le Parti
Examinons pour en finir avec les instruments de la réalisation du socialisme, la question des rapports entre le Parti et I'Etat. C'est un domaine ou la confusion fait des ravages. Si une clarification sérieuse sur ce sujet n'est pas entreprise à temps, on aboutira sans doute à la destruction de I'autorité de I'Etat et du Parti tout cela évidemment au nom de la Révolution, des mérites passés, etc. .
Les militants sont groupés différemment dans I'appareil de l’Etat et dans le parti.
Dans I'appareil de I'Etat, ils sont disposés hiérarchiquement les uns par rapport aux autres, les militants aux non-militants. Par exemple, un non-militant peut être dans le cadre de I'Etat le supérieur d'un militant; comme un responsable de cellule peut être le supérieur d'un membre du Comité Fédéral.
Dans le Parti, il sont tous égaux et participent à l'élaboration de l'orientation politique. L'avantage du Parti sur I'Etat est de pouvoir réunir I'expérience de tous ses militants et à travers eux celle des plus larges masses, d'en dégager les résultats et de s'orienter en conséquence.
Notre Parti est au pouvoir, il occupe de ce fait une position dirigeante dans I'Etat. Ce n'est pas une raison pour transformer son rôle d’impulsion politique en lui faisant gérer directement tous les organismes d'Etat et on le faisant intervenir dans toutes les questions administratives.
Conçu ainsi, le Parti deviendrait un simple appareil bureaucratique et non un instrument domination politique. Comment alors régler les rapports entre le Parti et l'Etat ?
II faut d'abord que tous les membres du Parti ayant des responsabilités dans le cadre de I'Etat se soumettent à la direction du Parti.
II faut ensuite que le Parti ouvre périodiquement en son sein des discussions sur les questions politiques et sur les problèmes d'organisation de l’Etat.
Il faut enfin que le Parti connaisse les conditions de travail dans les administrations afin qu'il puisse agir et exercer sur elles un contrôle politique réel.
Cette manière de voir les rapports entre le Parti et I'Etat nous éloigne singulièrement de ces interventions quotidiennes dans la vie de l'administration contre lesquelles nous devons mener une campagne systématique. C'est au Parti et non chacun de ses membres ou chacune de ses organisations prise isolément, de rectifier les erreurs de l'administration, les défauts dans les travailles comportements nuisibles à de saines relations avec le peuple.
Cependant toutes les questions que nous avons énumérées ne suffisent pas à éviter la confusion entre le Parti et I'Etat, il faut les compléter. La majorité des membres du Parti au niveau des organismes dirigeants doivent être en dehors de l'Etat. Si la majorité des membres du Bureau Politique ou du Comité central assumaient des, responsabilités étatiques, la confusion entre le Parti et l'Etat entre l'impulsion politique et la gestion directe s'établirait à nouveau.
Quelques remarques
sur le nouveau programme
L'avant-projet de programme qui nous est soumis a dégagé des perspectives, fixé les moyens d'y parvenir. II comporte cependant quelques insuffisances. II nous faudra les pallier.
Par exemple, la partie historique du programme commence au XVI siècle. Je sais, pour avoir participé aux travaux de la commission, qu'il s'agissait avant tout dans cette partie de faire un historique du mouvement national à partir des conditions de l'Algérie de 1830. Mais je pense qu'on aurait pu et qu'on aurait dû aller plus avant dans l’histoire.
L'Algérie n'est pas venue à la vie en 1830. Elle est venue à la vie bien avant l'avènement de la civilisation arabo-islamique. Notre terre à produit des hommes valeureux, pour qui l'amour du sol natal s’identifiait à la lutte pour la vie, contre l'oppression.
Comment évoquer l'Algérie sans parler de Massinissa, de Yougourtha. Notre richesse, c'est la diversité dans I'unité. Que nous importe que les théoriciens du colonialisme ou des ambitieux assoiffés de pouvoir se réclament de cette diversité pour tenter de nous diviser. Ils n’ont pas réussi à le faire dans le passé. Encore une fois, ils échoueront. Il suffit que nous agissions pour libérer les hommes do notre pays, pour décider arbitrairement et à leur place du costume qu’ils doivent porter.
Cependant, je voudrais souligner ici avec force que nous sommes restés et que nous resterons les héritiers de cette civilisation arabo-islamique, qui a été une source d'enrichissement et un facteur de promotion humaine.
En Algérie, l'islam n'a pas été seulement une religion tolérante mais un ferment social libérateur n’a rendu la terre aux anciens serfs des colons romains, et ouvert largement la voie à la science et au programme.
Il y a des journalistes, des hommes politiques et des pseudo-savants à la solde du colonialisme qui ont voulu inculquer à des générations entières d'Algériens que l'Islam était un obstacle au programmes.
Notre Révolution démontre depuis un an et demi que 1'Islam a sur cette terre malgré les réactionnaires et les éléments rétrogrades soucieux de maintenir leurs privilèges, porté à leur plus haut niveau les principes de la solidarité humaine et de la justice sociale.
Nous irons de I'avant et, dans le respect de nos traditions arabo-islamiques, nous construirons le socialisme. Que ceux qui veulent ,souiller 1'Islam en essayant de I'utiliser dans un sens hostile au progrès sachent qu'il ne pourront pas continuer indéfiniment à agir de la sorte, car ils n'ont pu le faire jusqu'à présent qu'en profitant d'une tolérance excessive de notre part et d'une certaine confusion qu'ils contribuent d'ailleurs largement à maintenir : I'Islam. loin d'autre contraire de notre option s'identifie dans l'esprit des masses 1'égalité et va donc dans le sens du socialisme.
L'en arrive à un autre problème, à la fois politique et économique. Il s'agit de l'autogestion. Il faut que chacun comprenne que cette forme de gestion a été conquise de haute lutte par les travailleurs et qu'elle a davantage fait pour le rayonnement de l'Algérie que toutes les déclarations et les discours sur la révolution et le socialisme. Indépendamment de toutes les critiques qu'on peut faire, et il en est de justifiées, les usines remises en marche malgré l'absence d'une aide financière, technique et autre de la part de l'administration qui était alors totalement désorganisée. C'est pour cette raison que l'autogestion est et demeurera pour nous une option fondamentale. La réduire, comme le veulent certains, à un simple droit des travailleurs d'être consultés de temps à autre, c'est en faire un simple contrôle ouvrier et ravaler les travailleurs, dans les faits, au rôle de simples salariés de l'Etat.
Mais l'autogestion n'a pas seulement des adversaires en dehors de l'entreprise, elle en a aussi au-dedans. Il nous faut lutter contre les comités de gestion ou les présidents de comité de gestion qui se mettent au-dessus des travailleurs et agissent comme de nouveaux patrons, adoptent leur style de travail et refusent le contrôle do l'Assemblée ou du Conseil des travailleurs.
Je voudrais cependant mettre-on garde les militants contre une déformation fâcheuse. Notre choix en faveur de l'autogestion ne doit pas nous faire oublier que dans certains cas, compte tenu des conditions économiques et sociales, le développement par le moyen de 1'étatisation peut s'avérer nécessaire. Nous savons que c'est là une voie qui comporte des dangers. Le devoir du Parti est d'être conscient de ces dangers et de les pallier en trouvant les formules qui permettent aux travailleurs de se préparer à la prise en charge des responsabilités de direction.
Il faut parler maintenant de la réforme agraire ou du moins de la seconde réforme agraire, car nous avons déjà connu le première, celle que le départ massif des colons nous a permis de réaliser et que nous avons complété par les nationalisations de mars et d'octobre.
Cette seconde réforme agraire, donc, nous devons la concevoir comme le moyen d'intégrer plus étroitement les petits paysans et les paysans sans terre à la vie économique et politique du pays. II s'agit d'une étape qui permettra non seulement d'assurer une répartition plus équitable du revenu national et de développer La production, mais aussi d'accentuer le clivage entre les forces révolutionnaires et ce qu'on a nommé les forces obscures. De cette obscurité, d'ailleurs, nous faisons notre affaire.
Nous trouverons le moyen d'enlever les voiles et d'éclairer tout ce qui doit être éclairer. La réforme agraire est justement un de ces moyens.
IL existe encore en Algérie 8.500 exploitations privées disposant chacune de plus de 100 hectares et 15.000 explorations de plus de 50 hectares. Ces 23.000 exploitations ouvrent près de 4 millions et demi d’hectares alors que les 7 millions d'hectares restants sont répartis entre plus de 800.000 exploitations. Deux millions de fellahs sont réduits au chômage ou à un sous-emploi ressemblant fort a un chômage total alors que la plupart des grands propriétaires ne visitent leurs domaines que pour voir si la récolte a été bonne au pour encaisser les redevances des fermiers.
L'Algérie révolutionnaire ne peut pas ne pas répondre à cette situation qui débouche sur une sous-exploitation des grands domaines et sur une exploitation des terres dont disposent les petits paysans, qui débouche sur la non-utilisation des riches richesses du pays qui débouche enfin sur le contrôle d'une importante partie du revenu national par une poignée de privilégiés.
Faire la révolution, c'est ne pas hésiter à s'attaquer aux positions privilégiées quels que soient ceux qui les détiennent. Ainsi notre projet de réforme agraire prévoit la limitation de la propriété et ne touchera que les gros propriétaires et certains propriétaires moyens.
Mais si la réforme agraire est indispensable, il ne faut pas s'imaginer que nous allons trouver là une solution à tous nos problèmes. En fait, je vais vous dire la solution à tous nos problèmes, elle tient en un mot et ce mot est « production ».
Chaque Algérien, chaque Algérienne doit avoir constamment à l’esprit cette pensée : il faut produire, produire toujours davantage, dans tous les domaines et avec tous les moyens dont nous disposons. On parle d'industrialisation, et on a raison. Mais avec quoi paierons-nous ces usines si nous ne commençons pas attirer le maximum de bénéfice des outils qui sont déjà notre disposition ? L'aide étrangère ? Nous I'accueillons bien sûr avec reconnaissance, d'ou qu’elle vienne, mais qui peut croire que cette aide suffira ? Qui peut croire que ce n'est pas d'abord dans notre travail, dans nos richesses accumulées que nous trouverons les moyens de résorber le chômage, d'augmenter le niveau de vie, bref de produire davantage et mieux ?
A ce sujet, il existe quelques vérités qu'il faut dire. Et tout d'abord ceci : parmi tous les éléments du lourd héritage que nous a légué la colonisation. Il en est un sur lequel la lutte pour la décolonisation n'a peut-être pas été menée avec suffisamment de vigueur. Je veux parler de l'excessive importance qu'a prise chez nous ce que les techniciens de 1'économie nomment le secteur tertiaire, ou I'ensemble des services, et que nous appellerons plus simplement : l'ensemble des travailleurs non directement productifs. IL faut, c'est évident, des administrateurs, des fonctionnaires, des transporteurs, des commerçants. Il faut des agents de ville, des postiers, des dactylos, des vendeurs dans les magasins. Tous ces hommes et toutes ces femmes sont indispensables au bon déroulement de la vie publique. Mais ce qu'il ne faut pas, c'est que tous les Algériens, à partir du moment où ils disposent de leur certificat d'études, ne rêvent plus que de devenir agents de ville ou postiers, que toutes les Algériennes s'imaginent quelles ne pourront vivre honorablement que derrière une machine à écrire. Une telle tendance peut s'avérer d'autant plus grave que nous approchons du jour où les jeunes Algériens, toutes les jeunes Algériennes disposeront au moins de leur certificat d'études. Il ne faut d'ailleurs pas davantage que les médecins ou les ingénieurs ou d'autres qui ont eu la chance d'accéder aux études supérieures souhaitent, par dessus tout, entrer dans un ministère.
Cela je le répète, c’est une tare que nous a légué la colonisation. Pendant trop longtemps, dans ce pays où les usines étaient absentes, où les ateliers restaient rudimentaires, où 1'éducation professionnelle était inexistante, le seul moyen de sortir de la misère fut d'entrer dans ce secteur tertiaire créé pour servir les besoins des colons. Ces colons sont partis, mais la mentalité est restée. Nous devons nous en débarrasser. Nous devons rendre au travail productif la place qui est la sienne : la première. Dans ce pays, les hommes qui occupent les premières places ne doivent plus être les fonctionnaires ou les intermédiaires de toutes sortes, mais les paysans et les ouvriers. Tous les autres sont à leur service car ils vivent de leur travail.
A ce sujet, parlons un peu des commerçants ou plutôt de l'ensemble des activités qui débouchent sur le commerce de détail. Il s’agit là d'un secteur très important de 1'économie du pays puisqu'il permet de mettre les marchandises de toutes sortes à la disposition de ceux qui on ont besoin. Or, c'est justement à cause de cette importance que l'ensemble de ce secteur doit s'intégrer étroitement à l'ensemble de la vie du pays et non pas représenter un frein, un obstacle ou même un danger pour 1'édification socialiste. Si tous ceux qui participant à la collecte, au transport, au stockage et à la diffusion des marchandises veulent jouer le rôle auquel ils ont droit, ils doivent le jouer on fonction de la place réelle qu’ils occupent et non on fonction d'un quelconque désir de domination La fonction commerçante au sens large du terme, appelle une juste rémunération qu'on nomme ici bénéfice, mais qui ne peut on aucun cas prendre la forme d'une accumulation des richesses entre les mains des seuls distributeurs. Or, c'est a cela qu'on parviendrait si nous n'y prenions garde, dans ce pays où la fonction de production a été jusqu'ici injustement dévalorisée du fait même de son faible ampleur.
Nous ne sommes pas contre une certaine liberté dans l'exercice des professions qui supposent une large part d'initiatives individuelles.
Nous sommes contre l'utilisation de cette liberté a des fins spéculatives. Nul n'est dispensé du devoir de civisme et c'est gravement manquer à ce devoir que de profiter des situations que les hasards de 1'éducation ou de la fortune ont accordé pour tenter de s'approprier indûment une fraction du travail des producteurs.
Une telle remarque s'adresse d'ailleurs à toutes les catégories de citoyens, quelque soit le poste qu’ils occupent et particulièrement aux citoyens qui se trouvent investis de la confiance publique.
Ce qui est chez d'autres, faute condamnable, devient ici crime impardonnable. Nous avons déjà sévi contre des crimes de ce genre. Nous poursuivrons notre action contre la corruption. II est impossible de tolérer que certains considèrent le pouvoir qui leur est confier comme un moyen parmi d'autres de s'établir à leur compte.
Il en va de même pour la fiscalité. Là aussi, l’esprit civique est de rigueur. On ne peut admette qu’un certain nombre de transactions d’effectuent dans une clandestinité que plus rien ne justifie aujourd’hui. La bonne marche des institutions et le développement du pays exigent que les circuits parallèles, échappant à tout contrôle et à tout prélèvement fiscal qui ont eu tendance à se développer de ci et de là, s’intègrent sans tarder à la vie économique normale du pays.
A ce prix, mais à ce prix seulement, pourront être maintenus des rapports harmonieux entre les différentes activités qu’exercent les uns et les autres.
Ainsi l’opération monétaire que nous venons de réaliser a montré déjà que l’épargne algérienne n’était pas tout à fait négligeable. Il nous faut convaincre tout le monde que l’argent n’est pas fait pour être accumulé dans des coffres mais pour circuler. La thésaurisation nuit à l’intérêt du pays et tout doit être fait pour que l’épargne nationale soit investie et serve au développement de notre économie.
Mais revenons un instant au problème particulier des commerçants, et c’est ici aux petits commerçants que je m’adresse. Nous le savons, leur sort n’est souvent pas beaucoup plus enviable que celui d’un bon nombre d’autres Algériens. Tous ces réseaux complexes qui débouchent sur la distribution, ce n’est pas eux qui les contrôlent. Ce n’est pas eux qui profitent du financement des banques, ou des complaisances de quelques fonctionnaires. Quand il y a spéculation, ils en sont plus souvent victimes que profiteurs. En réalité, ils sont étroitement liés à ceux qui les fournissent et qui les transforment en agents souvent inconscients de leurs manœuvres. Et pourtant, soit par crainte, soit par ignorance, ces victimes se sont souvent complices de ceux-là même qui les tiennent en main, peut être pace qu’elles nourrissent l’illusoire espoir de parvenir un jour à tirer à leur tour les ficelles.
A ceux qui raisonnent ainsi, nous devons dire qu’ils doivent renoncer à de semblables perspectives. Le temps est révolu où il existait des ficelles à tirer. Leur chance, leur seule chance d’avenir est de s’intégrer à la société nouvelle que nous construisons. Nous le répétons : ils y ont leur place. A eux de savoir la prendre. Il est un autre aspect du commerce dont nous devons aussi nous entretenir : le commerce extérieur. Vous le savez, pendant toute la période coloniale, presque tout ce que vendait l’Algérie et tout ce qu’elle achetait allait vers la France ou en venait. L’indépendance acquise, le problème s’est posé pour nous de nous libérer de cette trop étroite sujétion économique qui aurait pu prendre rapidement la force d’une sujétion politique. Mais sur qui pouvions nous nous appuyer pour réaliser cette transformation ? Rarement sur les importateurs et exportateurs professionnels. Rien ne les incitait à engager des efforts et des frais pour chercher ailleurs des débouchés, et donc les sources de profit, alors qu’ils disposaient sans fatigue de leur marché traditionnel.
Certes, il était possible au gouvernement de conclure avec tel ou tel pays étranger des accords commerciaux, et nous nous sommes efforcés de le faire. Mais la valeur de ces accords reste limitée si la réalisation des ventes ou des échanges est laissée au bon ou au mauvais vouloir de groupes professionnels et ne sert, dans la meilleure hypothèse, qu’à renforcer la puissance de ces groupes.
C’est pourquoi, il est indispensable que nous prenions rapidement en main l’ensemble de notre commerce extérieur, tant pour hâter la diversification de nos marchés que pour mettre un terme à un certain nombre de spéculations qui n’ont pour conséquence que d’appauvrir notre peuple et de ruiner partiellement nos efforts.
Et puis, toujours au sujet de ce commerce extérieur, il faut se garder d’un certain nombre d’illusions. Développer les exportations est une tâche importante, mais qui ne s’avère pas toujours aisée. Pour y parvenir, il faut non seulement trouver les marchés extérieurs capables d’absorber nos produits mais encore développer suffisamment la production nationale pour que ce supplément d’exportation ne pèse pas dangereusement sur une consommation intérieure déjà trop réduite.
Il est cependant une autre manière d’aborder le problème : celle qui consiste à envisager tout autant la diminution des importations de biens de consommation, que le développement des exportations ; ne fût-ce que pour éviter d’alimenter en devises les compagnies maritimes et les compagnies d’assurances qui transportent ou couvrent dans les deux sens l’ensemble de nos marchandises.
Mais là comme ailleurs, nous retombons sur le même impératif : celui d’une production accrue et particulièrement dans les domaines susceptibles de couvrir les besoins vitaux du pays. Un tel but est possible à atteindre. C’est justement dans ces domaines que nous sommes le mieux armés, que nous possédons la plus grande somme d’expérience que l’effort de tous peut s’avère le plus fructueux.
Mais cet effort ne peut être accompli dans l’anarchie qui naît obligatoirement de la simple juxtaposition des individuels, si louables soient-elles. Si certains pays veulent ou peuvent se payer le luxe du gaspillage que développe la non-coordination des activités, libre à eux. Cela ne nous concerne pas. Ce qui nous concerne, par, contre, c’est l’Algérie et dans ce domaine, nous savons que nous ne pouvons accepter aucune déperdition d’énergie, si minime soit-elle. Il nous faut donc une planification.
Parler de planification, implique la nécessité de mettre à nu ce qui risquerait de la freiner. Personne ne la remet sérieusement en cause ou du moins personne ne la remet publiquement en cause.
On se contente de poser le problème en termes tels qu’aucune solution n’apparaît plus possible. L’argument le plus couramment utilisé, je vous le livre. On déclare : établir un plan est une œuvre scientifique. Pour y parvenir il faut disposer de ces statistiques, de ces rapports, de ces documents, bref de toutes ces « informations économiques » qui rendent possible le travail des spécialistes. Mais il faut aussi disposer de ces spécialistes, il faut donc les former ou faire appel à une armée de techniciens étrangers qui devront avant de commencer leur travail, apprendre à connaître le pays, à découvrir les structures de sa société et les habitudes des hommes, toutes choses dont il est nécessaire de tenir compte. Eh bien, je vous le dis, ceux qui raisonnent ainsi me font penser à ceux qui affirmaient le 30 octobre 1954 qu’il fallait, pour entreprendre la guerre de libération, attendre d’avoir des chars d’assaut et des avions, et des troupes entraînées pour conduire et servir cet armement moderne.
Nous ne nous laisserons pas fourvoyer dans cette impasse. Nous ferons un plan intérimaire avec les moyens dont nous disposons, avec les connaissances que nous avons. Nous n’avons pas besoin d’apprendre notre pays, nous le savons déjà. Ce n’est pas un mince avantage.
Ce plan intérimaire, il couvrira deux ou trois ans, peu importe, mais il sera calculé en fonction des buts essentiels que nous voulions atteindre. Il nous permettra également de réunir les moyens nécessaires à la mise au point d’un vaste plan de développement.
Et cette mise au point sera faite avec le concours du peuple tout entier, des comités de gestion agricoles et industriels comme des bénéficiaires de la réforme agraire. Car il ne saurait être question de créer un divorce néfaste entre les producteurs chargés de la réalisation du plan et un pouvoir abstrait de conception et de contrôle.
Sur cette base, nous livrerons la bataille du plan comme nous avons déjà livré d’autres batailles ; ni mieux ni plus mal armés, mais sur des armes que nous avons possédons et qui ne sont peut être pas médiocres que certains veulent bien le dire. Nous en avons déjà apporté la preuve.
Ce plan intérimaire, il devra en premier lieu tenir compte de l’obligation absolue de faire un effort considérable dans le domaine de la formation des cadres, autrement dit de l’investissement intellectuel.
Et ce n’est pas tellement en envoyant des étudiants en tous genres apprendre à l’étranger leur métier que nous réussirons sur ce point. C’est ici même, face aux problèmes concrets qui se posent à nous, que ces étudiants auront le plus de possibilité d’acquérir une formation efficace.
Nous savons trop à quel point des mois ou des années d’existence à l’étranger, dans des mondes différents du nôtre, peuvent causer à des jeunes gens de graves difficultés lorsqu’il s’agit pour eux de s’adapter à nouveau à la vie de leur peuple, et d’adapter leur savoir aux conditions particulières dans lesquelles ils devront en faire usage.
La politique, la culture, la technique, tout plaide en faveur de la formation sur place des cadres dont nous avons besoin. Il s’agit là d’un capital trop précieux pour que nous risquions de le trouver diminué au moment où nous penserons être en mesure de l’utiliser.
Je voudrais, enfin, pour finir, répondre à ceux qui souhaitent voir l’Etat servir d’arbitre entre les différentes tendances, les différentes forces qui peuvent exister dans notre pays, à ceux qui souhaitent que le gouvernement joue le jeu curieux de l’équilibre, en particulier entre le courant révolutionnaire et les nostalgiques de l’ordre bourgeois.
Il faut qu’il soit bien entendu qu’au aucun cas une telle situation ne pourra se produire. La politique du gouvernement est définie par le Parti et le Parti doit être le lieu de rassemblement de tous les véritables militants révolutionnaires. S’il devait donc y avoir arbitrage, qu’on sache que cet arbitrage s’effectuera toujours en faveur du courant révolutionnaire. Qu’on ne nous parle donc pas d’un équilibre trompeur : ici rien ni personne ne pourra jamais prétendre faire contrepoids à l’ensemble du peuple.
Les Tâches Immédiates
Si donc nous voulons récapituler, préciser et compléter, il nous faut avant tout nous pencher sur certains points qui réclament notre attention dans l’immédiat, sans préjuger de l’ensemble des tâches que les résolutions auront à définir.
Il va de soi que la réforme agraire sera pour nous une action de base, un premier pas vers l’industrialisation. Son application est au moins aussi importante que sa conception. Comme nous l’avons dit et répété, c’est d’une véritable révolution agraire qu’il doit s’agir, d’une révolution dans les rapports de notre paysannerie avec la nature et dans les rapports sociaux à la campagne. Libération des forces productives agricoles d’une part, promotion du paysan -notamment celui des régions déshéritées- et humanisation de ces conditions de vie d’autre part : voilà les grands aspects de la question.
Si nous insistons sur la révolution agraire, ce n’est nullement par négligence des autres tâches économiques et sociales qui tournent tout autour de la question de l’élévation du niveau de vie des travailleurs, et auxquelles a été accordée et sera de plus en plus accordée toute l’attention nécessaire. C’est bien plutôt pour confirmer que notre socialisme, qui est le socialisme des pauvres, ne néglige pas ceux-ci, ne néglige pas ceux qui sont vraiment les souffre-douleur sur cette terre.
C’est pourquoi nous ne manquerons pas d’attacher toute l’importance nécessaire à un problème particulier en Algérie, celui des orphelins. En ce qui les concerne, une campagne d’adoption doit se développer sans tarder pour débarrasser ces jeunes enfants de la détresse où les a plongés le colonialisme criminel. Chaque Algérien, surtout ceux qui en ont les moyens, doit se sentir tenu de faire de l’Algérie une grande famille, accueillante à l’égard de ces victimes des bourreaux du colonialisme qui ont tenté d’enraciner dans cette terre d’Algérie la tristesse et le malheur. Les cadres du Parti doivent donner l’exemple. Jurons de faire reparaître sur ces jeunes visages le sourire de l’Algérie reconquise. Il y va de l’avenir de 30.000 de nos fils et de nos filles.
N’oublions pas non plus les impératifs de la reconstruction du pays, de son infrastructure, de son capital immobilier, etc. Les problèmes de l’entretien de ce que nous possédons dans tous les domaines sont également à mettre au premier plan de nos préoccupations.
A ce propos, la question du reboisement mérite une attention spéciale : la campagne que nous avons commencé avec succès doit être poursuivie sans relâche, aboutissant tout d’abord à ce que toutes les routes, principales et secondaires, soient bordées d’arbres.
Tous ces objets seront évidemment atteints grâce à la mobilisation des masses dans le travail. A côté de la mobilisation sur les chantiers et dans le cadre des diverses campagnes d’alphabétisation, qui doivent reprendre, il faut organiser sérieusement un service civil se traduisant par la mise sur pied d’une véritable armée de travailleurs dont les bras seraient au service de l’édification socialiste.
Dans ce cadre, l’ANP a un grand rôle à jouer. Héritière de l’ALN elle a drainé au cours de la guerre de libération nationale ce qu’il y avait de plus dynamique et de plus radical dans notre société, et rassemblé les véritables élites. Elle garde vivace en elle cet esprit de sacrifice qui est à l’opposé de la recherche du profit. L’origine sociale de ses djounoud en majorité paysans pauvres la sensibilise particulièrement au mouvement des masses et aux objectifs socialistes du Parti.
Dans toutes les batailles engagées pour l’affirmation d’une orientation socialiste, elle a été aux premières lignes.
Les tâches gigantesques qui nous attendent ne peuvent être menées à bien sans sa participation active. Si sur le front de la lutte contre les ennemis du socialisme, elle donne chaque jour le meilleur d’elle-même, sur le front de la reconstruction, elle agira d’une manière identique. Que le fusil et la pioche soient le symbole de notre armée au service du peuple.
Ce sera également dans le contexte de la mobilisation populaire qu’il faudra appliquer aussi bien les décisions des deux Congrès de l’autogestion que celles du Parti. Insistons ici sur l’importance des campagnes d’information de l’opinion populaire et sur la nécessité de susciter la participation active des masses, car l’application de nos décisions n’est pas affaire de bureaucrates, pas plus que nos divers Congrès ne sont des séances de bavardages sans implications pratiques. Il faut comprendre que nous sommes engagés dans une entreprise de transformation de fond en comble de notre société.
De même que les Congrès de l’autogestion ont permis à certaines catégories de s’exprimer et de décider de leur sort, de même d’autres aboutiront à offrir la même possibilité à diverses couches engagées dans le processus révolutionnaire. Les petits paysans devront avoir l’occasion de confronter leurs problèmes et de s’organiser à l’échelle nationale. Leur congrès devra se tenir avant la fin de l’année 1964.
Les femmes devront aussi avoir un congrès qui soit le point de départ d’un mouvement révolutionnaire et émancipateur, intégrant totalement la femme dans l’ensemble des tâches de construction du socialisme. Les jeunes, de leur côté, devront aussi avoir leur congrès et se donner l’organisation la plus apte à leur permettre de tenir dans la révolution le rôle qui correspond à leur importance dans la nation et au dynamisme que celle-ci attend d’eux.
Cette place des jeunes dans notre marche au socialisme apparaît centrale si l’on songe au rôle que doit tenir le volontariat dans un socialisme comme le nôtre, un socialisme qui est fait par le peuple et pour le peuple. Dans toutes les campagnes qui viennent d’être évoquées, dans toutes les entreprises d’envergure nationale, il faut faire principalement appel à ces volontaires qui, par des miracles d’abnégation et d’enthousiasme, non seulement bâtissent et reboisent, mais aussi et surtout donnent un exemple dont la contagion bienfaisante est susceptible de galvaniser toutes les énergies.
Bien qu’il s’agisse là de tâches immédiates dont certaines ne constituent que de petits jalons dans notre longue marche au socialisme, il ne faut pas croire qu’on peut s’en acquitter sans que soient tout de suite remplies certaines conditions relatives aux instruments de réalisation, c’est à dire à l’Etat et au Parti.
Pour ce qui est de l’Etat, nous pouvons l’assainir à la base en organisant de la façon la plus démocratique, sous l’impulsion du Parti, des élections municipales visant à remettre réellement au peuple les rênes du pouvoir communal. Mais, plus encore, il faut sans tarder nous attaquer à cet impératif vital qu’est l’algérianisation de l’appareil d’Etat ; le principe à adopter doit consister à ne plus confier aucun poste de caractère même indirectement politique à des étrangers, en réservant par-dessus tout l’accès des postes-clés à des militants éprouvés. Il faut voir que, dans cette question de l’algérianisation de l’administration et de la politisation des postes de directions et de contrôle, il y va de l’indépendance du pays.
Il faut nous défaire du complexe de la technicité qui aboutit à mettre purement et simplement notre avenir à la merci de ce qu’on appelle l’assistance technique, et les techniciens étrangers dont nous avons besoin ne peuvent nous être utiles que s’ils sont totalement soumis à la direction de cadres algériens patriotes et socialistes.
Quant au Parti, il doit lui aussi commencer dès maintenant à se donner le contenu social et humain qui seul lui permettre de mener à bien sa mission. Répétons qu’il lui faut avant tout être ombilicalement lié aux masses et à leurs intérêts, et ce par le train de vie même de ses membres et non seulement par leurs professions de foi abstraites.
Il lui faut aussi une démocratie intérieure réelle, conformément aux statuts, de façon à ce que s’épanouisse la discussion libre qui seul permet la recherche sérieuse des solutions adéquates aux problèmes concrets du socialisme. En tout premier lieu, après avoir procédé à l’élargissement de la base révolutionnaire en réintégrant tous les militants qui remplissent les conditions exigées par les statuts, il faut renouveler par voie élective tous les organismes dirigeants de la cellule à la fédération.
Le Parti doit enfin veiller à la formation et au perfectionnement continuel de ses militants, ce qui impose, pour commencer, une école de cadres organisée avec tout le soin nécessaire. Nos travaux terminés, notre premier soin sera de populariser les conclusions du congrès dans le cadre d’une première semaine et faire entendre la voix du Parti dans les coins les plus reculés du pays.
Mais que tout cela ne nous fasse pas oublier que le Parti aura besoin essentiellement, pour se former, de l’épreuve de la lutte pour l’application de notre programme socialiste. Ses structures ne sortiront raffermies et ses membres aguerris que du combat qu’ils livreront à la nature et aux ennemis du peuple algérien.
Soyons donc attentifs à cet aspect de la question, afin de savoir combien il importe de prendre des décisions pratiques et de lancer le Parti dans les batailles que nécessite leur mise en œuvre.
Tous ces pas qu’il nous faut faire sur la voie du socialisme rejoignent d’autres pas qui sont faits en dehors de nos frontières.
Notre expérience a lieu, en effet, dans un certain contexte international qu’il ne faut jamais perdre de vue. C’est une règle générale de nos jours, qu’il n’existe plus de lutte isolée, et que c’est pur anachronisme que de ne pas avoir présenté à l’esprit les interactions qui lient notre sort à un monde qui nous influence et à l’évolution duquel nous contribuons à notre tour.
Il existe désormais peu de gens qui nient la primauté absolue du problème de la lutte contre le sous-développement. Quel que soit l’angle sous lequel on envisage la phase historique actuelle force est de reconnaître que l’extirpation de la misère et de l’oppression et de leur cortège de malheurs de toutes sortes passe avant tout autre impératif.
Et la gigantesque prise de conscience que nous constatons, cette prise de conscience des intéressés eux-même, est la preuve que le problème du sous-développement est bel et bien posé dans les faits, et dans les termes les plus corrects, c’est à dire en termes de lutte.
Partout en effet se lèvent les colonisés et les semi-colonisés pour affirmer leurs droits. Si l’on fait le bilan des grands changements historiques intervenus ces dernières années, on remarque qu’il ne s’agit de rien d’autre que de la libération de ces damnés de la terre dont on a pu dire que leur rôle spécifique sera de recommencer une histoire authentiquement humaine.
Un Nouveau 1er
Novembre : Celui du Socialisme
Il y a de nombreux jalons qui en disent long sur le processus en cours. Trois continents en effervescence, cette Asie, cette Afrique et cette Amérique Latine qui se dressent contre l’injustice. Voilà pour notre révolution et pour toute révolution un cadre et une famille dont la solidarité et la combativité grandissante sont les meilleurs encouragements. C’est à la lumière de ces encouragements qu’il faut envisager des faits tels que les nationalisations birmanes, cingalaises, les guérillas du Sud-est asiatique ou d’Amérique latine, les luttes arabes ou africaines, etc. Le vent de liberté qui souffle sur le monde et qui vient du Sud déshérité est en train de poser au Nord de la planète, à ce nord nanti, le grand problème des temps modernes : celui de l’égalité concrète de tous les êtres humains.
Si nous jetons un regard moins lointain, nous voyons autour de nous le monde arabe dont nous faisons intimement partie et dans lequel toute expérience est une espèce de bien indivis pour l’ensemble des peuples arabes. C’est pourquoi nous profitons de cette occasion pour rendre à la République Arabe Unie et aux réalisations de sa grande révolution, l’hommage le plus fraternel. Et c’est pourquoi nous espérons voir l’ensemble des autres pays arabes frères obtenir des résultats dans la lutte contre l’impérialisme afin que soient finalement remportés les succès auxquels nous aspirons contre le sionisme, la balkanisation et toutes les formes d’exploitation de l’homme par l’homme.
D’un autre côté, l’Afrique est là qui affirme à très haute voix sa ferme volonté de mettre fin au colonialisme. Ce continent contre lequel les oppresseurs se sont particulièrement acharnés démontre tous les jours la force de la poussée émancipatrice qui balaie le monde.
Dans leur lutte, les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ont trouvé dans les pays socialistes d’Europe des alliés auxquels il faut également rendre l’hommage qui se doit. C’est là une alliance précieuse pour les uns et pour les autres, l’impérialisme étant l’ennemi commun.
Voilà par conséquent les conditions internationales qui prévalent actuellement, à l’heure où l’Algérie, attelée à sa tâche à l’intérieur et solidaire de ses frères de lutte à l’extérieur, se prépare à franchir de nouveaux pas décisifs sur la voie qu’elle a choisie.
Que ce congrès soit donc avec l’assurance que permet la situation, avec le courage et le sérieux qu’elle exige, le signal de quelque chose de digne et de grand, la brise annonciatrice d’un de ces printemps dont le peuple algérien a le secret : que cela soit un nouveau Premier novembre : celui du SOCIALISME.
Additif sur l’Emigration Algérienne
Dans le rapport que je vous ai présenté, il existe une lacune que je tiens à combler. J’aurai dû parler de ceux de nos frères et de nos sœurs qui travaillent en France.
Pendant toute la période de la lutte armée, l’émigration algérienne en France, groupée au sein de la Fédération de France du F.L.N., s’est trouvée, dans les conditions qui étaient les siennes, à la pointe du combat. Les morts, les emprisonnés, les internés, le nombre de ceux qu’on renvoya, comme on disait alors, dans leur douar d’origine, toutes ces victimes de la guerre attestent de la violence du combat qui fut mené.
Aujourd’hui, plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes vivent et travaillent encore en France dans des conditions souvent difficiles, et d’autant plus difficiles qu’ils se heurtent à une campagne extrêmement violente dirigée contre eux. Les mobiles de ceux qui animent cette campagne, nous les connaissons : ils se nomment racisme et haine de notre révolution. On pourrait même dire peur de notre révolution car une révolution authentique fait toujours peur aux détenteurs de privilèges, où qu’ils se trouvent. L’histoire fourmille d’exemples de ce genre.
Que certains, en France ou ailleurs, n’aient pas voulu encore tirer les enseignements de notre victoire, que certains nous contestent encore le droit de mener nos affaires à notre guise, c’est à dire dans le seul intérêt de notre peuple, c’est là un phénomène auquel nous pouvions nous attendre. Je me contenterai simplement d’opposer à cette hargne impuissante la sérénité dont a su faire preuve le peuple algérien.
Ce peuple, qui avait déjà forcé l’admiration du monde entier en refusant de répondre aux sanglantes provocations de l’O.A.S. a su, dès le premier jour de son indépendance, dépasser de légitimes rancunes et traiter en amis les Français qui se trouvaient sur son sol. Ces Français peuvent en témoigner, ils en témoignent d’ailleurs souvent, jamais ils ne furent victimes de manœuvres discriminatoires. Comment aurait-il pu en être autrement ? Notre peuple ignore le racisme et tous les Algériens ont toujours su faire la distinction entre le colonialisme et le peuple français.
C’est pourquoi nous étions en droit d’espérer que nos compatriotes travaillant en France bénéficieraient d’une semblable compréhension, pour ne pas parler de la plus élémentaire fraternité humaine.
Mais nos ennemis savent bien que l’émigration algérienne en France constitue un puissant ferment à notre action révolutionnaire. Et, on doit le dire, les forces contre-révolutionnaires en Algérie même le savent aussi. Je me dois de dénoncer ici la collusion dont nos frères travaillant en France se trouvent les victimes.
Certains, nous le savons, s’imaginent qu’en humiliant un en pourchassant nos frères émigrés ils pourront exercer une pression sur notre Parti et sur notre gouvernement. Après nous avoir privés des moyens d’assurer du travail à tous les Algériens à l’intérieur de leur propre pays, ils voudraient utiliser les problèmes que pose une émigration douloureuse pour nous replacer à leur merci. Nous ne pourrons jamais accepter une pareille forme de chantage. Si trouver du travail à l’étranger permet à de nombreux algériens d’assurer leur subsistance et celle de leur famille, il faut bien voir qu’en échange de ces moyens, ces travailleurs procurent aux pays qui les accueillent d’appréciables avantages. Dans les usines françaises, les Algériens participent au développement de la France. Ce simple fait devrait leur mériter le respect.
Nous souhaitons du fond du cœur que ces campagnes s’apaisent, que les vexations disparaissent, qu’on nous donne enfin la possibilité totale de construire, entre le peuple français et nous, cette amitié fondée sur des bases nouvelles que nous appelons de tous nos vœux. Mais si cet apaisement ne survenait pas, nous serions contraints de ré envisager la situation. Aucun problème, si grave soit-il, n’a jamais comporté une solution unique. Celui que pose l’existence d’une importante émigration algérienne ne fait pas exception à cette règle.
S’il le faut, nous saurons lui trouver des solutions nouvelles. Et ce sera tant pis pour ceux qui nous auront contraints d’adopter cette attitude.
Les Résolutions Finales
1- Résolution de politique générale
Le premier congrès du Front de Libération Nationale, réunit à Alger du 16 au 21 avril 1964, après étude, discussion et amendement du projet de programme et du rapport présenté par le Secrétaire général et annexé à ce projet.
§ Approuve l’orientation de ces deux documents, expression de la volonté du peuple algérien et de son parti de placer la politique du pays, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sous le double signe du socialisme et de l’attachement à notre personnalité arabo-islamique.
§ Se félicitent des initiatives prises jusqu’à présent par le pouvoir qui ont permis le regroupement des forces révolutionnaires et stigmatise les efforts que fait la contre-révolution, en accord conscient ou inconscient avec des forces étrangères, pour barrer la route au socialisme.
- Rend hommage aux héros et aux martyres de la lutte nationale, en honorant leur mémoire par la sauvegarde de l’unité de notre peuple dans la défense de notre intégrité territoriale, et en jurant de tout faire au profit des veuves et des orphelins.
- Salue tous ceux qui à travers le monde ont œuvré au triomphe de la révolution algérienne et particulièrement les démocrates français encore détenus pour leur contribution à la libération de l’Algérie.
- Réaffirme la nécessité de compléter notre indépendance sur tous les plans :
a) En veillant à l’évacuation rapide des forces militaires étrangères cantonnées sur notre sol ;
b) En poursuivant l’algérianisation totale de l’administration ;
c) En nous orientant, pour l’assistance technique qui nous est nécessaire vers les pays qui la rendent plus formative et moins coûteuse ;
d) En diversifiant à tout prix notre commerce extérieur ;
e) En entreprenant la prise en main de nos richesses nationales.
- Insiste sur l’urgence qu’il y a à accentuer l’arabisation de l’Algérie :
a) Par l’accélération de l’arabisation de l’enseignement ;
b) Par le renforcement des liens, notamment culturels avec le monde arabe, ce qui signifie en particulier une augmentation substantielle des moyens mis à la disposition des organismes chargés de promouvoir de tels liens ;
c) Par un élargissement considérable de la sphère des études arabes au sein de l’université.
- Exige la confirmation dans les faits de notre option socialiste :
a) En prenant systématiquement le parti du secteur socialiste pour le consolider face au secteur privé.
b) En intégrant au secteur socialiste toutes les unités économiques nécessaires à son bon fonctionnement ;
c) En élargissant ce secteur par de nouvelles mises en autogestion ou des nationalisations ;
d) En appliquant l’ensemble des décisions des congrès de l’autogestion agricole et industrielle :
e) En veillant au succès de la réforme agraire par une campagne d’explication systématique de ses buts et par la participation consciente des paysans à sa réalisation ;
f) En comptant essentiellement pour la réalisation de ces tâches sur la mobilisation des masses qui doit aboutir, dans l’immédiat à faire de l’année 1964, l’année du volontariat.
- Décide, en ce qui concerne le parti, les principes suivants :
a) Le parti doit être le moteur principal de la vie du pays. Ses membres doivent se plier à la règle du maximum socialiste qui veut qu’aucun militant, quel qu’il soit, n’ait un double salaire, ni un salaire l’éloignant par son niveau de vie des masses laborieuses.
b) Ils doivent également, dans les plus brefs délais, faire une déclaration soumise à l’appréciation de la commission de contrôle du parti sur les biens qu’ils possèdent ou ont acquis depuis novembre 1954.
c) Une des tâches principales pour donner de nouvelles forces au parti et renforcer sa liaison avec les masses est améliorer sa composition sociale par le recrutement prioritaire d’ouvriers et de paysans pauvres et l’intégration de militants révolutionnaires conséquents demeurés en dehors de ses rangs.
d)Dans l’immédiat, le parti doit veiller à l’instauration d’une véritable démocratie intérieure par l’élection, sur la base des statuts, des responsables à tous les niveaux, par une campagne d’explication permanente et systématique du programme et de son contenu et l’accentuation de son travail politique et d’éducation dans les organisations de masse et spécialement dans les syndicats.
e) Il doit également accorder une attention spéciale aux organisations nationales et particulièrement à la JFLN et à l’UNFA.
- Demande que la politique du parti en matière de construction de l’Etat vise à consolider son autorité pour mener à bien la lutte contre les ennemis du socialisme :
a) En simplifiant les rouages existants par une réforme administrative ;
b) En réorganisant les communes sur une base décentralisée pour mettre fin à la sous-administration des régions déshéritées, spécialement les régions montagneuses et sahariennes ;
c) En instaurant une austérité rigoureuse et sans cesse croissante ;
d) En prévenant et en éliminant le gaspillage, le bureaucratisme, la corruption et toutes les déformations qui peuvent aboutir au relâchement des liens avec les masses et favoriser les menées contre-révolutionnaires.
Déclare que la pierre angulaire de notre politique extérieure doit tendre à faire de la Révolution algérienne un pôle de rayonnement révolutionnaire dans le Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique et qu’elle se doit :
a) De mener une lutte ferme et résolue contre l’impérialisme et le sionisme et persévérer dans la voie de l’initiative tendant à la formation d’une vaste alliance anti-impérialiste de l’ensemble des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine.
b) D’appliquer une politique de non-alignement ;
c) De renforcer la coopération avec les pays qui peuvent nous aider à surmonter les difficultés du sous-développement et accentuer notre dégagement à l’égard de l’impérialisme.
d) De continuer à apporter son aide aux mouvements de libération en favorisant le renforcement de leur unité et de poursuivre une lutte opiniâtre contre toutes les formes de racisme et particulièrement contre celle qui se manifeste sous la forme de l’apartheid.
e) D’assurer de notre soutien tous ceux qui souffrent pour avoir lutté pour la liberté et le progrès ;
f) De veiller à l’application intégrale des décisions de la conférence d’Addis-Abeba, des décisions de la conférence au sommet arabe relatives à la Palestine et à la lutte contre le sionisme ;
g) D’œuvrer sans relâche au rapprochement entre les peuples seul moyen de fonder la paix mondiale sur une base juste et de mettre un terme aux essais nucléaires pour parvenir ensuite à la destruction totale des armes atomiques.
2- Résolution économique et sociale
Le premier congrès du Front de Libération Nationale, réuni du 16 au 21 avril 1964, en faisant siennes les thèses du rapport et du programme en matière politique, économique et sociale, décide :
1) Que soit rapidement mise en chantier une planification socialiste démocratique dans son élaboration et impérative dans son exécution, fixant des objectifs chiffrés et précisant les moyens de les atteindre.
2) Que soit consolidé le secteur socialiste autogéré par l’application stricte des décisions des deux congrès de l’autogestion agricole et industrielle et un renforcement sérieux du contrôle de la gestion, conformément aux décrets de mars 1963.
3) Que la réforme agraire soit appliquée intégralement et de façon à préparer la généralisation de l’autogestion agricole.
4) Que soient mises en autogestion les autres entreprises nécessaires à la bonne marche du secteur socialiste.
5) Que soit préparée et mise en pratique dès que possible la nationalisation du commerce extérieur, des banques et des transports.
6) Que soit protégée la production algérienne face à la concurrence étrangère.
7) Que soit donnée la priorité aux investissements créateurs d’emplois, afin de lutter contre le chômage et l’hémorragie de main-d’œuvre, et afin de provoquer le retour de notre émigration.
8) Qu’une action soit entreprise en vue d’améliorer les conditions sociales de l’émigration algérienne en France et en Europe et de hâter le retour en Algérie des ouvriers qualifiés et des techniciens en préparant les structures d’accueil nécessaires.
9) Que soit mise en œuvre une conception révolutionnaire de l’investissement intellectuel par :
a) La scolarisation totale des garçons et des filles de six ans avant trois ans.
b) L’institution d’un système d’éducation permanente des analphabètes.
c) La généralisation de la formation professionnelle dans le métier.
d)L’attribution d’une place prépondérante à l’enseignement technique dans les programmes scolaires généraux, et non le cantonnement de cet enseignement dans des sections spéciales.
10) Que soit créée une commission nationale chargée de préconiser les mesures propres à accélérer l’élaboration d’un programme d’arabisation tendant à la sauvegarde et au développement de nos valeurs culturelles et spirituelles.
11) Que soient recherchées et mises à profil les possibilités d’élévation du niveau de vie des couches les plus défavorisées et que soit entreprise une action sur les prix.
12) Que soit établi un plan de développement des régions déshéritées dans le cadre duquel le volontariat devrait être largement utilisé.
13) Que soient donné au communes la liberté et les moyens de multiplier les chantiers locaux de conservation et de mise en valeur de nos ressources.
14) Que soit créée une commission nationale chargée d’enquêter sur tous les biens mal acquis ou dont l’origine n’est pas justifie, depuis le début de la révolution.
15) Que soit interdit le cumul de revenus professionnels.
16) Que soient accélérés les travaux des commissions instituées pour examiner les recours de certains petits commerçants touchés abusivement par les nationalisations.
17) Que soit commencée l’application des thèses du programme concernant la santé publique, l’habitat et la reconstruction ainsi que le reclassement des anciens moudjahidine.
18) Que dans les zones rurales, la reconstruction tienne compte de la nécessité d’adapter le logement aux conditions du milieu.
19) Qu’une solution soit apportée au problème du logement et de la conservation du patrimoine immobilier en commençant par définir le statut juridique de ce patrimoine dans le sens de sa nationalisation.
20) Que dans le cadre d’un office national du logement et afin de régler en partie ce problème tant du point de vue de la conservation que du point de vue financier, soit appliquée la formule de la location-vente permettant l’acquisition du logement pour les besoins familiaux ou personnels et qu’en outre un effort considérable de civisme soit déployé pour l’entretien de ce patrimoine.
21) Que soit mis sur pied aussi rapidement que possible un code de la famille conforme à nos traditions et à notre option socialiste.
22) Enfin que nos étudiants soient, dans le cadre du volontariat, orientés vers les tâches suivantes particulièrement dans les régions défavorisées :
23) La formation d’alphabétiseurs ;
24) L’animation dans les différents secteurs de la production ;
25) Le service administratif.